Les salariés investis d’un mandat de représentation interne, bénéficient d’un crédit d’heures de délégations assimilées à du temps de travail effectif. Ce temps est alors rémunéré comme des heures de travail, et par exemple un accident survenu pendant l’exécution du mandat est qualifié d’accident du travail.

Pourtant le salarié n’est plus soumis à l’autorité de l’employeur pendant ces heures de délégation, et il n’a donc pas l’obligation de prévenir à l’avance sa hiérarchie de son absence, ni à justifier de l’usage qu’il en fait. De même si son contrat de travail est suspendu, que ce soit pour maladie ou en raison d’une mise à pied disciplinaire, le mandat quant à lui n’est pas suspendu : le représentant du personnel peut se rendre dans l’entrepreprise et y excercer ses fonctions électives ou syndicales.

En outre si le salarié use de ses heures de délégation au-delà de la durée de travail à temps plein, leur rémunération est majorée comme celle des heures supplémentaires (même si le contingent annuel personnel de l’intéressé n’est pas débité). L’employeur a l’obligation de rémunérer ces heures de délégation à l’échéance, sans qu’aucune perte de salaire ne soit supportée par le représentant du personnel.

C’est ce que vient de rappeler la Cour de cassation dans l’arrêt ci-dessous reproduit, pour une hypothèse de dispense d’activité. L’employeur risque ses responsabilités pénale (délit d’entrave), et aussi civiles engagées par le salarié concerné, mais en outre par les syndicats salariés dans le cadre de leur action civile dans l’intérêt collectif représenté.

Cour de cassation, Chambre sociale, 3 mars 2021 (pourvoi n° 19-18.150, publié au Bulletin)

1. Selon l’arrêt attaqué (Douai, 26 avril 2019), M. U… a été engagé le 9 février 1979 en qualité d’opérateur polyvalent par la société Française de mécanique, aux droits de laquelle se trouve la société PSA automobiles.

2. Le 25 mars 2014, il a été élu membre du comité d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail.

3. Le salarié ayant présenté, le 1er avril 2014, une demande d’adhésion au dispositif du congé de maintien de l’emploi des salariés seniors, lui permettant de bénéficier d’une période de travail à temps partiel fin de carrière, suivie d’une période totale de dispense d’activité rémunérée avant la liquidation d’une retraite à taux plein, le 7 avril 2014, les parties ont signé un avenant au contrat de travail prévoyant que l’intéressé travaillerait du 1er mai 2014 au 31 août 2015 à temps partiel fin de carrière, puis serait dispensé d’activité du 1er septembre 2015 au 31 décembre 2016. Par avenant du 12 mars 2015, il a été convenu que la période de dispense d’activité soit avancée au 1er avril 2015.

4. Soutenant que ses heures de délégation devaient être réglées en sus de la rémunération qui lui était versée, le salarié a saisi la juridiction prud’homale, le 23 mai 2016, d’une demande de rappel de salaire à ce titre.

Examen du moyen

Enoncé du moyen

5. L’employeur fait grief à l’arrêt de le condamner au paiement de certaines sommes à titre de rappel de salaire et de congés payés afférents et d’ordonner la remise de bulletins de paie rectifiés, alors « qu’un représentant du personnel ayant convenu avec l’employeur d’être placé en situation de dispense d’activité rémunérée en raison de son adhésion à un plan de fin de carrière, ne peut cumuler sa rémunération avec le paiement des heures de délégation susceptibles d’être utilisées pendant cette période d’inactivité, sauf à ce qu’il ait été contraint de se rendre à des réunions à l’initiative de l’employeur durant la période litigieuse ou que l’existence de circonstances exceptionnelles aient justifié le dépassement du crédit d’heures de délégation ; qu’en se bornant à relever la qualité de salarié protégé de M. U… et l’utilisation d’heures de délégation pendant la période d’inactivité rémunérée, sans à aucun moment constater que ces heures dont le salarié sollicitait le paiement, auraient été utilisées pour se rendre à des réunions à l’initiative de l’employeur ou en raison de circonstances exceptionnelles justifiant le dépassement de son crédit d’heures de délégation, la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 1132-I, L.1134-I, L. 4614-3 et L. 4614-6 du code du travail. »

Réponse de la Cour

6. En application de l’article L. 4614-6, alors applicable, du code du travail, l’utilisation des heures de délégation ne doit entraîner aucune perte de salaire pour le représentant du personnel et lorsque les heures de délégation sont prises en dehors du temps de travail, en raison des nécessités du mandat, elles doivent être payées en plus des heures de travail. Il en résulte qu’en cas de dispense d’activité, il convient de se référer aux horaires que le salarié aurait dû suivre s’il avait travaillé et que ce dernier peut prétendre au paiement des heures de délégation prises en dehors du temps de travail résultant de son planning théorique.

7. La cour d’appel, qui, ayant constaté que l’employeur, auquel il appartient de fixer l’horaire de travail, n’avait pas défini les heures de travail théoriques du salarié placé en situation de dispense d’activité avec maintien de sa rémunération, de sorte que ce dernier était fondé à réclamer le paiement de ses heures de délégation, a, sans avoir à procéder à une recherche que ses constatations rendaient inopérantes, légalement justifié sa décision.

PAR CES MOTIFS, (…) : REJETTE (…)