Le contrat de travail à temps partiel est une forme atypique d’emploi, pour laquelle la Loi impose la rédaction du contrat. Parmi les clauses impérativement mentionnées, figure la clause de durée, qui est double : la durée contractuelle de travail doit être précisée, de même que la répartition des jours de travail dans la semaine ou des semaines de travail dans le mois.

Il s’agit d’informer le salarié des jours et périodes où il est susceptible d’être pris par son poste de travail. Seules quelques exceptions à cette contrainte sont prévues par le Code du travail, par exemple dans les entreprises de service à la personne.

La sanction de cette obligation légale, est la requalification du contrat en emploi à temps plein, avec toutes conséquences salariales et indemnitaires afférentes. Pour échapper à la requalification, l’employeur peut toutefois rapporter la preuve active de la durée partielle de travail, mais aussi de la fixité de la répartition de ces jours ou semaines de travail.

A défaut le Juge considère que le salarié a été contraint de se tenir en permanence à disposition de l’employeur. C’est ce que rappelle ici la Chambre sociale, dans un cas où le salarié était sensé fixer lui-même ces jours de travail.

Cour de cassation, Chambre sociale, 17 novembre 2021 (pourvoi n° 20-10.734, publié au Bulletin)

(…)
M. [K] [O], domicilié [Adresse 2], a formé le pourvoi n° F 20-10.734 contre l’arrêt rendu le 26 octobre 2018 par la cour d’appel de Lyon (chambre sociale C), dans le litige l’opposant :

1°/ à la société 491, société à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 4],

2°/ à M. [C] [W], domicilié [Adresse 4], pris en qualité de liquidateur amiable de la société 491,

3°/ à la société Alliance MJ, société d’exercice libéral à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 1], pris en qualité de liquidateur judiciaire de la société 491,

4°/ M. [C] [W], domicilié [Adresse 4], pris en qualité de mandataire ad’hoc de la société 491,

défendeurs à la cassation.
(…)

Faits et procédure

2. Selon l’arrêt attaqué (Lyon, 26 octobre 2018), M. [O] a été engagé par la société 491 (la société) à compter du 1er septembre 2006 par contrats à durée déterminée à temps partiel, puis par un contrat à durée indéterminée à temps partiel du 1er juin 2009, en qualité de rédacteur.

3. Il a été licencié par lettre du 1er avril 2016.

4. La société a été placée en liquidation amiable, le 7 septembre 2016, et M. [W] désigné en qualité de liquidateur.

5. Le salarié a saisi la juridiction prud’homale, le 9 décembre 2016, de demandes en requalification de son contrat de travail à durée indéterminée à temps partiel en contrat à temps plein, application de la convention collective nationale des journalistes et paiement de diverses sommes.

6. La société 491 a été placée en liquidation judiciaire par jugement du 26 mai 2019 et la société Alliance MJ désignée en qualité de liquidateur. Après sa clôture et radiation du registre du commerce et des sociétés, la société Ajup a été désignée mandataire ad hoc par ordonnance du 30 avril 2020, puis M. [W] a été désigné en qualité de nouveau mandataire ad hoc par ordonnance du 29 décembre 2020 pour la représenter dans la présente procédure.

(…)
7. Le salarié fait grief à l’arrêt de le débouter de sa demande de requalification de son contrat de travail à durée indéterminée à temps partiel du 1er juin 2009 en contrat de travail à temps complet et de ses demandes subséquentes de rappel de salaire et de congés payés afférents, de fixer en conséquence sa créance au passif de la liquidation amiable de la société, représentée par M. [W] en sa qualité de liquidateur amiable, et la condamner à diverses sommes à titre de rappels de prime de treizième mois, et de primes d’ancienneté relatives aux années 2013, 2014, et 2015, outre les congés payés afférents, et de rappel sur l’indemnité conventionnelle de licenciement, alors «que le contrat écrit du salarié à temps partiel doit mentionner la durée hebdomadaire ou, le cas échéant, mensuelle prévue et la répartition de la durée du travail entre les jours de la semaine ou les semaines du mois ; qu’il en résulte que l’absence d’écrit mentionnant la durée du travail et sa répartition fait présumer que l’emploi est à temps complet et qu’il incombe à l’employeur qui conteste cette présomption de rapporter la preuve, d’une part, de la durée exacte hebdomadaire ou mensuelle convenue, d’autre part, que le salarié n’était pas placé dans l’impossibilité de prévoir à quel rythme il devait travailler et qu’il n’avait pas à se tenir constamment à la disposition de l’employeur ; qu’en l’espèce, il résulte de l’arrêt que le contrat de travail de M. [O] se bornait à mentionner  » un horaire mensuel de 86,67 heures  » et à indiquer que  » ses horaires seront les suivants : 8 h 30 à 12 h 30 ou de 14 h à 18 heures. Suivant le choix du salarié. Le présent contrat ne prévoit pas d’heures complémentaires » de sorte qu’il n’indiquait pas la répartition de la durée mensuelle de travail entre les jours de la semaine ou les semaines du mois ; qu’en refusant d’appliquer la présomption de temps complet qui en résultait, au prétexte que l’article L. 3121-48 du code du travail permet la mise en place d’horaires individualisés, que dans le cadre de l’exécution du contrat de travail, M. [O] ne justifiait pas avoir remis en cause cette organisation de son temps de travail ni de demandes expresses de la part de son employeur lui imposant de déroger à cette liberté d’organiser son temps de travail selon des plages horaires de matin ou d’après-midi, qui tout en délimitant le temps de travail offraient au salarié la possibilité d’adapter son organisation, que le contrat de travail fixait une rémunération fixe mensuelle sur une base de 86,67 h correspondant à un temps de travail moyen de 20 h par semaine, soit pour 4 h par jour, nécessairement une semaine de 5 jours ouvrés, de sorte que M. [O] ne pouvait prétendre que son contrat de travail ne faisait pas état d’une répartition de son temps de travail, et que les stipulations mêmes de cette clause laissaient nécessairement une très grande liberté au salarié dans l’organisation de son travail de sorte que celui-ci ne pouvait faire grief à son employeur de ne pas avoir organisé la répartition du temps de travail à la semaine ou au mois, la cour d’appel a violé l’article L. 3123-14 du code du travail dans sa rédaction applicable à l’espèce. »

Réponse de la Cour

Vu l’article L. 3123-14 du code du travail, dans sa rédaction antérieure à la loi n° 2016-1088 du 8 août 2016 :

8.Selon ce texte, le contrat de travail à temps partiel est un contrat écrit. Il mentionne la durée hebdomadaire ou mensuelle prévue et la répartition de la durée du travail entre les jours de la semaine ou les semaines du mois.

9. Il en résulte que, sauf exceptions prévues par la loi, il ne peut être dérogé par l’employeur à l’obligation de mentionner, dans le contrat de travail à temps partiel, la durée hebdomadaire ou mensuelle prévue, et la répartition de la durée du travail entre les jours de la semaine ou les semaines du mois.

10. Pour débouter le salarié de sa demande de requalification de son contrat de travail à temps partiel en un contrat de travail à temps complet et de ses demandes pécuniaires en découlant, l’arrêt, après avoir cité les dispositions légales se rapportant à la mise en place du dispositif d’horaires individualisés, constate que le contrat de travail du salarié stipule, s’agissant du temps de travail, que l’intéressé percevra une rémunération mensuelle brute de 780,03 euros pour un horaire mensuel de 86,67 heures. Ses horaires seront les suivants : 8 h 30 à 12 h 30 ou de 14 h à 18 heures. Suivant le choix du salarié. Le présent contrat ne prévoit pas d’heures complémentaires.

11. Il ajoute que dans le cadre de l’exécution du contrat de travail, le salarié ne justifie pas avoir remis en cause cette organisation de son temps de travail, qu’il ne justifie pas non plus de demandes expresses de la part de son employeur lui imposant à quelque moment que ce soit de déroger à cette liberté d’organiser son temps de travail selon des plages horaires de matin ou d’après-midi, qui tout en délimitant le temps de travail offrent au salarié la possibilité d’adapter son organisation. Il relève que le contrat de travail fixe une rémunération fixe mensuelle sur une base de 86,67 heures correspondant à un temps de travail moyen de 20 heures par semaine, soit pour 4 heures par jour, nécessairement une semaine de 5 jours ouvrés, en sorte que le salarié ne peut prétendre que son contrat de travail ne fait pas état d’une répartition de son temps de travail. Il estime que les stipulations mêmes de cette clause laissent nécessairement une très grande liberté au salarié dans l’organisation de son travail, ce dont il déduit que celui-ci ne peut faire grief à son employeur de ne pas avoir organisé la répartition du temps de travail à la semaine ou au mois.

12. En statuant ainsi, alors qu’elle avait constaté que le contrat de travail ne mentionnait pas la répartition de la durée du travail entre les jours de la semaine ou les semaines du mois, la cour d’appel a violé le texte susvisé.
(…)

PAR CES MOTIFS (…) : CASSE ET ANNULE (…)