L’ordre du jour des réunions du Comité Social et Economique (CSE) est établi conjointement entre le Président (employeur) et le Secrétaire (élu). En revanche, il incombe au seul employeur de convoquer les réunions du CSE, et à cette occasion de transmettre l’ordre du jour, en principe dans un délai minimum de 8 jours avant celle-ci.

Ce délai peut être réduit en cas d’urgence, ou aménagé par voie d’accord collectif. Mais l’employeur engage ses responsabilités civile et pénale, s’il ne le respecte pas : en effet les membres du CSE doivent être informés suffisamment à l’avance, des points abordés lors de la réunion, afin de s’y préparer.

Pourtant l’on ne peut tirer aucune conséquence automatique de ce mécanisme, fût-il sanctionné par de sévères dispositions. On rappelle en effet que l’employeur négligent sur ce point, peut être poursuivi du chef de délit d’entrave, et encourir une forte amende pénale.

Pourtant c’est une décision de la Chambre criminelle de la Cour de cassation qui assouplit cette obligation de respecter le délai de communication, dans l’illustration ci-dessous signalée. Mais il s’agit alors de rendre plus fluide le fonctionnement de cette institution représentative du personnel.

Ainsi dès lors que l’ensemble unanime des membres (élus) du CSE accepte de modifier l’ordre du jour, et d’ajouter une question à discuter immédiatement en réunion, la délibération est non seulement possible, mais en outre elle permet de passer régulièrement les actes subséquents. Ainsi en l’espèce s’agissait-il de régulariser une constitution de partie civile à l’encontre de l’entreprise employeur, dans le cadre de poursuites du chef de … délit d’entrave.

COUR DE CASSATION, Chambre criminelle, 13 septembre 2022(pourvoi n° 21-83.914, publié au Bulletin)


La société [1] a formé un pourvoi contre l’arrêt de la cour d’appel de Paris, chambre 2-13, en date du 16 juin 2021, qui, pour entrave, l’a condamnée à 15 000 euros d’amende dont 5 000 euros avec sursis et a prononcé sur les intérêts civils.
(…)
Faits et procédure

1. Il résulte de l’arrêt attaqué et des pièces de procédure ce qui suit.

2. Par actes en date du 9 mars 2017, le comité central d’entreprise de [1] a fait citer devant le tribunal correctionnel la société éponyme et Mme [L] [Z], présidente du groupe [1], du chef d’entrave pour avoir « omis d’informer et de consulter le comité central d’entreprise de [1] préalablement à la mise en oeuvre, en avril 2014 et au cours de l’année 2015, de la revue du personnel au sein de la société [1] ».

3. Par jugement en date du 27 juin 2018, le tribunal correctionnel a rejeté les exceptions de nullité de la citation et d’irrecevabilité de la constitution de partie civile du comité central d’entreprise, relaxé Mme [Z], déclaré la société [1] coupable des faits reprochés et a prononcé sur la peine et les intérêts civils.

4. La société prévenue a relevé appel de cette décision.
(…)

Sur le deuxième moyen

Enoncé du moyen

11. Le moyen fait grief à l’arrêt attaqué d’avoir confirmé le jugement déféré en ce qu’il a rejeté les demandes de la société [1] liées à l’irrecevabilité de la citation directe, alors « qu’est irrégulière la délibération par laquelle le comité d’entreprise donne mandat à son secrétaire d’exercer des poursuites correctionnelles pour entrave à son fonctionnement lorsque cette délibération n’a pas été préalablement inscrite à l’ordre du jour de la réunion du comité et ne présente aucun lien avec les questions devant être débattues de telle sorte que les membres titulaires absents sont privés de toute possibilité de s’exprimer sur ce sujet ; que pour écarter toute irrecevabilité de la citation directe délivrée par le CCE de [1] résultant de l’irrégularité de la délibération du CCE du 1er octobre 2015 et du mandat confié à son secrétaire en conséquence pour exercer des poursuites correctionnelles du chef d’entrave, l’arrêt attaqué se borne à relever que « lors de la réunion du CCE du 1er octobre 2015, son secrétaire M. [N] est intervenu en début de séance pour solliciter l’ajout d’un point à l’ordre du jour : vote d’un mandat au secrétaire du CCE pour ester en justice pour entrave » et qu’en outre, « lors de la réunion du CCE du 7 avril 2016, une résolution désignant le cabinet d’avocat en charge de l’action a été inscrite à l’ordre du jour et adoptée à l’unanimité » ; qu’en se déterminant ainsi sans même rechercher si l’ajout de ce point à l’ordre du jour de la réunion du 1er octobre 2015 en tout début de séance, n’était pas de nature à établir l’irrégularité de la résolution litigieuse et du mandat confié à M. [N] en conséquence, faute d’avoir permis aux membres titulaires absents de la possibilité de s’exprimer sur ce sujet, et quand la circonstance que le CCE ait désigné lors de la réunion du CCE du 7 avril 2016 le cabinet d’avocat en charge de l’action était indifférente à établir la régularité de la délibération du 1er octobre 2015 et du mandat confié à son secrétaire, le mandat confié au cabinet d’avocat étant distinct du mandat confié au secrétaire du comité d’entreprise, et ne pouvant en aucun cas suppléer l’irrégularité de ce dernier, la cour d’appel n’a pas tiré de ses propres constatations les conséquences légales qui s’imposaient et privé sa décision de toute base légale au regard des articles L. 2325-1 du code du travail dans sa rédaction applicable à l’époque des faits et 593 du code de procédure pénale. »

Réponse de la Cour

12. Pour écarter l’exception d’irrecevabilité de la constitution de partie civile du comité central d’entreprise, prise de l’irrégularité de la délibération autorisant le secrétaire de ce comité à agir en justice du chef d’entrave, l’arrêt attaqué relève notamment qu’il résulte des pièces produites que, lors de la réunion du comité central d’entreprise du 1er octobre 2015, son secrétaire, M. [N], est intervenu en début de séance pour solliciter l’ajout d’un point à l’ordre du jour ainsi intitulé : « vote d’un mandat au secrétaire du CCE pour ester en justice pour entrave ».

13. En l’état de ces seules énonciations, la cour d’appel a justifié sa décision.

14. En effet, si l’article L. 2327-14 du code du travail, dans sa rédaction alors applicable, prévoyait que l’ordre du jour du comité central d’entreprise est communiqué aux membres huit jours au moins avant la séance, ce délai était édicté dans leur intérêt afin de leur permettre d’examiner les questions à l’ordre du jour et d’y réfléchir.

15. Or, il résulte du procès-verbal du comité du 1er octobre 2015, dont la Cour de cassation a le contrôle, que la modification de l’ordre du jour a été adoptée à l’unanimité des membres présents, de sorte qu’il en résulte que ces derniers ont accepté, sans objection, de discuter de la question du mandat, manifestant ainsi avoir été avisés en temps utile.

(…)

PAR CES MOTIFS (…) : REJETTE (…)