Le statut de lanceur d’alerte, concernant le salarié, entraîne l’application de protections légales particulièrement efficaces. Entre autres mesures, le licenciement de l’intéressé est frappé de nullité : il doit être réintégré, et reçoit le versement des rémunérations dues depuis son éviction, ainsi qu’une indemnisation.

Il revient à l’employeur, en cas de contentieux, de démontrer objectivement que sa décision n’est pas liée à la dénonciation excipée. La protection du salarié est donc automatiquement accordée, y compris si les faits dénoncés ne sont pas confirmés, et levée exceptionnellement si la mauvaise foi du salarié est incontestablement prouvée.

Ce statut n’est conféré que lorsque le salarié établit pouvoir dénoncer de bonne foi des faits relatifs à l’entreprise employeur (ou ses partenaires), recevant une qualification pénale délictuelle. A défaut l’on peut lui reprocher un abus dans l’exercice de sa liberté d’expression : aucune protection n’est alors applicable.

En revanche, le fait que cette dénonciation intervienne postérieurement au déclenchement par l’employeur de la procédure de licenciement (ou de la procédure disciplinaire, ou encore de toute modification des rapports de travail) est indifférent : la protection contre le licenciement s’applique tant que la décision de l’employeur n’est pas notifiée. C’est ce que rappelle la Cour de cassation dans l’arrêt ci-dessous principalement reproduit.

Cour de cassation, Chambre sociale, 7 juillet 2021 (pourvoi n° 19-25.754, publié au Bulletin)

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  1. Selon l’arrêt attaqué (Nancy, 31 octobre 2018 ), M. [K] a été engagé le 1er septembre 2008 par l’Association vosgienne pour la sauvegarde de l’enfance, de l’adolescence et des adultes (AVSEA) en qualité de directeur du service des tutelles. Le 14 novembre 2012, il a été mis à pied à titre conservatoire et convoqué à un entretien préalable à licenciement. Le 20 novembre 2012, le salarié a dénoncé à la direction départementale de la cohésion sociale et de la protection des populations, organe de tutelle de l’employeur, des faits pénalement répréhensibles qui auraient été commis par l’association. Il a été licencié pour insuffisance professionnelle le 3 décembre 2012.
  2. Contestant son licenciement et estimant qu’il était en lien avec cette dénonciation, il a saisi la juridiction prud’homale.

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Vu l’article 10, § 1, de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales :

  1. En raison de l’atteinte qu’il porte à la liberté d’expression, en particulier au droit pour les salariés de signaler les conduites ou actes illicites constatés par eux sur leur lieu de travail, le licenciement d’un salarié intervenu pour avoir relaté ou témoigné, de bonne foi, de faits dont il a eu connaissance dans l’exercice de ses fonctions et qui, s’ils étaient établis, seraient de nature à caractériser des infractions pénales, est atteint de nullité.
  2. Lorsque le salarié présente des éléments de fait qui permettent de présumer qu’il a relaté ou témoigné de bonne foi de faits constitutifs d’un délit ou d’un crime, il appartient à l’employeur de rapporter la preuve que sa décision de licencier est justifiée par des éléments objectifs étrangers à toute volonté de sanctionner l’exercice, par le salarié, de son droit de signaler des conduites ou actes illicites.
  3. Pour rejeter les demandes du salarié tendant à la nullité du licenciement, à sa réintégration et au paiement de sommes subséquentes, l’arrêt, qui a estimé le licenciement sans cause réelle et sérieuse, retient que la lettre adressée à la direction départementale de la cohésion sociale et de la protection des populations par le salarié est postérieure à la convocation de celui-ci à l’entretien préalable au licenciement, et que la concomitance des deux circonstances ne peut à elle seule établir le détournement de procédure allégué.
  4. En se déterminant ainsi, sans rechercher si le salarié, qui soutenait avoir préalablement à sa convocation à un entretien préalable avisé sa hiérarchie des faits qu’il jugeait illicites et de son intention de procéder à un signalement aux autorités compétentes, ne présentait pas des éléments de fait permettant de présumer qu’il avait relaté ou témoigné de bonne foi de faits qui, s’ils étaient établis, seraient de nature à caractériser des infractions pénales et si l’employeur rapportait alors la preuve que le licenciement était justifié par des éléments objectifs étrangers à la déclaration ou au témoignage de l’intéressé, la cour d’appel a privé sa décision de base légale.

PAR CES MOTIFS (…) : (…) CASSE ET ANNULE (…)