Le contrat de travail à durée déterminée est considérée comme une forme exceptionnelle d’emploi, et à ce titre le Législateur en impose la rédaction : à défaut, la requalification en contrat à durée indéterminée s’impose, et la responsabilité contractuelle de l’empoyeur est engagée. Parmi les mentions obligatoires exigées par ce formalisme, figure ainsi l’indication précise du motif de recours.
Or quelles conséquences tirer du fait que plusieurs motifs légaux soient mentionnés dans le corpus contractuel ? C’est à cette question que répond notamment la Cour de cassation dans l’arrêt ici reproduit par extraits.
Ainsi si l’une des mentions suffit à valider le contrat, et correspond à la réalité du cas de recours au CDD, la mention surabondante n’est pas de nature à entraîner la requalification, ni la sanction de l’employeur. Il n’existe en effet aucune confusion quant à la réalité du motif pour lequel l’on a pu utiliser ce type de contrat.
COUR DE CASSATION, Chambre sociale, 13 mars 2024 (pourvoi n° 22-20.031, publié au Bulletin)
M. [Y] [N], domicilié [Adresse 1], a formé le pourvoi n° C 22-20.031 contre l’arrêt rendu le 30 septembre 2021 par la cour d’appel de Bordeaux (chambre sociale, section B), dans le litige l’opposant :
1°/ à la société Jean Denis Silvestri – Bernard Baujet, société civile professionnelle, dont le siège est [Adresse 2], prise en qualité de mandataire liquidateur de l’association Transport rural à la demande Gironde,
2°/ à l’Unedic délégations AGS CGEA de [Localité 3], dont le siège est [Adresse 4],
défenderesses à la cassation.
(…)
Faits et procédure
1. Selon l’arrêt attaqué (Bordeaux, 30 septembre 2021), M. [N] a été engagé en qualité de chauffeur, affecté au ramassage scolaire, pour la période du 14 avril 2016 au 25 juillet 2017, par l’association Transport rural à la demande Gironde (l’association), suivant contrat d’accompagnement dans l’emploi (CAE), à temps partiel, soumis à la convention collective nationale des transports routiers et activités auxiliaires du transport du 21 décembre 1950.
2. Le salarié a saisi la juridiction prud’homale le 19 janvier 2018 à l’effet d’obtenir la requalification de son contrat de travail en contrat à durée indéterminée, son repositionnement conventionnel et diverses sommes de nature salariale et indemnitaire.
3. Par jugement du 21 mars 2018, l’association a été placée en redressement judiciaire, converti en liquidation judiciaire par jugement du 19 octobre suivant. La société Jean Denis Silvestri – Bernard Baujet a été désignée en qualité de liquidatrice.
4. L’AGS CGEA de [Localité 3] est intervenue à l’instance.
(…)
Enoncé du moyen
6. Le salarié fait grief à l’arrêt de le débouter de sa demande en requalification de son contrat de travail en contrat à durée indéterminée et du surplus de ses demandes, alors « que le motif du recours mentionné dans le contrat à durée déterminée fixe les limites du litige au cas où la qualification du contrat se trouve contestée ; qu’en l’espèce, M. [N] faisait valoir que son contrat d’accompagnement dans l’emploi mentionnait comme motif un accroissement temporaire d’activité », motif qui était fictif, de sorte que son contrat devait être requalifié en contrat de travail à durée indéterminée ; qu’en retenant pour débouter le salarié de sa demande, par motif propre, que la seule mention dans le corps du contrat d’un « accroissement temporaire d’activité suite à une nouvelle activité » n’est pas de nature à remettre en cause dans un tel contexte la qualification de contrat de travail à durée déterminée, puisqu’il est constant que celui-ci a été conclu dans le cadre de la politique de l’emploi alors en vigueur et qu’il s’inscrit dès lors dans le cadre des dispositions spécifiques de l’article L. 1242-3,1° du code du travail » et, par motif adopté, que la présence de CAE sur un CDD se suffit à lui-même », quand il lui appartenait, dès lors que le contrat mentionnait comme motif de recours au contrat à durée déterminée un accroissement temporaire d’activité » de vérifier si ce motif était réel, la cour d’appel a violé les articles L. 1242-2 et L. 1242-3 dans leur rédaction applicable en la cause, ensemble l’article L. 1242-12 du code du travail. »
Réponse de la Cour
7. Un contrat d’accompagnement dans l’emploi peut, par exception au régime de droit commun des contrats à durée déterminée, être contracté pour pourvoir un emploi lié à l’activité normale et permanente des collectivités, organismes, personnes morales et sociétés concernés.
8. La seule mention « contrat d’accompagnement dans l’emploi », qui fait référence aux dispositions de l’article L. 1242-3 du code du travail, dans sa rédaction antérieure à la loi n° 2020-1674 du 24 décembre 2020, suffit à satisfaire à l’exigence de définition du motif du contrat à durée déterminée prévue à l’article L. 1242-2 du code du travail, dans sa rédaction antérieure à la loi n° 2016-1088 du 8 août 2016.
9. Il en résulte que, lorsqu’en sus de la mention « contrat d’accompagnement dans l’emploi », un contrat de travail contient un des motifs de recours au contrat à durée déterminée visés à l’article L. 1242-2 du code du travail, il y a lieu de retenir comme seul motif de recours celui relatif au contrat aidé.
10. Ayant relevé qu’était produit un contrat de travail à durée déterminée dont le titre était « Contrat de travail à durée déterminée CAE à temps partiel avec terme précis », la cour d’appel en a déduit à bon droit, sans être tenue de procéder à une vérification que ses constatations rendaient inopérante, que la seule mention dans le corps du contrat d’un « accroissement temporaire d’activité suite à une nouvelle activité » n’était pas de nature à remettre en cause la qualification de contrat de travail à durée déterminée, puisqu’il était constant que celui-ci avait été conclu au titre de la politique de l’emploi alors en vigueur et qu’il s’inscrivait dès lors dans le cadre des dispositions spécifiques de l’article L. 1242-3, 1°, du code du travail.
11. Le moyen n’est donc pas fondé.
(…)
PAR CES MOTIFS (…) : REJETTE le pourvoi (…)
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