La part variable de rémunération est souvent conçue (notamment pour les technico-commerciaux, ou les salariés à haut niveau d’autonomie) comme une rémunération de motivation. Leurs modalités sont parfois complexes, afin « en même temps » de rétribuer loyalement la performance du salarié, et de répondre aux objectifs de production fixés par l’entreprise.

Humainement l’employeur peut craindre que ses préposés (d’autant plus s’ils sont autonomes et techniquement performants…) ne détournent à leur avantage les critères déterminant cette rémunération complémentaire, tout en limitant leur investissement productif. Il peut alors imaginer de s’accorder contractuellement la possibilité de fixer lui-même l’assiette, le taux ou les circonstances conditionnant le calcul de cette part variable.

C’est toutefois oublier que la rémunération constitue, de jurisprudence constante, un élément contractuel par nature que l’employeur ne peut modifier unilatéralement, et que le salarié ne peut renoncer par avance à protéger. Ainsi les modalités de calcul de cette part variable ne peuvent dépendre de la seule volonté de l’employeur, comme le rappelle la Cour de cassation dans l’arrêt ici éclairé.

Par conséquent quelle que soit l’opportunité des motifs retenus par la direction de l’entreprise pour déterminer l’assiette, le taux ou le déclenchement d’un élément quelconque de la rémunération salariale, ces critères doivent être fixés objectivement et préalablement, même s’ils le sont unilatéralement par l’employeur. Une clause contractuelle (ou conventionnelle) ne peut enfin réserver à la direction la possibilité de modifier unilatéralement lesdits critères.

Cour de cassation, Chambre sociale, 09 mai 2019 (pourvoi n° 17-27.448, publié au bulletin) 

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Attendu, selon l’arrêt attaqué, que M. S...  a été engagé le 4 janvier 2008 par la société Expertises Galtier, d’abord en qualité d’expert estimateur débutant, puis d’expert estimateur ; qu’il a saisi le 21 mars 2014, la juridiction prud’homale d’une demande de résiliation judiciaire de son contrat de travail ; qu’il a été licencié pour faute grave le 2 avril 2014 ;
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Vu l’article 1134 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l’ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 ;

Attendu que pour débouter le salarié de sa demande tendant à voir juger illicites les modalités de fixation de sa rémunération variable et rejeter les demandes au titre de la résiliation judiciaire, l’arrêt retient que la fixation de la partie variable de la rémunération du salarié ne résulte pas uniquement de la volonté de l’employeur mais d’un ensemble de facteurs et contraintes économiques et commerciaux (nature du dossier, prix du marché, enjeux économiques, nécessité de rentabilité) et qu’il appartient à la société d’adopter des solutions de bonne gestion permettant de réguler l’activité de ses collaborateurs et leur rémunération en répartissant les missions qui leur sont confiées selon l’ampleur des tâches et le caractère lucratif variable de chaque dossier ;

Qu’en statuant ainsi, alors qu’elle constatait que les honoraires servant de base de calcul à la rémunération variable étaient ceux qui étaient retenus par la direction générale à laquelle était rattaché le salarié pour l’établissement du compte d’exploitation, ce dont il résultait que la variation de la rémunération dépendait de la seule volonté de l’employeur, la cour d’appel a violé le texte susvisé ;
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PAR CES MOTIFS : CASSE ET ANNULE (...)