Le forfait en jours est réservé à certains salariés autonomes, et strictement encadré par la Loi. L’employeur doit notamment activement contrôler la durée raisonnable de travail de ces salariés, et mettre en place des procédures d’alerte en la matière.

Le non-respect de ces contraintes entraîne l’innoposabilité du forfait au salarié, qui est susceptible alors de réclamer la rémunération d’heures supplémentaires rétroactivement calculée sur la base d’un emploi à temps plein. Mais cela lui permet aussi de réclamer l’indemnisation du préjudice subi du fait du manquement par l’employeur à son obligation de santé et sécurité des travailleurs, dès lors qu’il démontrera l’existence et l’ampleur du dommage, ainsi que le rappelle la Cour de cassation dans l’arrêt ci-dessous reproduit.

COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, 2 MARS 2022 (pourvoi n° 20-16.683, publié au Bulletin)

M. [R] [T], domicilié [Adresse 2], a formé le pourvoi n° X 20-16.683 contre l’arrêt rendu le 20 mai 2020 par la cour d’appel de Paris (pôle 6, chambre 9), dans le litige l’opposant à la société Accenture, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 1], défenderesse à la cassation.

(…)

Faits et procédure

1. Selon l’arrêt attaqué (Paris, 20 mai 2020), M. [T] a été engagé, le 3 juillet 2006, par la société Accenture en qualité de médecin du travail.

2. Le 12 novembre 2013, le salarié a saisi la juridiction prud’homale d’une demande au titre de l’exécution du contrat de travail.

3. Le salarié a été licencié le 26 août 2014.

Examen du moyen

Sur le moyen, pris en sa première branche

Enoncé du moyen

4. Le salarié fait grief à l’arrêt de le débouter de sa demande en dommages-intérêts au titre du non-respect de l’obligation de sécurité, alors « que l’inobservation des dispositions légales ou conventionnelles dont le respect est de nature à assurer la protection de la sécurité et de la santé du salarié soumis au régime du forfait en jours constitue un manquement de l’employeur à l’obligation de sécurité ; qu’en l’espèce, la cour d’appel a constaté que l’employeur n’avait pas respecté les conditions légales de mise en oeuvre de la convention de forfait-jours et, en conséquence, l’a déclarée nulle, ce dont elle aurait dû déduire que l’employeur avait manqué à son obligation de sécurité ; qu’en statuant comme elle l’a fait, la cour a violé l’article L. 4121-1 du code du travail. »

Réponse de la Cour

Vu l’article L. 4121-1 du code du travail :

5. Il résulte de ce texte que l’employeur, tenu d’une obligation de sécurité envers les salariés, doit prendre les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs. Il ne méconnaît pas cette obligation légale s’il justifie avoir pris toutes les mesures prévues par les articles L. 4121-1 et L. 4121-2 du code du travail.

6. Pour débouter le salarié de sa demande en dommages-intérêts au titre du non-respect de l’obligation de sécurité l’arrêt relève que les alertes sur la dégradation de l’état de santé du salarié ne sont apparues qu’à partir de juin 2013, les précédents messages adressés à la hiérarchie étant restés centrés sur des demandes de promotion non satisfaites, le salarié exprimant explicitement son attachement à la société et à la mission qui était la sienne. L’arrêt constate qu’à partir d’août 2013, le salarié fait expressément référence dans ses courriels à une souffrance psychologique dont l’employeur s’est emparé en alertant le médecin du travail sur la gravité de la situation, ce qui contredit l’allégation du salarié selon laquelle la société n’a pas apporté de réponse à une situation de souffrance avérée.

7. L’arrêt retient enfin que l’ensemble des éléments soumis met en évidence un comportement de l’employeur conforme à son obligation de sécurité.

8. En statuant ainsi, alors qu’elle avait constaté que l’employeur ne justifiait pas avoir pris les dispositions nécessaires de nature à garantir que l’amplitude et la charge de travail du salarié restaient raisonnables et assuraient une bonne répartition dans le temps du travail et donc à assurer la protection de la sécurité et de la santé du salarié, ce dont il résultait que l’employeur avait manqué à son obligation de sécurité, la cour d’appel, à qui il appartenait de vérifier si un préjudice en avait résulté, a violé le texte susvisé.

PAR CES MOTIFS (…) : CASSE ET ANNULE (…)