La dissimulation de salarié ou d’activité, comme toute infraction en matière d’emploi, est très sévèrement sanctionnée par la règlementation sociale, tant sur le plan pénal que sur le plan civil. De lourdes peines d’emprisonnement et d’amende sont ainsi accompagnées acessoirement de diverses interdictions (accès aux marchés publics, aux aides publiques à l’emploi, à l’épargne publique etc.), ou de sanctions administratives (liste des entreprises condamnées par ex.).
Sur le plan civil, au-delà de la protection des salariés victimes de cet emploi clandestin, plusieurs mesures peuvent être décidées, notamment par les organismes sociaux et l’administration fiscale. Et sur ce point le Législateur a pu se montrer original : ainsi le salarié clandestin ayant délibérément participé à la dissimulation (et qui ne peut être poursuivi ni comme co-auteur ni comme complice…) pourra-t-il être financièrement sanctionné par la Caisse collectrice.
De même le maître d’oeuvre, ou l’entreprise donneuse d’ordre comme dans l’hypothèse ci-dessous illustrée par l’arrêt de la Cour de cassation reproduit, seront-ils tenus solidairement au paiement des charges sociales et impôts dûs par l’entreprise ou le sous-traitant ayant commis un délit de dissimulation (art. L.8222-2 Co. trav.). Cette solidarité peut être décidée si ce co-contractant n’a pas procédé aux vérifications légales imposées au-delà d’un seuil fixé par décret : aujourd’hui 5 000,00 EUR HT.
Cette sanction ne peut toutefois être prononcée contre le co-contractant qu’à la condition que les formalités posées par l’article R.243-59 du Code de la sécurité sociale, dans le cadre du contrôle des cotisations et contributions, aient été respectées par l’agent en charge du recouvrement. Ainsi la lettre d’observations doit-elle contenir les mentions règlementaires, comme ici la ventilation annuelle des sommes redressées (aujourd’hui cette contrainte est plus légère pour l’URSSAF ou la MSA).
Cour de cassation, 2ème ch. civ., 13 février 2020 (pourvoi n° 19-11.645, publié au Bulletin)
(…)
Vu les articles L. 8222-1, L. 8222-2 du code du travail et R. 243-59 du code de la sécurité sociale, ce dernier dans sa rédaction applicable au litige ;
Attendu que la lettre d’observations
prévue par le troisième de ces textes doit, pour assurer le caractère
contradictoire du contrôle et la garantie des droits de la défense à
l’égard du donneur d’ordre dont la solidarité financière est recherchée,
préciser année par année le montant des sommes dues ;
Attendu, selon l’arrêt attaqué, que
l’URSSAF d’Auvergne (l’URSSAF) a adressé à la société Maison et jardin
(la société), le 28 février 2012, une lettre d’observations en vue de la
mise en oeuvre de la solidarité financière prévue aux articles L.
8222-1 et suivants du code du travail, aux fins de recouvrement des
cotisations et contributions sociales dues, pour les années 2009 à 2011,
par la société Vatan construction, entreprise sous-traitante, qui
faisait l’objet de poursuites pour travail dissimulé par dissimulation
d’emploi salarié, puis, le 4 décembre suivant, une mise en demeure de
payer les cotisations et majorations de retard dues sur la période
considérée ; que la société a saisi d’un recours une juridiction de
sécurité sociale ;
Attendu que, pour dire que la lettre
d’observations répond aux exigences découlant de l’article R. 243-59 du
code de la sécurité sociale pour la mise en oeuvre de la solidarité
financière, l’arrêt retient que ce document, après avoir rappelé les
règles applicables et mentionné le montant global des cotisations dues
par le sous-traitant, énonce que les cotisations mises à la charge de la
société correspondent à la valeur des prestations effectuées pour son
compte par le sous-traitant ; que la décision ajoute que, si cette
lettre fait état d’une somme globale de cotisations et contributions
sociales, sans ventilation année par année, d’une part, cette omission
n’a pas mis la société dans l’impossibilité d’y répondre, d’autre part,
la lettre de mise en demeure subséquente a précisé les périodes
concernées, ainsi que les sommes dues au titre, respectivement, des
cotisations et des majorations ;
Qu’en statuant ainsi, alors qu’elle
relevait que la lettre d’observations ne précisait pas le montant des
sommes dues année par année, la cour d’appel, qui n’a pas tiré les
conséquences légales de ses constatations, a violé les textes susvisés ;
Et vu les articles L. 411-3 du code de l’organisation judiciaire et 627 du code de procédure civile, après avis donné aux parties en application de l’article 1015 du code de procédure civile ;
PAR CES MOTIFS (…) : CASSE ET ANNULE (…)
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