Le temps de travail des salariés chauffeurs grands routiers est principalement régi par un règlement communautaire, et le Code des transports adapte sur de nombreux points ces dispositions originales. Par conséquent le Code du travail ne peut trouver à s’appliquer, en raison du caractère d’ordre public de cette règlementation spécifique.

Ainsi le temps de service y est-il composé de temps de conduite, ainsi que de temps sans conduite ; de même certains temps de pause ne relèvent pas du temps de repos. Les mécanismes juridiques encadrant les heures supplémentaires tiennent compte de ces spécificités, et ne peuvent donc pas être ajoutés à ceux relevant du Droit social commun.

C’est ce que rappelle ici la Cour de cassation, dans une espèce ou le Juge du fond reprenait une confusion opérée par le salarié entre les modalités de récupération des heures supplémentaires de service du chauffeur grand routier, et le repos compensateur de remplacement des heures supplémentaires prévu à l’article L.3121-24 du Code du travail. Pas d’espoir non plus quant à l’éventuelle indemnisation d’un prétendu préjudice lié à l’application de cette règlementation dérogatoire, considérée comme moins favorable que les dispositions de principe.

 

Arrêt n°188 du 6 février 2019 (17-23.723) – Cour de cassation, Chambre sociale, 6 février 2019 (pourvoi n° 17-23.723, publié au bulletin)

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Attendu, selon l’arrêt attaqué, que M. Y…  a été engagé en qualité de conducteur routier par la société Go transports (la société) suivant contrat à durée indéterminée du 21 mars 2007 ; qu’ayant fait valoir ses droits à la retraite le 31 janvier 2013, il a saisi la juridiction prud’homale à l’effet d’obtenir paiement d’un rappel de salaire et de diverses indemnités ;

Sur le premier moyen :

Vu les articles 4 et 5 du décret n° 83-40 du 26 janvier 1983 dans sa rédaction applicable en la cause, ensemble l’article L. 212-18 du code du travail dans sa rédaction applicable en la cause et L. 1321-2 du code des transports ;

Attendu qu’il résulte de ces textes que la durée du temps de service des personnels roulants marchandises « grands routiers » ou « longue distance », est fixée à 559 heures par trimestre ; qu’est considérée comme heure supplémentaire toute heure du temps de service effectuée au-delà de cette durée et que les heures supplémentaires ouvrent droit à un repos compensateur trimestriel obligatoire pris par journée ou demi-journée selon leur nombre effectué sur le trimestre de référence ;

Attendu que pour condamner l’employeur à la fois au paiement d’une indemnité pour non-information et non-prise des repos compensateurs trimestriels prévus au 5° de l’article 5 du décret n° 83-40 du 26 janvier 1983 et d’une certaine somme au titre de la contrepartie obligatoire en repos prévue à l’article L. 3121-11 du code du travail, l’arrêt retient que contrairement à ce que soutient la société le repos compensateur de remplacement concerne toutes les heures supplémentaires quel que soit leur rang tandis que la contrepartie obligatoire en repos concerne les heures supplémentaires effectuées au-delà du contingent, que les deux dispositifs peuvent donc se cumuler, qu’en outre, il convient d’observer que le mode de calcul du repos compensateur est spécifique et que des heures supplémentaires peuvent ne pas y donner droit alors qu’il peut y avoir dépassement du contingent annuel ;

Qu’en statuant ainsi par des motifs inopérants relatifs aux repos compensateurs de remplacement qui n’étaient pas invoqués par les parties, alors que les repos compensateurs trimestriels obligatoires prévus par le décret n° 83-40 du 26 janvier 1983 avaient seuls vocation à s’appliquer, sans possibilité de cumul avec la contrepartie obligatoire en repos prévue par les dispositions du code du travail, la cour d’appel a violé les textes susvisés ;

Et sur le second moyen :

Vu l’article 455 du code de procédure civile ;

Attendu qu’après avoir retenu dans sa motivation que le salarié, qui sollicitait des dommages-intérêts pour non-paiement des heures supplémentaires, ne justifiait aucunement d’un préjudice et serait débouté à ce titre, la cour, dans son dispositif, a confirmé le jugement notamment en ce qu’il avait alloué à l’intéressé des dommages-intérêts ;

Qu’en statuant ainsi, la cour d’appel, qui a entaché sa décision d’une contradiction entre les motifs et le dispositif, n’a pas satisfait aux exigences du texte susvisé ;

Et vu l’article 627 du code de procédure civile, après avis donné aux parties conformément aux dispositions de l’article 1015 du code de procédure civile ;

Attendu que la Cour de cassation est en mesure, en cassant sans renvoi, de mettre fin au litige ;

PAR CES MOTIFS : CASSE ET ANNULE (…)