La Cour d’appel de Paris vient de confirmer pour la seconde fois la requalification du statut d’un auto-entrepreneur en contrat de travail salarié, dans le contexte d’une plateforme collaborative (CA Paris, 10 janvier 2019). Il s’agit ici d’un chauffeur Uber pour lequel un lien de subordination a été constaté dans l’exécution pratique quotidienne de la relation avec la célèbre plateforme de mise en relation.

En effet les services de cette plateforme, loin de se limiter à une mise en relation entre un prestataire indépendant et des clients potentiels, imposent un véritable « service organisé » aux chauffeurs s’y inscrivant, et notamment orientent les appels et fixent les tarifs des transports. De plus ils contraignent les chauffeurs au respect de maintes consignes (accueil des clients, équipement des véhicules, présentation des services etc.), contrôlent le respect de ces consignes et … sanctionnent les récalcitrants.

Ce faisceau d’indice permet donc effectivement de retenir une prestation subordonnée. L’analyse factuelle, et la solution retenue, sont identiques à celles énoncées dans un arrêt du 13 décembre 2017 par la Cour d’appel de Paris concernant déjà une plateforme de transport automobile.

Cette décision fait écho à un arrêt de la Cour de cassation du 28 novembre 2018 requalifiant le contrat de prestation commerciale d’un livreur Take Eat Easy en contrat de travail. A cette occasion la Chambre sociale a signalé une prochaine question préjudicielle à la Cour de Justice de l’Union Européenne, en vue de voir valider cette analyse au niveau communautaire.

Malheureusement pour les plateformes de mise en relation de prestations de service, dont le modèle économique est pourtant plébiscité à la fois par les consommateurs et les micro-entrepreneurs indépendants, il semble que ce type de contentieux soit de nature à remettre en cause leur développement sur le territoire européen. Or justement là n’est pas, apparemment, l’objectif de ce courant judiciaire, alors même que le Législateur a récemment encadré les activités de ces sites collaboratifs, tant en ce qui concerne les consommateurs que les prestataires.

Ainsi les articles L. 7341-1 et suivants du Code du travail règlementent-ils le contrat de prestation de service indépendant conclu entre la plateforme et l’entrepreneur, en écartant en principe tout lien de subordination ! Il ne faut trouver aucune incongruité à ce cadre posé pourtant par la règlementation sociale, si nous lisons bien les décisions judiciaires susvisées.

En effet comme pour tout contrat de prestation de service à titre onéreux, dans l’hypothèse où le donneur d’ordre exerce en pratique une autorité manifeste sur le prestataire, la requalification en contrat de travail est encourue. La prestation doit donc rester indépendante, au mieux des intérêts bien compris des prestataires et de leurs clients : à défaut, la plateforme abusant de sa position économique devra assumer les conséquences d’une relation de travail salariée.