Le règlement intérieur, désormais obligatoire seulement dans les entreprises de 50 salariés (entrée en vigueur de cette mesure issue de la Loi PACTE : 1er janvier 2020), constitue l’expression du pouvoir de direction : cet acte « règlementaire » est donc unilatéralement établi par l’employeur. Son contenu est strictement délimité par le Code du travail, et il fait l’objet d’un contrôle administratif après avis des représentants du personnel de l’entreprise.

Il énonce les règles applicables dans l’établissement en matière de santé et sécurité, rappelle les dispositions légales de lutte contre les harcèlements au travail, et pose le régime disciplinaire en vigueur. A cette occasion, et au-delà du rappel de la procédure disciplinaire, l’employeur doit décrire l’échelle des sanctions encourues.

C’est la raison pour laquelle les seules sanctions qui pourront être prononcées à la suite de l’entée en vigueur du règlement intérieur, seront bien celles énoncées par ce document. A défaut d’indication précise (par ex., quelle durée pour la mise à pied ?…), ou en l’absence d’un tel document lorsqu’il est obligatoire, aucune sanction ne peut être prononcée à l’encontre d’un salarié.

Il est donc primordial pour l’employeur de respecter le cas échéant l’obligation faite à l’article L.1321-1 du Code du travail, d’élaborer régulièrement le règlement intérieur de l’entreprise. Il est donc judicieux pour le salarié, ou son organisation syndicale comme dans le cas éclairé par la Cour de cassation dans l’arrêt reproduit ci-dessous, de neutraliser ce règlement intérieur lorsqu’une sanction disciplinaire est encourue.

Or le défaut de consultation des représentants du personnel, comme le non-respect du contrôle de l’inspection du travail, entraîne la nullité du règlement intérieur, que le Juge judiciaire peut constater à l’occasion d’un contentieux individuel ou collectif. La question se pose donc du respect de ces contraintes formelles, ainsi que des mesures de dépôt et publicité, lorsque le règlement intérieur fait l’objet de modifications.

Bien sûr si ces modifications sont décidées à l’initiative de l’employeur, ce dernier doit respecter la procédure d’élaboration comme lorsqu’il a mis cet acte en place la première fois. Mais si ces modifications résultent de l’injonction faites par l’inspection du travail, l’employeur se soumettant strictement à celle-ci, les corrections ne sont pas soumises aux formalités visées par les articles L.1321-1 et suivants du Code du travail : le règlement intérieur reste efficace même si les représentants du personnel n’ont pas été consultés à nouveau.

 

Cour de cassation, Chambre sociale, 26 juin 2019 (pourvoi n° 18-11.230, publié au bulletin)

(…)

Attendu, selon l’arrêt attaqué (Versailles, 16 novembre 2017), statuant en référé, que le règlement intérieur de la société Schindler du 5 septembre 1983 a fait l’objet de modifications en 1985 à la demande de l’inspection du travail ; que le syndicat CGT des personnels de Schindler des directions régionales de l’Ile-de-France, de la direction régionale Grand Ouest et des filiales RCS, soutenant que ce règlement intérieur ne pouvait être opposé aux salariés à défaut d’indication de sa date d’entrée en vigueur et faute pour l’employeur d’avoir procédé à une nouvelle consultation des institutions représentatives du personnel ainsi qu’aux mesures de dépôt et publicité, a, le 19 janvier 2017, saisi en référé le président du tribunal de grande instance aux fins de constater l’inopposabilité du règlement intérieur aux salariés de l’entreprise, l’irrégularité des procédures disciplinaires mises en oeuvre et de faire interdiction à la société Schindler de mettre en oeuvre des procédures disciplinaires fondées sur ce règlement intérieur ;

Attendu que le syndicat fait grief à l’arrêt de dire n’y avoir lieu à référé sur l’ensemble de ses demandes et de le débouter de toutes ses demandes, alors, selon le moyen :

1°/ que constitue un trouble manifestement illicite, le non-respect des dispositions de l’article L. 1321-4 du code du travail qui oblige notamment l’employeur à afficher la date d’entrée en vigueur du règlement intérieur après sa modification ; qu’ayant constaté que la société Schindler n’avait pas procédé à l’affichage de la date d’entrée en vigueur de la nouvelle version du règlement intérieur du 5 septembre 1983 issue des modifications effectuées en 1985 en raison de la décision de l’inspection du travail et en décidant cependant que le fait de continuer à apposer sur le panneau d’affichage la date du règlement intérieur de 1983 sans mentionner celle de 1985 ne constituait pas un trouble manifestement illicite, la cour d’appel a violé l’article L. 1321-4 du code du travail ensemble l’article 809, alinéa 1, du code de procédure civile ;

2°/ que toute modification du règlement intérieur, qu’elle qu’en soit l’origine et l’ampleur, oblige l’employeur à le soumettre à nouveau à l’avis des institutions représentatives du personnel ; que le non-respect de cette règle impérative est constitutive d’un trouble manifestement illicite ; qu’ayant constaté que seul le projet du règlement intérieur du 5 septembre 1983 avait été soumis aux instances représentatives du personnel et en considérant cependant que la société Schindler avait satisfait à ses obligations légales en ne procédant pas à une nouvelle consultation de celles-ci lors de sa modification en 1985 au motif inopérant que les modifications opérées en 1985 avaient toutes été sollicitées par l’inspection du travail et ne relevaient pas par conséquence du pouvoir de direction et de décision de l’employeur, la cour d’appel a encore violé l’article L. 1321-4 du code du travail, ensemble l’article 809, alinéa 1, du code de procédure civile ;

3°/ que toutes les dispositions de l’article L. 1321-4 du code du travail sont d’ordre public ; qu’une circulaire administrative, dépourvue de valeur réglementaire, ne peut y déroger ; qu’en se fondant sur la circulaire du 1er février 1984 du ministère des affaires sociales et de la solidarité familiale relative à l’application de la loi du 4 août 1982 selon laquelle la consultation des représentants du personnel n’est pas applicable en cas de modification ou retrait d’une clause de règlement intérieur à la suite d’observations de la part de l’inspection du travail pour en déduire que les modifications du règlement intérieur effectuées en 1985 par la société Schindler à la demande de l’inspection du travail n’avaient pas à être à nouveau soumises à la consultation des représentants du personnel, la cour d’appel a violé l’article L. 1321-4 du code du travail, ensemble l’article 809, alinéa 1, du code de procédure civile ;


Mais attendu qu’ayant constaté que les modifications apportées en 1985 au règlement intérieur initial qui avait été soumis à la consultation des institutions représentatives du personnel résultaient uniquement des injonctions de l’inspection du travail auxquelles l’employeur ne pouvait que se conformer sans qu’il y ait lieu à nouvelle consultation, la cour d’appel a pu estimer que n’était pas caractérisé de trouble manifestement illicite ; que le moyen, inopérant en sa première branche et qui critique en sa troisième branche un motif surabondant, n’est pas fondé pour le surplus ;

PAR CES MOTIFS : REJETTE le pourvoi (…)