La rupture du contrat de travail à durée indéterminée est strictement encadrée par une procédure légale formelle, au terme de laquelle l’employeur est conduit à exprimer par écrit la motivation de sa décision : c’est cette motivation expresse (et seulement elle) qui fait l’objet de l’appréciation judiciaire lors du contentieux du licenciement. Cette procédure de licenciement impose des délais précis à chacune de ses étapes, dont la violation engage la responsabilité de l’employeur, et le conduit à indemniser le salarié.

Or la mise en oeuvre de ces délais porte parfois à confusion, et le Juge lui-même commet des erreurs que la Cour de cassation est amenée corriger, comme dans l’arrêt ci-dessous principalement reproduit. Ainsi en est-il notamment du délai de 2 jours de réflexion entre l’entretien préalable et la notification de la lettre de licenciement.

Cette exigence a succédé dans le Code du travail, à celle du délai de « 1 jour franc », mais il s’agit exactement du même laps de temps. Ainsi lorsque l’entretien préalable a lieu le lundi, la lettre de licenciement peut être notifiée le mercredi : 2 jours se sont enchaînés depuis l’entretien préalable, soit un jour franc (mardi).

De même, la lettre de convocation à entretien préalable doit être notifiée 5 jours ouvrables avant l’entretien. Cela signifie que quelles que soient les dates d’envoi de la convocation, ou de sa réception effective par le salarié, un délai de 5 jours ouvrables doit s’écouler entre la première présentation par la Poste de la lettre recommandée (ou la remise en main propre du courrier), et l’entretien lui-même.

COUR DE CASSATION, Chambre sociale, 6 septembre 2023 (pourvoi n° 22-11.661, publié au Bulletin)

La société Mango France, société à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 2], a formé le pourvoi n° E 22-11.661 contre l’arrêt rendu le 9 décembre 2021 par la cour d’appel de Grenoble (chambre sociale, section B), dans le litige l’opposant :

1°/ à Mme [V] [P], domiciliée [Adresse 1],

2°/ à Pôle emploi, dont le siège est [Adresse 3],

(…)

Faits et procédure

1. Selon l’arrêt attaqué (Grenoble, 9 décembre 2021), Mme [P] a été engagée en qualité d’employée de réserve par la société Mango France, le 12 juillet 2012.

2. Par lettre recommandée avec accusé de réception du 10 janvier 2018, présentée en vain à son domicile le 12 janvier 2018 et qu’elle a finalement réceptionnée le 22 janvier 2018, elle a été convoquée à un entretien préalable qui s’est tenu le 24 janvier 2018.

3. Licenciée pour cause réelle et sérieuse le 15 février 2018, la salariée a saisi la juridiction prud’homale de demandes au titre de l’exécution et de la rupture de son contrat de travail.

(…)

5. L’employeur fait grief à l’arrêt de le condamner à payer à la salariée une
somme à titre de dommages-intérêts pour licenciement nul, alors « que le délai de cinq jours ouvrables qui doit séparer la convocation du salarié à un
entretien préalable à un éventuel licenciement et cet entretien court à compter de la date de première présentation de la lettre recommandée avec
accusé de réception convoquant le salarié à l’entretien ; qu’en l’espèce, pour
juger que la procédure de licenciement était irrégulière et inclure la réparation du préjudice né de l’irrégularité de la procédure dans l’indemnité
allouée en vertu de l’article L. 1235-3-1 du code du travail, la cour d’appel a retenu que « l’entretien préalable à un licenciement ne peut avoir lieu moins
de cinq jours ouvrables après la présentation de la lettre recommandée ou
la remise en main propre de la lettre de convocation en application de l’article L. 1232-2 du code du travail, qu’  »au cas d’espèce, le courrier LRAR
adressé par l’employeur le 10 janvier 2018 de convocation de Mme [P] à
un entretien préalable à un éventuel licenciement fixé au 24 janvier 2018 a
été retiré le 22 janvier 2018″ et que « le délai de cinq jours ouvrables n’a, dès
lors, pas été respecté » ; qu’en statuant ainsi quand le délai de cinq jours ouvrables avait commencé à courir à la date de la première présentation de
la lettre de convocation, le 12 Janvier 2019, soit neuf jours ouvrables avant
la date de l’entretien préalable prévu le 24 janvier 2018, la cour d’appel a violé l’article L.1232-2 du code du travail. »

Réponse de la Cour

Vu l’article L. 1232-2 du code du travail :

6. Selon ce texte, l’entretien préalable ne peut avoir lieu moins de cinq jours ouvrables après la présentation de la lettre recommandée ou de la remise en main propre de la lettre de convocation.

7. Pour condamner l’employeur à payer à la salariée des dommages-intérêts pour licenciement nul prenant en compte une indemnité au titre de l’irrégularité de la procédure de licenciement suivie, l’arrêt retient que la lettre recommandée avec accusé de réception adressée par l’employeur le 10 janvier 2018 de convocation de la salariée à un entretien préalable à un éventuel licenciement fixé au 24 janvier 2018 a été retirée le 22 janvier 2018 et que le délai de cinq jours ouvrables n’a dès lors pas été respecté.

8. En statuant ainsi, alors que le délai de cinq jours avait commencé à courir le 13 janvier 2018, le jour suivant la présentation de la lettre recommandée, en sorte qu’à la date de l’entretien fixé au 24 janvier suivant, la salariée avait bénéficié d’un délai de cinq jours ouvrables pleins, la cour d’appel a violé le texte susvisé.

(…)

PAR CES MOTIFS (…) : CASSE ET ANNULE (…)