L’une des sanctions du harcèlement, comme de la discrimination abusive par exemple, consiste en la nullité de l’acte contesté. S’il s’agit de la rupture du contrat de travail, celle-ci est jugée comme n’étant jamais intervenue, et le salarié doit donc être réintégré sur son poste (avec le cas échéant la réparation du préjudice subi du fait de la perte de rémunération pendant tout la durée de la procédure judiciaire).

Si le salarié ne sollicite pas sa réintégration, le Juge fait notamment produire au licenciement nul les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse. Mais cette demande d’indemnisation doit expressément être formée par le salarié dans le cadre du contentieux : à défaut la réintégration s’impose.

Le fait que le salarié soit par ailleurs engagé dans un autre emploi n’exonère pas l’employeur condamné d’organiser ladite réintégration (et ses conséquences financières) : c’est ce que vient de rappeler la Cour de cassation dans l’arrêt ci-dessous éclairé. Dès lors que l’accueil du salarié lui est confirmé, s’il ne se présente pas sur son poste de travail, non seulement la rémunération ne lui est plus due, mais en outre il commet un manquement.

Mais l’employeur ne peut prendre l’initiative de ne pas accueillir le personnel réintégré, sous peine de commettre lui-même une faute. Ce n’est que si la réintégration est matériellement impossible (le poste de travail a disparu, par exemple), et ce pour des raisons tenant à l’entreprise elle-même, que la responsabilité de l’employeur ne peut être retenue.

Cour de cassation, Chambre sociale, 10 février 2021 (pourvoi n° 19-20.397, publié au Bulletin)


1. Selon l’arrêt attaqué (Bastia, 20 février 2019), rendu après cassation (Soc., 14 février 2018, pourvoi n° 16-22.360), M. N… , engagé le 17 mai 1995 par la société Air Corsica (la société), a été licencié le 31 mai 2012 pour motif personnel.

2. Soutenant que cette rupture était en lien avec des agissements de harcèlement moral dont il se considérait victime, le salarié a saisi la juridiction prud’homale en vue d’obtenir la nullité du licenciement.

(…)

4. La société fait grief à l’arrêt d’ordonner la réintégration, par elle, du salarié dans l’emploi précédemment occupé ou dans un emploi équivalent, dans le même secteur géographique, à savoir celui de Marseille, avec le même niveau de rémunération, la même qualification et les mêmes perspectives de carrière, avec reprise de l’ancienneté au 1er septembre 2012 et paiement du salaire conventionnel à compter de la date de la réintégration, alors « qu’en présence d’un licenciement nul, le juge doit ordonner la réintégration du salarié si celui-ci la demande sauf si la réintégration est matériellement impossible ; qu’est matériellement impossible la réintégration du salarié qui se trouve lié par un contrat de travail en cours avec un autre employeur au jour où le juge statue sur sa demande de réintégration ; qu’il résulte des propres constatations de l’arrêt qu’au jour où elle statuait, le salarié était titulaire d’un contrat de travail le liant à la commune d’Ajaccio renouvelé du 1er janvier 2019 au 31 décembre 2021 et que sa réintégration n’était donc pas alors possible, le salarié devant préalablement démissionner de son emploi en respectant un préavis de deux mois ; qu’en jugeant néanmoins que sa réintégration n’était pas matériellement impossible, la cour d’appel a violé les articles L 1152-2 et L 1152-3 du code du travail. »

Réponse de la Cour

5. Après avoir constaté que la société ne justifiait pas que la réintégration du salarié était matériellement impossible, la cour d’appel a exactement retenu que le fait pour le salarié d’être entré au service d’un autre employeur n’était pas de nature à le priver de son droit à réintégration.

6. Le moyen n’est donc pas fondé.

PAR CES MOTIFS (…) : REJETTE (…)