Au même titre que l’adhésion aux services de prévention et santé au travail interentreprises (SPSTI), par exemple, certains employeurs contestent au nom des libertés fondamentales l’adhésion légalement obligatoire à divers organismes. Cette contestation surgit souvent lorsqu’il s’agit de verser les cotisations afférentes au service rendu par ceux-ci.

Dans le secteur du Bâtiment et des Travaux Publics, les partenaires sociaux ont ainsi historiquement constitué une Caisse destinée à mutualiser la charge des congés payés des salariés du secteur. Le Code du travail rend obligatoire depuis longtemps l’adhésion à cette Caisse ; la règlementation sociale encadre d’ailleurs précisément l’organisation et le mode de financement de cet organisme.

Certes le surcoût lié à l’externalisation du financement des congés du personnel, peut conduire certaines entreprises du secteur à regretter cette originalité. Mais les contreparties restent intéressantes : l’employeur n’est pas responsable du calcul de l’indemnité de congés payés ; le salaire du personnel absent n’est plus à la charge de l’employeur ; la rémunération provisionnée des congés est garantie, en cas de défaillance de l’entreprise etc.

Pourtant les attaques contre ce modèle sont régulièrement réitérées. Ainsi la Cour de cassation vient-elle de rejeter une question prioritaire de constitutionnalité, au motif que la question de la conformité de ce régime légal n’est ni nouvelle ni sérieuse.

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, Chambre sociale, 25 MAI 2022 (pourvoi n° 22-40.006, publié au Bulletin)

Le tribunal de commerce de Nantes a transmis à la Cour de cassation, suite au jugement rendu le 7 mars 2022, la question prioritaire de constitutionnalité, reçue le 14 mars 2022, dans l’instance mettant en cause :

D’une part,

la société D.V.M. Renov’, société à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 2],

D’autre part,

l’association Caisse du Grand Ouest (CGO), membre du réseau Congés intempéries BTP (CIBTP) du Grand Ouest, dont le siège est [Adresse 1].

Partie intervenante volontaire : L’association Collectif contre les caisses de congés du BTP, dont le siège est [Adresse 3].

Le dossier a été communiqué au procureur général.
(…)

Faits et procédure

3. Le 15 juin 2018, l’association Caisse de congés payés (CGO) caisse du Grand Ouest a assigné la société D.V.M. Renov’ en vue d’obtenir le paiement de cotisations impayées.

Enoncé de la question prioritaire de constitutionnalité

4. Par jugement du 7 mars 2022, le tribunal de commerce de Nantes a transmis une question prioritaire de constitutionnalité ainsi rédigée :

« En édictant les dispositions de l’article L. 3141-32 du code du travail -lesquelles abandonnent au pouvoir réglementaire non seulement le pouvoir de décider de soumettre un secteur d’activité professionnelle à un régime dérogatoire d’affiliation obligatoire à une caisse de congés payés mais aussi celui de définir l’organisation et le fonctionnement de la caisse de congés payés ainsi que de fixer la nature et l’étendue des obligations de l’employeur, le tout sans aucunement prévoir un encadrement légal approprié et des garanties légales suffisantes susceptibles de protéger effectivement le droit de propriété, la liberté d’entreprendre et la liberté d’association-, le législateur a-t-il, d’une part, méconnu sa propre compétence en affectant des droits et libertés que la Constitution garantit -dont en particulier la liberté d’association, la liberté d’entreprendre ainsi que le droit de propriété- et d’autre part, porté une atteinte injustifiée et disproportionnée à ces mêmes droits et libertés, tels qu’ils résultent notamment du Préambule de la Constitution de 1946 ainsi que des articles 2, 4 et 17 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen ? »

Examen de la question prioritaire de constitutionnalité

5. La disposition contestée est applicable au litige.

6. Elle n’a pas déjà été déclarée conforme à la Constitution dans les motifs et le dispositif d’une décision du Conseil constitutionnel.

7. Cependant, d’une part, la question posée, ne portant pas sur l’interprétation d’une disposition constitutionnelle dont le Conseil constitutionnel n’aurait pas encore eu l’occasion de faire application, n’est pas nouvelle.

8. D’autre part, la question posée ne présente pas un caractère sérieux dès lors que la disposition contestée n’encourt pas le grief d’incompétence négative du législateur, qui a assorti l’intervention des caisses de congés payés de garanties légales suffisantes, et que l’atteinte portée au droit de propriété, à la liberté d’entreprendre et à la liberté d’association est justifiée par la mission d’intérêt général confiée aux caisses de congés payés, dont l’accomplissement est de nature à garantir la protection du droit au repos et de la santé des salariés concernés résultant du paragraphe 11 du Préambule de la Constitution du 27 octobre 1946, et n’est pas manifestement disproportionnée au regard de l’objectif poursuivi.

9. En conséquence, il n’y a pas lieu de renvoyer la question posée au Conseil constitutionnel.

PAR CES MOTIFS (…) : (…) DIT N’Y AVOIR LIEU DE RENVOYER (…)