Le projet de loi « Marché du travail » a définitivement été adopté par le Sénat le 17 novembre dernier, sous réserve de la décision à venir du Conseil constitutionnel, saisi le lendemain par une partie des parlementaires. Parmi les nombreuses mesures relatives à l’assurance chômage, cette réforme innove en vue de rationaliser sa gestion, et mettre fin à certains comportements abusifs.
Ainsi en est-il de ce que le Législateur désigne comme l’abandon de poste : un salarié met volontairement fin à son emploi, simplement en ne revenant plus dans l’entreprise et n’exécutant plus sa prestation, mais sans notifier sa démission. On sait en effet que la démission ne permet pas la liquidation des droits à assurance chômage, car elle ne constitue pas une perte involontaire de l’emploi.
L’employeur peut dans cette hypothèse (après le cas échéant avoir mis en demeure le salarié de justifier son absence ou de reprendre son poste), procéder au licenciement de l’intéressé, et ce même pour faute grave disciplinaire (même si la jurisprudence ne retient pas toujours un tel motif, notamment lorsqu’on ignore la raison de l’absence du salarié « disparu »…). Or le licenciement constituant une perte involontaire de l’emploi, il ouvre dans ce cas au salarié la perception de son allocation de retour à l’emploi.
Désormais le nouvel article L.1237-1-1 du Code du travail autorise l’employeur à constater, après sa mise en demeure de reprendre le poste de travail, que le salarié n’y répondant pas dans un délai fixé bientôt par décret, est démissionnaire. Il délivrera les documents sociaux de fin de contrat mentionnant un tel motif de rupture, et le salarié ne pourra par conséquent pas percevoir ses prestations chômage.
Cette mesure peut apparaître à première vue de bon sens, et simple à mettre en oeuvre. Elle recèle toutefois plusieurs risques, lesquels seront assumés par l’employeur. Ce dernier en effet sera seul pour décider ce qu’est ou pas un abandon de poste, susceptible de lui permettre de notifier la mise en demeure initiant la procédure : quel délai devra-t-il raisonnablement respecter après le constat d’une absence, avant de déclencher la procédure susvisée ?
Par ailleurs il sera seul apprécier le critère de l’absence volontaire : si le salarié n’est pas en mesure de répondre à la mise en demeure (maladie, placement en détention provisoire, grave trouble psychique et.), ou s’il n’a pas reçu ladite mise en demeure, ou encore s’il ne l’a pas réclamée aux services postaux après en avoir été avisé etc., pourra-t-il être considéré comme démissionnaire ? De même si l’employeur est informé indirectement des raisons pour lesquelles le salarié est absent, s’agit-il encore d’un abandon de poste, ou bien simplement d’une absence illégitime, ou bien d’une absence n’ayant pas fait l’objet d’une information de l’employeur ?
Dans cette hypothèse, le contentieux qui sera initié par le salarié visera l’entreprise employeur, et non l’assurance-chômage. Or on connaît sur ce point la jurisprudence depuis longtemps établie par la Cour de cassation : la démission tacite n’étant pas admise, on ne peut la déduire du simple comportement du salarié ; la rupture est alors requalifiée en licenciement sans cause réelle et sérieuse.
L’entreprise peut alors choisir de ne pas considérer le salarié comme démissionnaire, et de procéder à son licenciement, notamment pour abandon de poste. Mais dans ce cas Pole Emploi pourra-t-il considérer que la reponsabilité de l’employeur est engagée, puisqu’il n’a pas fait application des dispositions impératives de l’article L.1237-1-1 du Code du travail ?
Si ce n’est pas le salarié, ce serait Pole Emploi qui initiera alors le contentieux ; en tout état de cause l’entreprise reste la cible. Afin d’éviter d’essuyer les plâtres de la réforme, l’employeur peut décider de pratiquer autrement : il conservera le salarié dans les effectifs théoriques de l’entreprise, au risque toutefois de le voir revenir plusieurs mois après reprendre son poste…
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