Le contrat de travail à temps partiel, comme tout contrat atypique, doit impérativement être rédigé : à défaut, il est requalifié en contrat à temps plein : en conséquence, le salarié est légitime à réclamer le rappel de salaire afférent. Toutefois, et contrairement notamment à la requalification du contrat à durée déterminée, l’employeur est dans ce cas recevable à rapporter la preuve d’un emploi à temps partiel, combattant ainsi la présomption simple d’emploi à temps plein.

Il lui faut toutefois démontrer d’une part, la réalité de la durée partielle de travail, sur l’ensemble de la période triennale concernée (presciption salariale), et d’autre part la fixité des horaires de travail du salarié (répartition de la durée de travail entre les jours de la semaine ou les semaines du mois). Si le salarié a été placé, du fait de l’instabilité de ses horaires, dans l’impossibilité de prévoir le rythme de son travail, alors la requalification est encourrue.

Or la charge de cette preuve, nourrie d’indices factuels souverainement appréciés par le Juge, reste difficile. L’arrêt ci-dessous reproduit par extrait est une illustration de cette difficulté, dans une hypothèse où pourtant le salarié cumulait plusieurs emploi à temps partiel.

COUR DE CASSATION, Chambre sociale, 25 janvier 2023 (pourvoi n° 20-20.679, publié au Bulletin)

M. [T] [G], domicilié [Adresse 2], a formé le pourvoi n° R 20-20.679 contre l’arrêt rendu le 9 juillet 2020 par la cour d’appel de Poitiers (chambre sociale), dans le litige l’opposant à l’Institut supérieur de formation par alternance et continue, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 1], défenderesse à la cassation.

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Faits et procédure

1. Selon l’arrêt attaqué (Poitiers, 9 juillet 2020), M. [G] a été engagé en qualité de formateur par l’Institut supérieur de formation par alternance et continue (l’Institut), selon contrat de travail à durée déterminée du 5 septembre 2011 au 30 juin 2012 puis, à compter du 27 août 2012, par contrat de travail à durée indéterminée à temps partiel.

2. Le 27 novembre 2017, M. [G] a saisi la juridiction prud’homale d’une demande en requalification de son contrat de travail à temps partiel en un contrat à temps complet et, ultérieurement, de demandes tendant à contester le licenciement dont il a été l’objet le 27 mars 2018.

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Enoncé du moyen

4. Le salarié fait grief à l’arrêt de le débouter de ses demandes en requalification du contrat de travail à temps partiel en un contrat à temps complet et en versement à ce titre d’un rappel de salaire, outre congés payés afférents, et de juger qu’il n’y a pas lieu à application de l’article L. 1235-4 du code du travail, le déboutant de ses demandes subséquentes, alors « que le contrat de travail à temps partiel doit être requalifié en contrat à temps plein dès lors que le salarié était dans l’impossibilité de prévoir son rythme de travail et était tenu de rester constamment à la disposition de l’employeur ; que l’absence de planning prévisionnel communiqué à une date raisonnable avant le début de chaque contrat empêche le salarié de s’organiser pour exercer une autre activité professionnelle ; que l’exposant faisait valoir, d’une part, que l’employeur n’établissait pas que son planning d’intervention était fixé ‘‘de tout temps de concert » avec lui pour tenir compte de ses disponibilités, dès lors qu’il se prévalait pour ce faire de courriels qui non seulement ne concernaient qu’une courte période de la relation contractuelle mais en outre contenaient uniquement des souhaits ou des suggestions d’emploi du temps émis par le salarié qui n’étaient pas nécessairement suivis d’effet et d’autre part, que certains de ses plannings lui avaient été communiqués mais avec retard, ce qui l’avait privé de toute possibilité de prise en compte de ses éventuelles indisponibilités ; qu’en se bornant dès lors à affirmer que les pièces produites par l’employeur établissaient que le salarié était consulté l’été précédant l’année afin de déterminer les jours et dates de ses interventions et que ses horaires étaient adaptés à ses nouvelles disponibilités lorsqu’ils les faisaient connaître sans constater que lesdites pièces établissaient que durant l’intégralité de la relation contractuelle, le salarié avait participé à l’élaboration de son emploi du temps et que son planning lui était communiqué suffisamment à l’avance pour lui permettre de s’organiser pour exercer, le cas échéant, une activité complémentaire, la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard de l’article L. 3123-14 du code du travail. »

Réponse de la Cour

Vu l’article L. 3123-14 du code du travail :

5. Selon ce texte, le contrat écrit du salarié à temps partiel doit mentionner la durée hebdomadaire ou, le cas échéant, mensuelle prévue et la répartition de la durée du travail entre les jours de la semaine ou les semaines du mois. Il en résulte que l’absence d’écrit mentionnant la durée du travail et sa répartition fait présumer que l’emploi est à temps complet et qu’il incombe à l’employeur qui conteste cette présomption de rapporter la preuve, d’une part, de la durée exacte hebdomadaire ou mensuelle convenue, d’autre part, que le salarié n’était pas placé dans l’impossibilité de prévoir à quel rythme il devait travailler et qu’il n’avait pas à se tenir constamment à la disposition de l’employeur.

6. Pour débouter le salarié de sa demande de requalification du contrat de travail à temps partiel en contrat à temps complet, l’arrêt retient que l’employeur justifie que le salarié était, au cours de l’été précédent l’année scolaire, consulté sur ses disponibilités afin de déterminer les jours et dates de ses interventions chaque semaine et qu’il était en mesure de faire valoir ses préférences et empêchements, y compris sur la composition des groupes d’élèves et les cours enseignés, ses horaires étant adaptés selon les mois à ses nouvelles disponibilités lorsqu’ils les faisaient connaître à son employeur.

7. Il ajoute que l’employeur établit que, par exemple, chaque mois de l’année 2016 le salarié avait sollicité une modification de son planning pour convenances professionnelles ou personnelles et que le 11 mars 2017 il avait sollicité le déplacement des cours et obtenu satisfaction sauf lorsque l’enseignement programmé ne pouvait être déplacé. Il en déduit que c’est à tort que le salarié se prévaut de modifications de son emploi du temps décidées unilatéralement par l’employeur et sans respect du délai de prévenance alors qu’il était à l’initiative de cette modification.

8. Il relève encore que l’employeur montre également que par échanges de mails du 30 mars 2017 le salarié avait été informé qu’un avenant à son contrat de travail lui était adressé que pourtant il n’avait pas signé en retour et qu’il avait signé sans protester tous les autres avenants intervenus dans le contexte déjà discuté.

9. Il retient enfin que le salarié n’avait pas à se tenir à la disposition exclusive de l’employeur puisqu’il était suffisamment établi qu’il avait été en mesure de travailler pour d’autres employeurs tout au long de la relation de travail.

10. En se déterminant ainsi, par des motifs qui ne suffisent pas à caractériser que l’employeur faisait la preuve de ce que le salarié n’avait pas été placé dans l’impossibilité de prévoir à quel rythme il devait travailler et qu’il ne devait pas se tenir constamment à la disposition de l’employeur, la cour d’appel n’a pas donné de base légale à sa décision.

PAR CES MOTIFS (…) : CASSE ET ANNULE (…)