La procédure de reconnaissance d’une maladie professionnelle est des plus complexes, et peut difficilement sans assistance être mise en oeuvre par l’assujetti. De même la procédure judiciaire diligentée par l’employeur, qui conteste une telle reconnaissance concernant l’un des salariés de l’entreprise, est empreinte de subtilités : toutefois il peut user des chicanes que réserve le Code de la sécurité sociale au demandeur.

Ainsi principalement, si le salarié est atteint d’une affliction médicale expressément visée par un tableau règlementaire, et qui impose de justifier généralement d’une ancienneté (durée d’incubation) minimale dans un secteur d’activité donné, la reconnaissance de la maladie professionnelle est présumée. Pour échapper aux conséquences de cette qualification du risque professionnel, il faudrait démontrer un lien non-professionnel exclusif : la tâche est presque impossible en pratique.

Par ailleurs pour les maladies hors-tableau, ou encore si les conditions prévues au tableau (ancienneté notamment) ne sont pas remplies, le salarié a la possibilité de demander la reconnaissance d’une maladie professionnelle en démontrant l’existence d’au moins un lien professionnel avec l’affliction médicale. Dans cette hypothèse la Caisse prend sa décision conformément à l’avis d’un Comité technique régional : à défaut sa décision serait entachée de nullité.

Or si l’assujetti met en oeuvre la première procédure, il ne peut critiquer la Caisse de ne pas avoir saisi le Comité technique régional. Cette solution vaut, ainsi que le rappelle la Cour de cassation dans l’arrêt reproduit ci-dessous, y compris s’il apparaît que les conditions requises par le tableau règlementaire ne sont pas remplies, ou encore que le l’assujetti s’est trompé en confondant les diagnostics médicaux.

Dans ce cas, la Caisse ne peut que rejeter la demande. Reste au salarié la possibilité de diligenter une nouvelle demande de reconnaissance en suivant la seconde voie, bien entendu si le délai de prescription n’est pas expiré.

Cour de cassation, 2ème Chambre civile, 26 novembre 2020 (pourvoi n° 19-18.584, publié au Bulletin)

1. Selon l’arrêt attaqué (Rouen, 27 mars 2019), M. X… (la victime) a adressé à la caisse primaire d’assurance maladie de Rouen-Elbeuf-Dieppe Seine-Maritime (la caisse), le 2 février 2016, une déclaration de maladie professionnelle, accompagnée d’un certificat médical initial du 26 janvier 2016 faisant état d’une « exposition à l’amiante de plus de 30 ans. Dyspnée d’effort avec au scanner thoracique un nodule sous-pleural » et visant le tableau n° 30 des maladies professionnelles.

2. La caisse ayant refusé de prendre en charge cette affection au titre de la législation professionnelle, au motif que les nodules et l’adénopathie n’étaient pas inscrits au tableau n° 30, M. X… a saisi d’un recours une juridiction de sécurité sociale.

Examen des moyens

Sur les deux moyens réunis

Enoncé du moyen

3. La victime fait grief à l’arrêt de la débouter de ses demandes, alors :

«  1°. que l’organisme social doit instruire la demande de prise en charge d’une maladie professionnelle sans être tenu par le tableau visé par la déclaration ; que, si l’enquête fait apparaître que la maladie médicalement constatée n’est pas désignée dans le tableau visé par la déclaration, la caisse ne peut décider de son origine professionnelle qu’après l’avis motivé d’un comité régional de reconnaissance des maladies professionnelles et l’évaluation de l’incapacité permanente de la victime ; que, le tribunal des affaires de sécurité sociale avait justement retenu « que le médecin conseil a indiqué, à juste titre, que la pathologie déclarée ne ressortait pas du tableau 30 mais qu’il n’en demeure pas moins qu’il existe une déclaration de maladie professionnelle que la caisse se devait d’instruire et qu’en l’absence d’inscription de cette pathologie à un tableau la caisse doit d’instruire le dossier au regard des alinéas quatre et cinq de l’article L 461-1 du code de la sécurité sociale, qu’il appartenait donc à la caisse de saisir un comité de régional de reconnaissance des maladies professionnelles dans le délai de trois mois de la déclaration sauf à notifier la nécessité d’un délai complémentaire ce qu’elle n’a pas fait » ; que, pour infirmer ce jugement, la cour d’appel retient que la victime « n’ayant pas soumis de demande à la caisse au titre d’une maladie hors tableau, aucun différend ne l’opposait à cet organisme sur la reconnaissance de l’origine professionnelle de la maladie dans les conditions prévues au quatrième alinéa de l’article L. 461-1 du code de la sécurité sociale – il en résulte que la caisse n’était pas tenue de faire estimer l’incapacité permanente de l’assuré par son service médical et de saisir, le cas échéant, un CRRMP, la maladie déclarée par la victime ne figurant pas dans le tableau n° 30, c’est à juste titre que la caisse a refusé sa prise en charge » ; qu’en estimant que la caisse devait instruire la demande de prise en charge de la maladie professionnelle uniquement au regard du tableau visé par la déclaration, la cour d’appel a violé l’article L. 461-1 du code de la sécurité sociale ;

2°. que dans ses conclusions, l’assuré social faisait valoir « qu’à tout le moins, la victime est bien fondée à solliciter de la juridiction qu’elle enjoigne à la CPAM la saisine d’un CRRMP afin qu’il se prononce sur le lien essentiel et direct entre la maladie et le travail » ; qu’en s’abstenant de répondre à ce moyen des écritures, la cour d’appel a violé l’article 455 du code de procédure civile. »

Réponse de la Cour

4. Dès lors que la demande de la victime se réfère à un tableau de maladies professionnelles, l’organisme social n’est pas tenu, en cas de refus de prise en charge, d’instruire cette demande selon les règles applicables à la reconnaissance du caractère professionnel des maladies non désignées dans un tableau.

5. L’arrêt relève que la maladie déclarée par la victime ne figurait pas au tableau n° 30, dont elle invoquait exclusivement le bénéfice.

6. De ces constatations, la cour d’appel, qui n’avait pas à répondre à un moyen que celles-ci rendaient inopérant, a exactement déduit que la caisse n’était pas tenue de saisir un comité régional de reconnaissance des maladies professionnelles.

7. Le moyen n’est, dès lors, pas fondé.

PAR CES MOTIFS (…) : REJETTE (…)