L’occasion est suffisamment rare de signaler le renvoi par la Cour de cassation d’une question prioritaire de constitutionnalité, notamment en Droit de la sécurité sociale. Le débat porte sur l’interprétation restrictive faite par le Juge quant à la prise en charge du transport sanitaire.

En effet lorsque l’entreprise prestataire exploite à la fois des taxis (plus coûteux pour le Régime de sécurité sociale) et des VSL, elle n’est rémunérée que sur la base du transport VSL lorsqu’il est médicalement imposé, même en cas d’impossibilité pratique. C’est cette rigidité que dénonce le transporteur dans l’arrêt ici éclairé.

Ne nous y trompons pas toutefois : nul doute que la Cour de cassation, par ce renvoi au Conseil constitutionnel, espère en réalité voir valider cette interprétation jurisprudentielle constante… L’avenir le dira, l’affaire est à suivre.

Cour de cassation, 2ème chambre civile, 25 octobre 2018 (pourvoi n° 18-11.223, inédit)
(…)

Attendu qu’à l’occasion d’un recours formé contre la décision de la caisse primaire d’assurance maladie du Tarn demandant le remboursement d’un indu et refusant des prises en charges de factures de transport en taxi, la société Ambulances-taxis du Thoré a présenté, le 20 août 2018, à la Cour de cassation, par mémoire distinct et motivé, une question prioritaire de constitutionnalité ;

Attendu que la question posée est ainsi rédigée :

« L’article L. 322-5, alinéa 1, du code de la sécurité sociale disposant que les frais de transport sanitaires sont pris en charge sur la base du trajet et du mode de transport les moins onéreux compatibles avec l’état du bénéficiaire, dans l’interprétation constante qu’en donne la Cour de cassation conduisant à imposer aux entreprises de transport disposant à la fois de taxis et de véhicules sanitaires légers une limitation de la prise en charge au tarif de ces derniers même s’il est prouvé qu’ils sont indisponibles et que le transport a dû avoir lieu en taxi, est-il contraire à l’alinéa 11 du Préambule de 1946 garantissant le droit à la protection de la santé, au principe d’égalité devant la loi et au principe d’égalité devant les charges publiques, garantis par les articles 6 et 13 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789, et à la liberté d’entreprendre garantie par l’article 4 de la même Déclaration ? » ;

Attendu que la disposition législative critiquée est applicable au litige et n’a pas déjà été déclarée conforme à la Constitution dans les motifs et le dispositif d’une décision du Conseil constitutionnel ;

Et attendu que la question paraît sérieuse, dès lors que, se bornant à prévoir que les frais de transport des assurés sont pris en charge par l’assurance maladie sur la base du trajet et du mode de transport les moins onéreux compatibles avec l’état du bénéficiaire, sans préciser les conditions d’appréciation du principe ainsi énoncé selon les modalités de réalisation des transports, les dispositions critiquées sont susceptibles de méconnaître les exigences qui s’attachent aux dispositions, règles et principes de valeur constitutionnelle invoqués au soutien de la question ;

D’où il suit qu’il y a lieu de renvoyer la question au Conseil constitutionnel ;

PAR CES MOTIFS : RENVOIE au Conseil constitutionnel (…)