L’emploi à temps partiel est un emploi atypique : le contrat de travail de principe est le contrat à durée indéterminée et à temps plein. La sanction du régime légal restrictif applicable à ce contrat d’exception, est donc en principe la requalification à temps plein.

Toutefois la jurisprudence réserve cette sanction (et ses conséquences en terme de rappel de salaire) à certaines irrégularités majeures : absence de contrat écrit, par exemple, ou durée réelle de travail atteignant le temps plein. Et encore dans certaines hypothèses, autorise-t-elle l’employeur à rapporter la preuve contraire de cette présomption simple de temps plein.

Ainsi en cas d’irrégularité formelle du contrat, ou bien lorsque la durée partielle de travail varie de façon systématique : l’employeur est autorisé à démontrer activement la réalité de l’emploi à temps partiel. Mais il lui faut alors rapporter deux éléments de preuve ; celle de la durée partielle de travail (inférieure au temps plein), et celle de la fixité de la répartition des heures de travail dans la semaine ou des semaines de travail dans le mois : à défaut, le salarié étant contraint de se tenir en permanence à la disposition de l’employeur, l’emploi doit être requalifié à temps plein.

Cette souplesse consacrée par la jurisprudence sociale est constante, comme l’illustre l’arrêt non-publié ici éclairé. La Chambre sociale y réitère une solution plusieurs fois rappelée récemment : le non-respect de la réglementation sociale encadrant le travail à temps partiel, n’entraîne pas automatiquement la requalification en contrat à temps plein.

En l’occurrence la violation des limites aux heures complémentaires, ou à la modulation du temps de travail, ou aux dispositions conventionnelles dérogatoires applicables à l’entreprise, n’est pas de nature à elle seule à entraîner cette requalification. Et si celle-ci est encourue, il reste encore possible à l’employeur de démontrer que le salarié ayant toujours accompli une durée partielle de travail, n’a jamais été contraint de se tenir en permanence à sa disposition.

Cour de cassation, chambre sociale, 24 octobre 2018 (pourvoi n° 16-18.024, inédit)
(…)

Attendu, selon l’arrêt attaqué (Montpellier, 30 mars 2016), que M. Antonio Y…, engagé par contrat à temps partiel modulé, en qualité de distributeur de journaux, par la société Adrexo a saisi la juridiction prud’homale de diverses demandes ;

Sur le premier moyen :

Attendu que le salarié fait grief à l’arrêt de le débouter de sa demande de requalification de son contrat de travail en contrat à temps plein, alors, selon le moyen :

1°/ que les conventions ou accords collectifs de travail étendus ou les accords d’entreprise ou d’établissement prévoyant la modulation du temps de travail doivent prévoir les limites à l’intérieur desquelles la durée du travail peut varier, l’écart entre chacune de ces limites et la durée stipulée au contrat de travail ne pouvant excéder le tiers de cette durée ; que la méconnaissance par l’employeur d’une telle obligation relative à la mise en oeuvre du temps partiel modulé fait présumer que le contrat de travail est à temps complet ; qu’en estimant toutefois que le non-respect de cette limite du tiers de la durée du travail fixée par la convention collective et l’accord d’entreprise était insuffisant en soi pour justifier la requalification du contrat à temps partiel modulé en contrat à temps complet, la requalification ne pouvant être encourue que si la durée du travail du salarié est portée à un niveau égal ou supérieur à la durée légale hebdomadaire ou à la durée fixée conventionnellement, la cour d’appel a violé l’article 1er du chapitre IV de la convention collective des entreprises de la distribution directe (IDCC2372) du 9 février 2004 et l’article 2.1 de l’accord d’entreprise du 11 mai 2005 ;

2°/ en tout état de cause qu’en refusant de requalifier le contrat de travail en contrat à temps complet tout en constatant la méconnaissance par l’employeur des stipulations conventionnelles relatives aux limites de variation de la durée du travail du salarié, sans expliquer dans quelle mesure le salarié ne se trouvait pas placé dans l’impossibilité de prévoir à quel rythme il devait travailler et n’avait pas à se tenir constamment à la disposition de l’employeur, la cour d’appel a privé sa décision de toute base légale au regard de l’article 1er du chapitre IV de la convention collective des entreprises de la distribution directe (IDCC2372) du 9 février 2004 et de l’article 2.1 de l’accord d’entreprise du 11 mai 2005 ;

Mais attendu qu’ayant retenu que le non-respect de la limite du tiers de la durée du travail fixée par la convention collective et l’accord d’entreprise était insuffisant en soi pour justifier la requalification du contrat à temps partiel modulé en contrat à temps complet, dès lors qu’il n’était pas démontré que la durée du travail du salarié avait été portée à un niveau égal ou supérieur à la durée légale hebdomadaire ou à la durée fixée conventionnellement, la cour d’appel a légalement justifié sa décision ; que le moyen, qui manque en fait en sa seconde branche, n’est pas fondé ;

Sur le deuxième et le troisième moyens réunis :

Attendu que le salarié fait grief à l’arrêt de le débouter de sa demande de requalification de son contrat de travail en contrats à temps plein, alors, selon le moyen :

1°/ que le contrat de travail à temps partiel modulé doit prévoir les modalités et les délais selon lesquels les horaires de travail peuvent être modifiés, cette modification ne pouvant intervenir moins de sept jours après la date à laquelle le salarié en a été informé, ce délai pouvant être ramené à trois jours par convention ou accord collectif de branche étendu ou convention ou accord d’entreprise ou d’établissement ; que la méconnaissance des modalités et des délais de modification des horaires de travail fait présumer l’existence d’un contrat de travail à temps plein ; qu’en estimant toutefois que le non-respect de ces modalités de modification des horaires de travail fixées par la convention collective et l’accord d’entreprise était insuffisant en soi pour justifier la requalification du contrat à temps partiel modulé en contrat à temps complet, la cour d’appel a violé l’article 1er du chapitre IV de la convention collective des entreprises de la distribution directe du 9 février 2004 et l’article 2.1, alinéa 6, de l’accord d’entreprise du 11 mai 2005 ;

2°/ et en tout état de cause qu’en refusant de requalifier le contrat de travail en contrat à temps complet tout en constatant la méconnaissance par l’employeur des stipulations conventionnelles relatives aux modalités de modification des horaires de travail, sans expliquer dans quelle mesure le salarié ne se trouvait pas placé dans l’impossibilité de prévoir à quel rythme il devait travailler et n’avait pas à se tenir constamment à la disposition de l’employeur, la cour d’appel a privé sa décision de toute base légale au regard de l’article 1er du chapitre IV de la convention collective des entreprises de la distribution directe du 9 février 2004 et de l’article 2.1, alinéa 6, de l’accord d’entreprise du 11 mai 2005 ;

3°/ que la quantification préalable de l’ensemble des missions confiées et accomplies par le distributeur, dans le cadre de l’exécution de son métier, en fonction des critères associés à un référencement horaire du temps de travail prévue par l’article 2.2.1.2 du chapitre IV de la convention collective nationale de la distribution directe ne saurait, à elle seule satisfaire aux exigences de l’article L.3171-4 du code du travail ; que Mme Z… faisait valoir dans ses écritures qu’il ne lui était pas permis de connaître à l’avance sa plage de travail ni même de savoir à quel rythme elle pouvait avoir à travailler dès lors que le temps de travail pré-quantifié par la la société sur le fondement duquel elle était rémunérée ne correspondait pas son temps de travail effectif et que n’étaient respectés ni les délais de prévenance d’une modification de son temps de travail ni la limitation de la variation de la durée du travail au tiers de la durée stipulée au contrat ; qu’en se contentant toutefois de relever, pour débouter la salariée de sa demande de requalification, qu’était prévue la durée mensuelle de référence, que les feuilles de route étaient remises au salarié mentionnant un volume horaire réparti par le salarié, jouissant d’une totale autonomie, à l’intérieur de ses jours de disponibilité et mentionnaient la durée contractuelle hebdomadaire de travail permettant au salarié d’en contrôler le volume la cour d’appel, qui constatait pourtant le non-respect par l’employeur des modalités de transmission du programme indicatif annuel, s’est exclusivement fondée sur la quantification préalable des missions confiées ou accomplies dont les feuilles de route n’étaient que la reprise, en violation des textes susvisés ;

Mais attendu qu’il résulte de l’article L. 3123-25 du code du travail, dans sa rédaction antérieure à la loi n° 2008-789 du 20 août 2008, applicable à l’espèce, qu’en cas de défaut de respect des modalités selon lesquelles le programme indicatif de la répartition de la durée du travail est communiqué par écrit au salarié et des conditions et délais dans lesquels les horaires de travail lui sont notifiés par écrit, le contrat est présumé à temps complet et il incombe alors à l’employeur de rapporter la preuve que l’intéressé n’était pas placé dans l’impossibilité de prévoir à quel rythme il devait travailler et qu’il n’avait pas à se tenir constamment à la disposition de l’employeur ;

Et attendu que la cour d’appel a constaté que l’organisation du travail prévoit une durée mensuelle moyenne de travail de référence, avec fixation d’un commun accord des jours de disponibilité des salariés dans la semaine, que les feuilles de route remises aux distributeurs et normalement signées par eux, qui ne mentionnent qu’un volume horaire réparti librement par les intéressés à l’intérieur des jours de disponibilité, précisent la durée contractuelle hebdomadaire de travail, ce qui permet aux salariés de contrôler le volume de travail convenu, qu’elles n’emportent en elles-mêmes aucune modification du planning prévisionnel et que l’employeur établit que les salariés n’étaient pas placés dans l’impossibilité de prévoir à quel rythme ils devaient travailler et qu’ils n’avaient pas à se tenir constamment à la disposition de l’employeur ;

D’où il suit que le moyen n’est pas fondé ;

Sur le quatrième moyen, qui est recevable :

Attendu que le salarié fait le même grief à l’arrêt, alors, selon le moyen, que les stipulations d’une convention ou d’un accord collectif moins favorables aux salariés que les dispositions légales ou réglementaires doivent être réputées non écrites et leur application écartée ; que la quantification préalable de l’ensemble des missions confiées et accomplies par le salarié distributeur en fonction des critères associés à un référencement horaire du temps de travail prévue à l’article 2.2.1.2 du chapitre IV de la convention collective nationale de la distribution directe constitue une dérogation moins favorable aux dispositions de l’article D.3171-8 du code du travail aux termes desquelles le décompte quotidien de la durée du travail s’effectue par un enregistrement, selon tous moyens, des heures de travail accomplies ; qu’en refusant néanmoins d’écarter l’application des stipulations conventionnelles litigieuses au motif que l’annulation par le Conseil d’Etat du décret n°2010-718 du 8 juillet 2010 et par voie de conséquence de l’article R.3171-9-1 du code du travail autorisant la pré-quantification temps de travail n’avait pas remis en question le principe selon lequel les parties peuvent s’accorder sur la durée théorique nécessaire sur la base de barèmes précis, quand le système de pré-quantification fondés sur des barèmes établis par l’employeur, ne reflétant qu’imparfaitement la durée de travail effectif, s’avère moins favorable au salarié, la cour d’appel a violé l’article L. 2251-1 du code du travail ;

Mais attendu que la quantification préalable de l’ensemble des missions confiées et accomplies par le distributeur, dans le cadre de l’exécution de son métier, en fonction des critères associés à un référencement horaire du temps de travail prévu par l’article 2.2.1.2 du chapitre IV de la convention collective nationale de la distribution directe ne saurait, à elle seule faire obstacle à l’application des dispositions l’article L. 3171-4 du code du travail ; que le moyen est inopérant ;

Et attendu que le rejet des premier à quatrième moyens rend sans portée la demande de cassation par voie de conséquence des cinquième et sixième moyens ;

PAR CES MOTIFS : REJETTE le pourvoi (…)