Les articles L.1224-1 et suivants du Code du travail imposent le transfert des contrats de travail en cours au jour du transfert d’entreprise, au nouvel employeur. Cela conduit le cas échéant ce dernier à conserver impérativement des avantages salariaux, alors même que le personnel de l’entreprise d’accueil n’en bénéficie pas : la jurisprudence sociale considère que ce régime légal exceptionnel, et d’ordre public, constitue le jusitificatif légitime à cette rupture d’égalité.

Toutefois certains peuvent imaginer que cette solution n’est pas applicable lorsque l’employeur fait une application volontaire de ces textes. Or cette application dite « volontaire » peut résulter de contraintes conventionnelles : dans cette hypothèse, l’on n’a simplement pas à qualifier le transfert d’entreprise, et on applique sans ce préalable les dispositions des articles L.1224-1 susvisés.

C’est donc naturellement que la Cour de cassation confirme sans distinction la légitimité de cette différence de traitement, que l’application de ces textes résultent des conditions légales, ou des dispositions conventionnelles. Illustration est donnée de cette solution constante, dans l’arrêt ci-dessous reproduit par extraits.



COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, 29 SEPTEMBRE 2021 (pourvoi n° 18-20.213, inédit)

La société Elior services propreté et santé (ESPS), dont le siège est [Adresse 2], venant aux droits de la société Hôpital service SFGH, a formé le pourvoi n° T 18-20.213 contre l’arrêt rendu le 25 mai 2018 par la cour d’appel d’Aix-en-Provence (9e chambre C), dans le litige l’opposant à Mme [F] [X], domiciliée [Adresse 1], défenderesse à la cassation.

Mme [X] a formé un pourvoi incident contre le même arrêt.
(…)
Faits et procédure

1. Selon l’arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 25 mai 2018), Mme [X] a été engagée en qualité d’agent de services, à compter du 29 novembre 2010, par la société Hôpital service SFGH aux droits de laquelle vient la société Elior services propreté et santé (ci-après la société ESPS).

2. Le 15 janvier 2014, la salariée a saisi la juridiction prud’homale aux fins de paiement, en application du principe d’égalité de traitement, notamment d’une prime de treizième mois versée à des salariés de la même entreprise travaillant sur le site de la clinique [2] à [Localité 1].
(…)
Enoncé du moyen

4. L’employeur fait grief à l’arrêt de le condamner à verser à la salariée certaines sommes à titre de rappel de prime de treizième mois pour les années 2011 à 2014 et 2015 à 2017, alors « que l’obligation à laquelle est légalement tenu le nouvel employeur, en cas de transfert de contrats de travail résultant d’une application volontaire ou de plein droit de l’article L. 1224-1 du code du travail, de maintenir les droits que les salariés transférés tiennent de leur contrat de travail, d’un usage ou d’un avantage acquis justifie la différence de traitement qui en résulte par rapport aux autres salariés ; qu’en jugeant qu’« à défaut pour l’employeur de justifier par des éléments objectifs, pertinents et matériellement vérifiables justifiant cette différence de traitement, Madame [X] est fondée à réclamer l’allocation d’une prime de treizième mois pour la période de 2011 à 2017 », quand il n’était pas contesté par les parties que la prime litigieuse relevait d’un avantage acquis réservé à des salariés du site d'[Localité 1] qui avaient été transférés à la société exposante à la suite d’une application volontaire de l’article L. 1224-1 du code du travail, ce dont il résultait que la différence de traitement entre ces salariés et Madame [X], non concernée par ce transfert, était justifiée, la cour d’appel a violé le principe d’égalité de traitement, outre l’article L. 1224-1 du code du travail. »

Réponse de la Cour

Vu le principe d’égalité de traitement et l’article L. 1224-1 du code du travail :

5. L’obligation à laquelle est tenu le nouvel employeur, en cas de reprise du contrat de travail du salarié d’une entreprise par application volontaire de l’article L. 1224-1 du code du travail, de maintenir à son bénéfice les droits qui lui étaient reconnus chez son ancien employeur au jour du transfert, justifie la différence de traitement qui en résulte par rapport aux autres salariés.

6. Pour faire doit à la demande de la salariée en paiement d’une prime de treizième mois, l’arrêt retient d’abord que les trois salariées de la clinique [1], avec lesquelles la salariée exerçant un travail de valeur égale peut se comparer, ont été engagées par contrat à durée indéterminée respectivement les 1er juillet 2010, 26 juin 2010 et 2 juillet 2010 par la société Hôpital service et bénéficiaient toutes trois, à la différence de la salariée engagée postérieurement, d’une prime de treizième mois. L’arrêt retient ensuite que la société ESPS soutient à tort que les salariées ont fait l’objet d’un transfert de leurs contrats de travail en application de l’article L. 1224-1 du code du travail, la société ESPS ne rapportant pas la preuve d’une reprise d’une entité économique dans le cadre d’une perte de marché en application de l’annexe 7 de la convention collective de propreté. L’arrêt énonce également que les contrats de travail des salariées portent la mention suivante : « suite à la reprise de la prestation de bio-nettoyage et des services hôteliers par la société Hôpital service, les dispositions de l’article L. 1224-1 du code du travail ne pouvant recevoir application de droit en l’espèce, il a été proposé à Mme…. de bénéficier d’un transfert de son contrat de travail au sein de la société Hôpital service à compter du 1er juillet 2010, ce transfert vaut rupture d’un commun accord du contrat de travail d’origine de Mme…. avec Sodexo et conclusion d’un nouveau contrat de travail à durée indéterminée sans période d’essai avec la société Hôpital service », que la société ESPS affirme donc vainement que le transfert a été effectué de droit, que la garantie donnée par la société ESPS aux salariés recrutés par elle, s’agissant des conditions de rémunération dont ils bénéficiaient auprès de leur ancien employeur, n’enlèvent pas le caractère purement volontaire dans ce cas présent des avantages, tel que la prime de treizième mois, l’employeur ne démontrant pas y être contraint, qu’il s’ensuit que l’employeur a volontairement attribué une prime de treizième mois aux salariées auxquelles la salariée se comparait et que la clause d’attribution de la prime de treizième mois ne relate pas les critères et les conditions d’attribution, ne précise nullement qu’elle est versée pour compenser une sujétion particulière ou pour exercer des tâches spécifiques non comprises dans le salaire mensuel, en sorte que l’employeur ne justifie pas la différence de traitement par des éléments objectifs, pertinents et matériellement vérifiables.

7. En statuant ainsi, alors qu’il ressortait de ses constatations que l’employeur avait fait une application volontaire de l’article L. 1224-1 du code du travail, de sorte qu’il était fondé à maintenir l’avantage du treizième mois au seul bénéfice des salariés transférés, sans que cela constitue une atteinte prohibée au principe d’égalité de traitement, la cour d’appel a violé le principe et le texte susvisés.
(…)
PAR CES MOTIFS (…) : CASSE ET ANNULE (…)