La transaction est soumise à un régime prétorien spécifique, en Droit du travail, afin de tenir compte de l’autorité exercée par l’employeur. Ainsi, au-delà de l’exigence d’une indemnité financière qui ne soit pas dérisoire, l’accord ne peut-il être conclu que postérieurement à la naissance du litige : le salarié ne peut pas en effet renoncer par avance à la protection offerte par la règlementation sociale ; s’agissant comme dans l’arrêt ici éclairé, de la rupture du contrat de travail, l’acte doit être conclu après par exemple la notification de la lettre de licenciement.

La Chambre sociale exige que les points du litige sur lesquels les parties transigent, soient précisément mentionnés ; longtemps elle a donc neutralisé la transaction rédigée en termes généraux. Depuis quelques mois pourtant cette position s’infléchit, et il est désormais admis que ce mode alternatif de résolution des conflits soit pleinement efficace, dès lors qu’est précisé le champ couvert par la transaction.

En l’espèce le salarié a conclu une transaction après son licenciement, et portant principalement sur la légitimité de cette rupture. Mais l’acte mentionnait expressément que le salarié renonce à toute réclamation « de quelque nature que ce soit, née ou à naître… ». Or plusieurs années après, à l’occasion de son départ à la retraite, l’intéressé constate qu’une pension complémentaire lui est refusée en raison de manquements de son ancien employeur.

Il engage donc un nouveau contentieux à l’encontre de cette entreprise. Son action est toutefois jugée irrecevable par la Cour de cassation, sur le fondement de la transaction intervenue : même si le salarié ne pouvait connaître le litige apparu postérieurement, il a valablement renoncé à tout contentieux avec l’employeur par la transaction conclue une fois éteint le lien de subordination.

Cour de cassation, chambre sociale, 30 mai 2018 (pourvoi n° 16-25.426, publié au bulletin)
(…)

Attendu, selon l’arrêt attaqué, que M. X…, engagé en qualité de directeur administratif le 15 janvier 1985 par la société Ted C… (la société), a été licencié pour cause économique, le 29 juin 2005 ; qu’après la rupture du contrat de travail, les parties ont conclu une transaction ; que le salarié a pris sa retraite en 2012 et a sollicité la société aux fins d’obtenir le versement d’une retraite supplémentaire, ce qui lui a été refusé ; que le salarié a saisi la juridiction prud’homale ;

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Vu les articles 2044 et 2052 du code civil dans leur rédaction antérieure à celle de la loi n° 2016-1547 du 18 novembre 2016, 2048 et 2049 du même code ;

Attendu que pour déclarer recevable l’action du salarié et faire droit à ses demandes, l’arrêt retient que la transaction avait pour objet de régler les conséquences du licenciement, qu’il n’est pas fait mention dans cet acte du cas particulier de la retraite supplémentaire du salarié licencié, et qu’il n’existait aucun litige entre les parties concernant la retraite supplémentaire dont la mise en oeuvre ne devait intervenir que plusieurs années plus tard ;

Qu’en statuant ainsi, alors qu’aux termes de la transaction, le salarié déclarait avoir reçu toutes les sommes auxquelles il pouvait ou pourrait éventuellement prétendre au titre de ses relations de droit ou de fait existant ou ayant existé avec la société et renonçait à toute réclamation de quelque nature que ce soit, née ou à naître ainsi qu’à toute somme ou forme de rémunération ou d’indemnisation auxquelles il pourrait éventuellement prétendre à quelque titre et pour quelque cause que ce soit du fait notamment du droit commun, des dispositions de la convention collective, de son contrat de travail et/ou de ses avenants et/ou tout autre accord, ou promesse et/ou découlant de tout autre rapport de fait et de droit, la cour d’appel a violé les textes susvisés ;

PAR CES MOTIFS, (…) CASSE ET ANNULE