Le décret n° 2020-1066 du 17 août 2020 augmente le taux de ressort du Conseil de Prud’hommes, pour toute action introduite à compter du 1er septembre prochain. Désormais, dès lors que les demandes financières seront inférieures à 5 000 EUR, le jugement au fond ne pourra faire l’objet que d’un pourvoi en cassation, et non d’un appel.

La question est cruciale en terme de stratégie contentieuse, puisque la Cour de cassation ne peut statuer qu’en Droit, le Juge du fond étant souverain quant à l’appréciation des faits. Pour ainsi dire, la Cour de cassation ne juge pas le dossier, elle corrige si nécessaire l’erreur contenue dans la décision judiciaire déférée.

Ainsi un jugement rendu en dernier ressort, et donc insusceptible d’appel, ne pourra être contesté que si une erreur de Droit, ou la dénaturation d’une pièce versée aux débats, ou encore l’oubli d’un moyen développé par une partie, le caractérisent. L’augmentation du taux de ressort doit mécaniquement avoir comme effet, une diminution des contentieux sociaux, et ce alors même qu’ils ont été réduits de 50 % en une dizaine d’années.

Il ne faut toutefois pas exagérer ce point de réforme. En effet le taux de ressort passe de 4 000 EUR à 5 000 EUR, et il ne s’agit finalement que d’une évolution naturelle de cet indice.

Même si le barème d’indemnisation du licenciement abusif limite efficacement l’inflation des demandes, cette augmentation de 1 000 EUR n’est donc pas de nature à restreindre le contentieux sur ce point. Il suffira d’ailleurs de former une demande (même risquée…) de dommages-intérêts pour rupture vexatoire, par exemple, et le jugement sera rendu en premier ressort…

Mais surtout le jugement est susceptible d’appel dès lors qu’il tranche une demande indéterminée. Ainsi en est-il notamment de la requalification du CDD en CDI, de la reconnaissance d’un harcèlement moral, de la nullité d’un forfait en jours etc.

Et bien entendu il en est de même pour la reconnaissance du caractère abusif du licenciement, dont découlent certes les demandes indemnitaires en question, mais qui constituent techniquement des demandes distinctes. C’est ce que rappelle l’arrêt ci-dessous reproduit par extrait, dans une hypothèse où le justiciable a par erreur saisi la Cour de cassation.

Cour de cassation, chambre sociale, 8 juillet 2020 (pourvoi n° 18-25.370, publié au bulletin)
(…)

la chambre sociale de la Cour de cassation, composée, en application des articles R. 431-7 et L. 431-3, alinéa 2, du code de l’organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ;

Recevabilité du pourvoi examinée d’office

Vu les articles 40 et 605 du code de procédure civile :

1. Après avis donné aux parties en application de l’article 1015 du code de procédure civile, il est fait application des textes susvisés.

2. Selon le premier de ces textes, le jugement qui statue sur une demande indéterminée est, sauf disposition contraire, susceptible d’appel. Selon le second, le pourvoi en cassation n’est ouvert qu’à l’encontre des jugements rendus en dernier ressort.

3. M. P… et Mme L… se sont pourvus en cassation contre un jugement statuant sur des demandes dont l’une, qui tendait à voir constater que le licenciement était abusif, présentait un caractère indéterminé.

4. En conséquence, le pourvoi formé contre ce jugement susceptible d’appel et exactement qualifié en premier ressort, est irrecevable.

PAR CES MOTIFS, la Cour : DÉCLARE IRRECEVABLE le pourvoi (…)