Les règles imposées par les Caisses aux praticiens médicaux et para-médicaux dans l’exercice de leur art, en leur qualité de prescripteur de dépense sociale, sont d’une sévérité qui peut paraître tatillonne, dans le cadre de la pratique quotidienne. Qu’il s’agisse de la lecture de la nomenclature, des modalités de déclaration des actes, ou de la rédaction des prescriptions etc., le contrôle opéré peut déboucher sur la notification d’un indû d’autant plus difficilement supportable qu’il omet souvent les conditions techniques des soins effectivement opérés.

L’arrêt ci-desous reproduit illustre cette incompréhension de la sanction, ressentie par nombre de praticiens (et ce alors même qu’en l’espèce le Juge du fond avait fait droit aux contestations du kinésithérapeute). Ainsi dans le cadre de l’exercice en commun de la profession médicale ou para-médicale, et ce alors même que les associés partagent les bénéfices générés par la société qu’ils ont créée, il reste nécessaire pour chacun d’entre eux d’utiliser le numero ADELI personnel qui lui a été attribué : à défaut, et même s’il est matériellement établi que d’autres praticiens identifiés sont intervenus sous ce numero, l’indû sera exclusivement mis à la charge de celui titulaire dudit numero.

COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, 6 JANVIER 2022 (pourvoi n° 20-18.885, publié au Bulletin)

La caisse primaire d’assurance maladie des Hauts-de-Seine, dont le siège est division du contentieux, [Adresse 1], a formé le pourvoi n° R 20-18.885 contre l’arrêt rendu le 23 janvier 2020 par la cour d’appel de Versailles (5e chambre), dans le litige l’opposant à M. [X] [M], domicilié [Adresse 2], défendeur à la cassation.

(…)
Faits et procédure

1. Selon l’arrêt attaqué (Versailles, 23 janvier 2020), la caisse primaire d’assurance maladie des Hauts-de-Seine (la caisse), ayant contrôlé, pour la période du 20 mai 2011 au 9 décembre 2014, l’activité de M. [M], masseur-kinésithérapeute (le professionnel de santé), et ayant relevé des anomalies dans l’application des règles de tarification et de facturation prévues par la nomenclature générale des actes professionnels (la NGAP), lui a notifié un indu le 10 avril 2015.

2. Le professionnel de santé a saisi d’un recours une juridiction de sécurité sociale.

Examen du moyen

Sur le moyen, pris en sa première branche

Enoncé du moyen

3. La caisse fait grief à l’arrêt d’annuler la notification d’indu adressée au professionnel de santé et de rejeter sa demande reconventionnelle en paiement, alors « qu’en cas d’inobservation des règles de tarification ou de facturation, l’organisme de prise en charge est fondé à recouvrer l’indu correspondant à l’encontre du professionnel de santé qui lui a facturé les actes litigieux avec son propre numéro ADELI, c’est-à-dire avec le numéro du répertoire national servant à identifier le professionnel de santé à l’origine de l’acte ou de la prestation remboursable, peu important que ces actes aient été réalisés par d’autres praticiens ; qu’en l’espèce, la cour d’appel a constaté que la caisse avait exercé un contrôle sur la totalité des actes présentés au remboursement sur le numéro ADELI 927701219, qui était le propre numéro de répertoire national d’identification du professionnel de santé ; qu’en annulant la notification d’indu adressée au professionnel de santé au prétexte erroné que l’utilisation d’un seul numéro de praticien pour les remboursements ne suffisait pas à établir que le professionnel de santé était à l’origine de toutes les facturations, et au prétexte inopérant que certains actes facturés auraient en réalité été effectués par d’autres praticiens exerçant au sein de la société du professionnel de santé et ayant utilisé son numéro ADELI, la cour d’appel a violé l’article L. 133-4 du code de la sécurité sociale dans sa version applicable au litige issue de la loi n° 2011-1906 du 21 décembre 2011, ensemble les articles L. 161-33, R. 161-40, R. 161-42, R. 161-43, R. 161-47, R. 161-49, R. 161-52 et R. 161-58 du code de la sécurité sociale. »

Réponse de la Cour

Vu les articles L. 133-4, L. 161-33, R. 161-40, R. 161-42 et R. 161-58 du code de la sécurité sociale, dans leur rédaction applicable au litige :

4. Il résulte des quatre derniers de ces textes que l’ouverture du droit aux prestations de l’assurance maladie est subordonnée, notamment, à la production d’une feuille de soins, transmise sur support papier ou par voie électronique, comportant l’identifiant personnel du professionnel ayant effectué les actes, prescrit ou servi les prestations, et que la signature de ce document par utilisation de la carte de professionnel de santé est opposable au signataire. Dès lors, la feuille de soins établit que les actes et prestations payés ou remboursés par l’assurance maladie ont été dispensés par le professionnel de santé dont l’identifiant personnel est mentionné.

5. Pour faire droit au recours du professionnel de santé, l’arrêt énonce que si l’organisme d’assurance maladie est fondé, en cas de non-respect des règles de tarification et de facturation des actes, à engager le recouvrement de l’indu correspondant auprès du professionnel qui a effectué ces derniers, quelle que soit la forme juridique de l’exploitation de l’activité, il appartient à la caisse de démontrer que le professionnel auquel elle réclame l’indu est celui à l’origine du non-respect de ces règles.

6. Il relève que la caisse a exercé un contrôle sur la totalité des actes présentés au remboursement par la Selarl sous le numéro Adeli 927 701 219, qui correspondait au numéro de répertoire national d’identification des professionnels de santé, à caractère personnel, attribué à l’intéressé et que les actes avaient été facturés avec la carte professionnelle de celui-ci.

7. Il retient, cependant, qu’il résulte de l’analyse de l’ensemble des pièces versées aux débats que cette notification d’indu ne correspondait pas uniquement aux actes facturés par le professionnel de santé pour sa propre activité, même si un seul numéro Adeli avait été utilisé et que chaque professionnel doit utiliser le numéro qui lui est propre, certains de ces actes ayant été accomplis par d’autres professionnels. Il en déduit que l’indu réclamé doit être annulé, en l’absence de preuve qu’il correspondait uniquement aux seules inobservations de la NGAP par le professionnel de santé.

8. En statuant ainsi, alors que le professionnel de santé débiteur de l’indu est celui dont l’identifiant personnel figure sur les feuilles de soin transmises à la caisse, la cour d’appel a violé les textes susvisés.

PAR CES MOTIFS (…) : CASSE ET ANNULE (…)