La question des avantages entrant dans l’assiette des cotisations sociales est importante pour l’entreprise, et peut entraîner un risque de redressement. Mais ce peut être aussi important pour le salarié, ainsi que le montre l’arrêt ici signalé.

Le contentieux reposait en l’espèce sur le principe d’égalité de rémunération. La salariée en effet, réclamait un rappel de salaire en comparant son niveau de rémunération avec celui de collègues à situation et poste équivallents.

Or pour échapper au rappel, l’employeur intégrait à l’assiette de la rémunération comparée, les plus-values dont bénéficiait l’intéressée lors de la vente de parts sociales acquises de façon facultative dans le cadre d’un plan d’investissement proposé par celui-ci. Rejet de l’argument par la Cour de cassation : il ne s’agit pas d’un élément de rémunération reçu en contrepartie ou à l’occasion de l’emploi de la salariée.

Cour de cassation, Chambres sociale, 12novembre 2020 (pourvoi n° 18-23.986, publié au Bulletin)

1. Selon l’arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 16 février 2018), Mme O… a été engagée le 1er février 2001 par la société Cofismed gestion, aux droits de laquelle sont successivement venues les sociétés Viveris management puis ACG management, tous ces établissements exerçant une activité de gestion de fonds communs de placement dans l’innovation (FCPI). Recrutée initialement en qualité de chargée d’affaires, elle a occupé à compter du 1er septembre 2008 un poste de directrice d’investissement.

2. Soutenant avoir été victime d’une inégalité de traitement, la salariée a saisi le 20 octobre 2011 la juridiction prud’homale afin d’obtenir la résiliation judiciaire de son contrat de travail aux torts de son employeur et la condamnation de ce dernier à lui payer diverses sommes.

(…)

7. La salariée fait grief à l’arrêt de la débouter de ses demandes en paiement d’un rappel de rémunération sur le fondement du principe d’égalité de traitement et de résiliation judiciaire de son contrat de travail aux torts de son employeur, ainsi que de ses demandes de condamnation de l’employeur au paiement d’une indemnité de rupture et de dommages-intérêts pour licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse et pour exécution fautive du contrat de travail, alors « qu’aux termes du principe « à travail égal salaire égal », l’employeur est tenu d’assurer pour un même travail ou un travail de valeur égale, l’égalité de rémunération entre ses salariés ; que pour la vérification du respect de ce principe, il doit être tenu compte de tous les éléments de rémunération liés à l’exécution de la prestation de travail qui constituent la contrepartie directe ou indirecte du travail fourni ; que dès lors, pour la mise en oeuvre de ce principe entre salariés exerçant les mêmes fonctions de directeur d’investissement dans une société financière, ne doivent pas être pris en compte dans la rémunération respective des salariés en comparaison les revenus des « carried interest », issus de la plus-value dégagée lors de la liquidation de fonds communs de placement gérés par leur employeur, à la suite d’un investissement individuel et facultatif à risque réalisé au moyen de ses deniers personnels antérieurement par certains de ces salariés, peu important que la faculté de souscrire ces parts soit en lien avec leur emploi ; que ces revenus aléatoires, provenant d’un investissement financier personnel volontaire du salarié, indépendants de son activité et de son départ éventuel de l’entreprise, et qui ne sont pas versés par l’employeur, ne sont ni par leur cause, ni par leur objet, la contrepartie du travail fourni ; qu’en décidant le contraire et en jugeant que, pour l’application du principe « à travail égal salaire égal », la comparaison entre Mme O… et ses collègues directeurs d’investissement de la société ACG management devait être effectuée en tenant compte de l’ensemble des avantages « liés à leur emploi », incluant les revenus procurés à la liquidation des parts de « carried interest » éventuellement souscrites dans les FCPI gérés par leur employeur, la cour d’appel a violé le principe susvisé. »

Réponse de la Cour

Vu le principe d’égalité de traitement et l’article L. 3221-3 du code du travail :

8. Selon ce dernier texte, constitue une rémunération le salaire ou traitement ordinaire de base ou minimum et tous les autres avantages et accessoires payés, directement ou indirectement, en espèces ou en nature, par l’employeur au salarié, en raison de l’emploi de ce dernier.

9. Pour débouter la salariée de ses demandes fondées sur un manquement de l’employeur au principe d’égalité de traitement, l’arrêt, après avoir indiqué qu’en droit la règle d’égalité de rémunération s’applique au salaire ou traitement ordinaire brut de base ou minimum et à tous les autres avantages et accessoires payés, directement ou indirectement, en espèces ou en nature, par l’employeur au travailleur en raison de l’emploi de ce dernier et englobe donc l’ensemble des droits individuels et collectifs, qu’ils soient financiers ou non, accordés aux salariés en raison de leur appartenance à l’entreprise, retient que dès lors qu’il s’agit d’un avantage réservé aux membres des équipes de gestion de la société ACG management sur un mode d’actionnariat salarié consistant en des titres attribués, en plus de la rémunération, aux salariés et aux dirigeants, afin de les intéresser à la réussite des investissements, les parts de carried interest doivent à ce titre être prises en compte pour évaluer la situation d’inégalité de traitement.

10. En se déterminant ainsi, sans caractériser en quoi les parts de carried interest constituaient un élément de rémunération versé par l’employeur, en tant que contrepartie du travail fourni, ou un avantage directement ou indirectement payé par l’employeur au salarié, en espèces ou en nature, en raison de l’emploi de ce dernier, la cour d’appel a privé sa décision de base légale.

PAR CES MOTIFS, la Cour : CASSE ET ANNULE (…)