Le salarié investi d’un mandat de représentation, bénéficie d’une protection contre le licenciement : une procédure spéciale est fixée par les articles L.2411-1 et suivants du Code du travail, qui déroge sur de nombreux points à la procédure formelle légale. En définitive, le licenciement est en principe interdit, sauf autorisation exceptionnelle de l’inspection du travail.

Le contentieux relatif à ce licenciement est de même soumis à un régime original, que la jurisprudence de la Cour de cassation est amenée à préciser régulièrement, générant ainsi quelques solutions prétoriennes. Ainsi en est-il de l’arrêt signalé ci-dessous.

Lorsque l’autorisation administrative a été annulée, le licenciement est nul et le salarié peut exiger sa réintégration, avec rappel de salaires. S’il ne sollicite pas cette réintégration, il perçoit au-delà des indemnités de rupture et des dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, une indemnisation spéciale complémentaire.

Il s’agit d’une somme équivalente à à la totalité du préjudice subi au cours de la période écoulée entre son licenciement et l’expiration du délai de deux mois suivant la notification de la décision d’annulation : autrement dit la compensation des salaires qu’il aurait dû percevoir s’il n’avait été écarté de son poste de travail. Mais ce régime légal dérogatoire, empêche le salarié de solliciter une quelconque autre indemnisation subsidiaire, et lui interdit donc de solliciter la résiliation judiciaire du contrat de travail, même si l’action prud’homale a été introduite antérieurement au licenciement.

Cour de cassation, Chambre sociale, 10 novembre 2021 (pourvoi n° , publié au Bulletin)

La société Soprema, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 1], a formé le pourvoi n° P 20-12.604 contre l’arrêt rendu le 29 octobre 2019 par la cour d’appel de Colmar (chambre sociale, section A), dans le litige l’opposant à M. [U] [B], domicilié [Adresse 2], défendeur à la cassation.

(…)

  1. Selon l’arrêt attaqué (Colmar, 29 octobre 2019), M. [B], salarié de la société Soprema depuis le 3 novembre 2008 et titulaire d’un mandat de conseiller prud’homme, a saisi la juridiction prud’homale, le 15 janvier 2010, d’une demande de résiliation judiciaire de son contrat de travail aux torts de l’employeur. En cours de procédure, le 1er avril 2010, il a été licencié pour faute par son employeur après obtention d’une autorisation administrative à cette fin. L’autorisation administrative de licenciement a été annulée par un jugement du tribunal administratif en date du 12 mars 2013, confirmé par un arrêt de la cour administrative d’appel le 24 février 2014. Le Conseil d’Etat a rejeté le pourvoi contre la décision d’annulation par décision du 26 janvier 2015.
  2. Le salarié a alors demandé à la juridiction prud’homale, toujours saisie de la demande de résiliation judiciaire, de prononcer cette résiliation judiciaire
    aux torts de l’employeur. (…)
  1. L’employeur fait grief à l’arrêt de prononcer la résiliation judiciaire du contrat de travail du salarié, de dire que cette résiliation produit les effets d’un licenciement nul pour violation du statut protecteur, de le condamner à verser à celui-ci les sommes de 80 000 euros à titre de dommages-intérêts pour licenciement nul et de 234 726 euros à titre de dommages-intérêts pour violation du statut protecteur, avec intérêts au taux légal à compter du jour de l’arrêt, alors :

« 1°/ que le contrat de travail du salarié protégé, licencié sur le fondement d’une autorisation administrative ensuite annulée, et qui ne demande pas sa réintégration, est rompu par l’effet du licenciement en sorte que la juridiction prud’homale ne peut se prononcer sur la demande de résiliation judiciaire formée par le salarié protégé, même si sa saisine est antérieure à la rupture ; qu’en l’espèce, la cour d’appel, qui, en l’état d’un licenciement notifié au salarié sur le fondement d’une autorisation administrative, même annulée, a néanmoins prononcé la résiliation judiciaire du contrat de travail et décidé que celle-ci produit les effets d’un licenciement nul, a violé les articles L. 2422-4, L. 2411-1 et L. 2411-22 du code du travail et l’article 1184 du code civil, dans sa rédaction applicable en la cause ;

2°/ en tout état de cause, que le contrat de travail du salarié protégé, qui a sollicité la résiliation judiciaire de son contrat de travail avant d’être licencié sur le fondement d’une autorisation administrative ensuite annulée, et qui ne demande pas sa réintégration, est rompu par l’effet du licenciement et ne peut donc pas prétendre à une indemnité pour violation du statut protecteur, ni à ce que la résiliation du contrat de travail produise les effets d’un licenciement nul ; qu’en l’espèce, quand il est constant que le salarié a été licencié sur le fondement d’une autorisation administrative après avoir saisi la juridiction prud’homale d’une demande de résiliation judiciaire du contrat de travail et n’a pas sollicité sa réintégration dans l’entreprise, la cour d’appel, en ayant néanmoins jugé que la résiliation judiciaire du contrat de travail produit les effets d’un licenciement nul pour violation du statut protecteur et condamné l’employeur à verser au salarié, outre des dommages et intérêts pour licenciement nul une indemnité pour violation du statut protecteur, avec intérêts au taux légal à compter du jour de l’arrêt, a violé les articles L. 2411-1 et L. 2411-22 du code du travail. »

Motivation
Réponse de la Cour

(…)

Vu les articles L. 2422-4, L. 2411-1 et L. 2411-22 du code du travail et l’article 1184 du code civil, dans sa rédaction applicable en la cause :

  1. Il résulte de ces textes que le contrat de travail du salarié protégé, licencié sur le fondement d’une autorisation administrative ensuite annulée, et qui ne demande pas sa réintégration, est rompu par l’effet du licenciement et que lorsque l’annulation est devenue définitive, le salarié a droit, d’une part, en application de l’article L. 2422-4 du code du travail, au paiement d’une indemnité égale à la totalité du préjudice subi au cours de la période écoulée entre son licenciement et l’expiration du délai de deux mois suivant la notification de la décision d’annulation, d’autre part, au paiement des indemnités de rupture, s’il n’en a pas bénéficié au moment du licenciement et s’il remplit les conditions pour y prétendre, et de l’indemnité prévue par l’article L. 1235-3 du code du travail, s’il est établi que son licenciement était, au moment où il a été prononcé, dépourvu de cause réelle et sérieuse. Ces dispositions font obstacle à ce que la juridiction prud’homale se prononce sur la demande de résiliation judiciaire formée par le salarié protégé, même si sa saisine est antérieure à la rupture.
  2. L’arrêt retient que l’employeur a manqué à son obligation d’exécution de bonne foi du contrat de travail, prononce la résiliation judiciaire du contrat de travail et dit que cette résiliation produit les effets d’un licenciement nul pour violation du statut protecteur.
  3. En statuant ainsi, alors qu’il résultait de ses constatations que le salarié n’avait pas demandé sa réintégration dans l’entreprise à la suite de l’annulation de l’autorisation de licenciement par le jugement du tribunal administratif rendu le 12 mars 2013, la cour d’appel a violé les textes susvisés.

Dispositif
PAR CES MOTIFS (…) : CASSE (…)