La procédure prud’homale est originale, et déroge par bien des aspects aux règles de Droit commun de la procédure civile. Ainsi notamment les parties peuvent y être représentées, même devant la Cour d’appel, par un défenseur syndical : il s’agit d’un mandat donné par une organisation syndicale, patronale ou salariée, à un représentant ensuite désigné à cette fonction par l’autorité préfectorale.
Le défenseur syndical n’est pas avocat, mais la poursuite du contentieux en cause d’appel suit une procédure avec représentation obligatoire. Il a donc fallu spécialement adapter la procédure civile de Droit commun à cette faculté laissée aux parties au procès.
Ainsi le défenseur syndical est-il autorisé à formaliser par envoi postal tous les actes de la procédure devant la Cour d’appel (déclaration d’appel, constitution, communication de conclusions et pièces, incidents etc.). L’avocat quant lui est tenu d’utiliser la voie dématérialisée, laquelle se révèle plus complexe à l’usage (même si elle présente le confort de l’outil internet).
Bien entendu en cas de difficulté à utiliser la voie dématérialisée, l’avocat a la possibilité de notifier les actes par voie postale ou par support papier remis en main propre à la juridiction. Mais il lui faut alors justifier d’une cause étrangère rendant impossible la transmission électronique.
Or il supporte seul la preuve de cette cause étrangère, laquelle est alors souverainement appréciée par le Juge : et ce dernier peut prononcer l’irrecevabilité de l’appel, s’il ne se satisfait pas des justifications fournies par l’avocat. La Cour de cassation vient toutefois limiter sur ce point la sévérité de ce dispositif, dans l’arrêt ci-dessous reproduit.
Ainsi en premier lieu la cause étrangère peut résulter de la mauvaise configuration par la Chancellerie, de la plateforme dématérialisée imposée aux avocats (par exemple, qui ne supporte pas certains fichiers volumineux). Et en second lieu la preuve de cette difficulté peut être rapportée par tout moyen, le Juge n’étant pas autorisé à qualifier les éléments soumis à son appréciation.
COUR DE CASSATION, 2ème Chambre civile, 11 décembre 2025 (pourvoi n° 23-13.057, publié au Bulletin)
(…)
Faits et procédure
1. Selon l’arrêt attaqué (Nancy, 3 février 2023), M. [S] (l’employeur) a relevé appel du jugement rendu le 24 juin 2022 par un conseil de prud’hommes dans le litige l’opposant à son ancienne salariée, Mme [H] (la salariée).
2. Saisi d’un incident d’irrecevabilité de la déclaration d’appel, un conseiller de la mise en état a déclaré l’appel irrecevable, par une ordonnance du 13 octobre 2022 que l’employeur a déférée à une cour d’appel.
(…)
3. L’employeur fait grief à l’arrêt de déclarer l’appel irrecevable et de constater en conséquence l’extinction de l’action, alors :
« 1°/ que la preuve de la cause étrangère visée par l’article 930-1 du code de procédure civile n’est soumise à aucun régime particulier et peut être établie par tout moyen ; qu’en retenant que seule la copie du message original indiquant que le fichier de déclaration d’appel était trop volumineux lors de sa transmission initiale, que ce soit sous forme de photographie de l’écran, de copie d’écran ou d’impression, aurait été susceptible de démontrer l’impossibilité matérielle d’utiliser le RPVA pour procéder à la déclaration d’appel, quand la preuve de la cause étrangère ayant rendu impossible la transmission de la déclaration d’appel par voie électronique pouvait être rapportée par tout moyen, la cour d’appel a violé l’article 1358 du code civil, ensemble l’article 930-1 du code de procédure civile ;
3°/ qu’aucune disposition n’impose aux parties de limiter la taille de leurs envois à la juridiction lorsqu’elles lui remettent des actes de procédure par voie électronique ; qu’en retenant que « le volume d’un fichier contenant un même document peut [
] varier selon la technique de numérisation utilisée » et qu’ « à cet égard, le conseil de la salariée apport[ait] la preuve qu’il [était] parvenu à transmettre par RPVA le même jugement que celui ayant fait l’objet d’une tentative de transmission en présence de l’huissier », la cour d’appel a statué par des motifs impropres à exclure l’existence d’une cause étrangère ayant rendu impossible la transmission de la déclaration d’appel par voie électronique et a violé l’article 930-1 du code de procédure civile. »
Réponse de la Cour
Vu l’article 930-1 du code de procédure civile :
4. Il résulte de ce texte que si, dans la procédure avec représentation obligatoire devant la cour d’appel, les actes de procédure sont remis à la juridiction par voie électronique, l’irrecevabilité sanctionnant cette obligation est écartée lorsqu’un acte ne peut être transmis par voie électronique pour une cause étrangère à celui qui l’accomplit, l’acte étant en ce cas remis au greffe sur support papier.
5. Pour écarter l’existence d’une cause étrangère et déclarer l’appel irrecevable, l’arrêt, après avoir constaté que l’appelant n’a pas adressé sa déclaration d’appel par voie électronique mais par lettre recommandée, relève qu’il ne produit pas le message l’informant du volume trop important de la pièce qu’il tentait d’envoyer, et pour y suppléer, produit un constat d’huissier de justice qui ne permet pas de s’assurer que l’appelant a tenté d’envoyer le document en cause.
6. Il retient ensuite que seule la copie du message original indiquant que le fichier de déclaration d’appel était trop volumineux lors de sa transmission initiale, que ce soit sous forme de photographie de l’écran, de copie d’écran ou d’impression, aurait été susceptible de démontrer l’impossibilité matérielle d’utiliser le réseau privé virtuel d’avocat pour procéder à la déclaration d’appel et de prouver qu’il y a bien eu une tentative d’envoi par voie électronique.
7. En statuant ainsi, alors qu’aucune disposition n’impose aux parties de limiter la taille de leurs envois à la juridiction, lorsqu’elles lui remettent des actes de procédure par voie électronique et que la preuve de la cause étrangère visée par l’article 930-1 du code de procédure civile peut être établie par tout moyen, la cour d’appel a violé les textes susvisés.
PAR CES MOTIFS (…) : CASSE ET ANNULE (…)
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