L’employeur est tenu à une obligation de sécurité et santé au travail, et il doit à ce titre mettre en oeuvre toutes les mesures réglementaires à sa charge : à défaut il engage sa responsabilité contractuelle. Le salarié victime d’un accident du travail ou d’une maladie professionnelle, peut en outre rechercher sur ce fondement sa faute inexcusable, ce qui entraîne à la charge de l’entreprise une indemnisation supplémentaire, et la prise en charge du coût de l’accident / maladie.
C’est au salarié de rapporter la preuve de la carence de l’employeur en ce domaine, et il ne peut se contenter de lui reprocher de ne pas l’avoir informé du danger sanitaire lié à la consommation d’eau non-potable. Il revient toutefois au Juge de ne pas travestir l’argumentaire présenté par l’intéressé, et de répondre point par point aux critiques présentées par le justiciable, surtout au terme de plusieurs années de procédure.
COUR DE CASSATION, Chambre sociale, 15 novembre 2023 (pourvoi n° 22-17.733, publié au bulletin)
M. [D] [H], domicilié [Adresse 1], a formé le pourvoi n° E 22-17.733 contre l’arrêt rendu le 27 octobre 2021 par la cour d’appel de Montpellier (2e chambre sociale), dans le litige l’opposant à l’association Inter aide, dont le siège est [Adresse 2], défenderesse à la cassation.
(…)
Exposé du litige
Faits et procédure
1. Selon l’arrêt attaqué (Montpellier, 27 octobre 2021), M. [H] a été engagé en qualité de responsable de programme éducation en Haïti le 6 août 2012 par l’association Inter aide (l’association).
2. Il a été placé en arrêt maladie à compter du 28 septembre 2012 jusqu’au 24 avril 2013, après avoir contracté une amibiase, et a été rapatrié le 11 octobre 2012.
3. Le salarié a été déclaré apte à son poste le 8 juillet 2013 et a été licencié le 24 juillet suivant pour faute grave. Il a saisi la juridiction prud’homale aux fins d’obtenir le paiement de diverses sommes au titre de la rupture du contrat de travail.
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Enoncé du moyen
5. Le salarié fait grief à l’arrêt de le débouter de sa demande de dommages-intérêts pour manquement de l’association à l’obligation de sécurité, alors :
« 1°/ que l’employeur, tenu d’une obligation de sécurité envers les salariés, doit prendre les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs ; qu’il ne méconnaît pas cette obligation légale s’il justifie avoir pris toutes les mesures prévues par les articles L. 4121-1 et L. 4121-2 du code du travail ; que, dans ses conclusions d’appel, le salarié reprochait à son employeur ses mauvaises conditions de travail et d’hébergement et de lui avoir fourni un matériel défectueux de filtration de l’eau, ce qui avait été à l’origine de la maladie tropicale qu’il avait contractée ; que, pour écarter tout manquement de l’employeur à son obligation de sécurité, la cour d’appel a retenu que le salarié ne rapporte pas la preuve que son employeur lui a fait boire de l’eau de ville mal filtrée, qu’il est notoire que l’eau de ville en Haïti n’est pas potable et qu’il convient de boire de l’eau minérale en bouteille et que le salarié a manqué à cette obligation de prudence élémentaire ; qu’en se déterminant par de tels motifs, impropres à établir que l’employeur avait pris toutes les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé du salarié, la cour d’appel a violé l’article L. 4121-1 du code du travail dans sa rédaction issue de la loi n° 2010-1330 du 9 novembre 2010 ;
2°/ que dans ses conclusions d’appel, M. [H] reprochait également à son employeur de s’être abstenu de lui porter aide et assistance après qu’il eut contracté une maladie tropicale en Haïti ; qu’en laissant sans réponse ce moyen déterminant, la cour d’appel n’a pas satisfait aux exigences de l’article 455 du code de procédure civile. »
Réponse de la Cour
Vu les articles L. 4121-1 du code du travail et 455 du code de procédure civile :
6. Il résulte du premier de ces textes que l’employeur, tenu d’une obligation de sécurité envers les salariés, doit prendre les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs. Il ne méconnaît pas cette obligation légale s’il justifie avoir pris toutes les mesures prévues par les articles L. 4121-1 et L. 4121-2 du code du travail.
7. Selon le second, tout jugement doit être motivé. Le défaut de réponse aux conclusions constitue un défaut de motifs.
8. Pour débouter le salarié de sa demande de dommages-intérêts pour manquement à l’obligation de sécurité, l’arrêt retient, d’une part, que le salarié reproche à l’employeur de lui avoir fait boire de l’eau de ville mal filtrée sans toutefois en apporter la preuve, et d’autre part, qu’il est notoire que l’eau de ville en Haïti n’est pas potable et qu’il convient de boire de l’eau minérale en bouteille, et que si le salarié a manqué à cette obligation de prudence élémentaire, il ne peut en imputer la faute à son employeur.
9. En statuant ainsi, par des motifs impropres à établir que l’employeur avait pris toutes les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé du salarié, et sans répondre aux conclusions du salarié qui soutenait que l’association ne lui avait apporté aucune aide ni assistance lorsqu’il avait contracté cette maladie tropicale, faute de matériel conforme, l’avait laissé livré à lui-même malade, et n’avait pas voulu organiser un rapatriement sanitaire, la cour d’appel a violé les textes susvisés.
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PAR CES MOTIFS (…) : CASSE ET ANNULE (…)
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