Le principe d’égalité Femmes-Hommes impose certaines dispositions forcées, et le Code du travail accueille nombre de ces mesures. Les relations collectives de travail en sont un exemple, et notamment lors des élections professionnelles.
A l’image des élections politiques, le scrutin social est par exemple ainsi soumis à un principe de parité des candidatures au premier tour ; la jurisprudence exonère de cette contrainte les listes de candidats non-syndiqués… Ces listes syndicales doivent donc faire alterner un candidat et une candidate, selon l’importance démographique de chaque genre au sein du collège considéré, dans l’entreprise ou l’établissement considéré.
Il s’agit de conduire les syndicats de salariés, seuls autorisés à présenter des candidats dès le premier tour des élections professionnelles, à respecter la parité en fonction de celle représentée sur le territoire social. Cette parité est donc arrêtée en fonction des listes électorales, composées des salariés de l’entreprise (et certains mis à sa disposition) en fonction de plusieurs conditions réunies à la date du premier tour.
L’arrêt ci-dessous reproduit souligne l’importance de cette mesure, au regard des lourdes conséquences de la sanction qui y est associée. Il rappelle d’abord que le protocole préélectoral fixe définitivement les modalités pratiques du vote, ainsi que les collèges électoraux : la date d’élaboration et d’affichage des listes électorales, mentionnées dans le protocole, sont donc opposables aux salariés, à l’employeur et à ses partenaires sociaux.
Les effectifs de l’entreprise, calculés en vue d’établir ces listes électorales, sont donc définitivement arrêtés à cette date, et ce quelle que soit leur évolution postérieurement. Ils sont donc la référence unique pour fixer la parité des candidatures.
Ne pas respecter cette exigence de la parité dans la liste de candidats présentée, en fonction de cette référence, entraîne la nullité de leur élection. En fonction des règles régissant les élections partielles, l’on pourra ou pas présenter à nouveau ces candidats ; à défaut le Comité Social et Economique fonctionnera sans eux jusqu’au terme des mandats.
Cour de cassation, Chambre sociale, 12 mai 2021 (pourvoi n° 20-60.118, publié au Bulletin)
(…)
I. Selon le jugement attaqué (tribunal judiciaire de Rouen, 31 janvier 2020), un protocole préélectoral a été signé le 2 mai 2019 en vue des élections des membres du comité social et économique de la société Castorama Barentin prévues les 4 et 18 octobre 2019. Le protocole mentionnait « titre indicatif » pour le premier collège la présence dans les effectifs arrêtés au 31 janvier 2019 de 43,40 hommes et 40,90 femmes, mais précisait que les effectifs servant l’organisation des élections arrêtés la date du 30 juin 2019 seraient communiqués aux organisations syndicales ayant participé la négociation du protocole. Le 9 septembre 2019, les listes électorales affichées comportaient pour le premier collège 44 femmes et 43 hommes, soit, pour cinq sièges pourvoir, la nécessité de présenter sur les listes trois femmes et deux hommes. Le syndicat CGT commerce distribution services (le syndicat CGT) a présenté lors du premier puis lors du second tour des élections une liste comportant deux hommes et une femme, tant au titre des titulaires que des suppléants. A l’issue du second tour, M. Z… et M. P…, en première position respectivement sur la liste CGT des titulaires et des suppléants, ont été élus.
II. Par requête en date du 24 octobre 2019, MM. Y… et X…, salariés de la société Castorama, ont saisi le tribunal d’une demande d’annulation de l’élection des deux élus de la liste CGT pour non-respect de la règle relative la représentation équilibrée des hommes et des femmes sur les listes électorales.
Examen du moyen
Énoncé du moyen
III. Le syndicat CGT fait grief au jugement d’annuler l’élection de MM. Z… et P…, alors :
« 1° / qu’en retenant que l’employeur pouvait décider d’arrêter la proportion des hommes et des femmes au sein de chaque collège à la date du 6 septembre sauf avis contraire de la majorité des organisations syndicales, le tribunal a violé les articles L. 2314-13 et L. 2314-21 du code du travail.
2°/ qu’en retenant que la CGT ne pouvait pas valablement se fonder sur la liste établie le 26 septembre 2019 qui est postérieure à la date limite de dépôt des candidatures dès lors que le protocole préélectoral stipulait clairement que “les listes d’électeurs sont établies pour les deux tours” et ne prévoyait aucune modification de la proportion hommes femmes en cas d’éventuelle modification de la liste devant être arrêtée définitivement au 30 septembre 2019, le tribunal s’est contredit et a violé l’article L. 2314-30 du code du travail. »
Réponse de la Cour
IV. En vertu de l’article L. 2314-30 du code du travail, pour chaque collège électoral, les listes mentionnées l’article L. 2314-29 qui comportent plusieurs candidats sont composées d’un nombre de femmes et d’hommes correspondant la part de femmes et d’hommes inscrits sur la liste électorale. Les listes sont composées alternativement d’un candidat de chaque sexe jusqu’ épuisement des candidats d’un des sexes.
V. L’article L. 2314-13 du code du travail précise en ses deux premiers alinéas que la répartition des sièges entre les différentes catégories de personnel et la répartition du personnel dans les collèges électoraux font l’objet d’un accord entre l’employeur et les organisations syndicales conclu selon les conditions de l’article L. 2314-6. Cet accord mentionne la proportion de femmes et d’hommes composant chaque collège électoral. L’article L. 2314-31 énonce que, d s qu’un accord ou une décision de l’autorité administrative ou de l’employeur sur la répartition du personnel est intervenu, l’employeur porte la connaissance des salariés, par tout moyen permettant de donner une date certaine cette information, la proportion de femmes et d’hommes composant chaque collège électoral.
VI. Il résulte de ces textes que la proportion de femmes et d’hommes composant chaque collège électoral doit figurer dans le protocole préélectoral en fonction des effectifs connus lors de la négociation du protocole. A défaut, elle est fixée par l’employeur en fonction de la composition du corps électoral existant au moment de l’établissement de la liste électorale, sous le contrôle des organisations syndicales.
VII. En l’espèce, le tribunal a relevé que le protocole préélectoral signé le 2 mai 2019 renvoyait expressément, s’agissant de la proportion des femmes et des hommes pour l’établissement des listes de candidatures la liste électorale telle qu’elle devait être établie, sous le contrôle des organisations syndicales ayant négocié le protocole, en fonction des effectifs de l’entreprise arrêté au 30 juin 2019. Ayant constaté qu’au regard de cette liste électorale portée la connaissance des organisations syndicales le 12 septembre 2019 sans contestation de leur part, les listes de candidatures devaient comprendre, pour cinq postes pourvoir, trois femmes et deux hommes, et que la liste présentée par le syndicat CGT tant pour les sièges de titulaires que pour les sièges de suppléants, comportait deux hommes et une femme, le tribunal a, bon droit, dit que, peu important les modifications de la liste électorale intervenues postérieurement, il y avait lieu annulation de l’élection de l’élu titulaire et de l’élu suppléant.
VIII. Le moyen n’est donc pas fondé.
PAR CES MOTIFS (…) : REJETTE (…)
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