Le forfait en jours est une modalité d’organisation des missions d’un salarié autonome, qui l’affranchit des contraintes posées par la règlementation sociale relative au temps de travail, exprimée en heures. Il est notamment exclu pour l’entreprise employeur, de diriger ce personnel autrement que par la fixation d’objectifs ou de fonctions globales, sans pouvoir par exemple lui imposer un nombre d’heures minimal par journée ou demi-journée.

Bien entendu cet aménagement du temps de travail impose que soit particulièrement pris en compte le risque d’épuisement au travail : en effet ce salarié qui ne profite que des temps de repos, pourrait être amené à réaliser entre 78 heures (repos quotidien de 11 heures consécutives) et 90 heures (repos quotidien de 9 heures consécutives) de travail par semaine. Le Code du travail impose donc une protection spécifique de ce personnel.

Ainsi une convention de forfait doit-elle être individuellement formalisée, comprenant des mesures organisant la mesure de la charge de travail, les alertes que le salarié peut déclencher, la surveillance de ses périodes d’activité etc. Un accord ou une convention collective peuvent aussi organiser ce contrôle.

Dans l’hypothèse où effectivement le statut conventionnel applicable à l’entreprise, impose un régime spécifique du forfait en jours, le simple renvoi à ce statut collectif par le contrat individuel de forfait est conforme aux exigences légales. C’est ce que rappelle la Cour de cassation dans l’arrêt ci-dessous reproduit, dans une espèce antérieure à la réforme de septembre 2017, qui a abrogé l’exigence d’un accord collectif préalable : la solution reste toutefois pleinement applicable aujourd’hui, dans le cas où un tel accord collectif existe.

COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, 4 NOVEMBRE 2021 (pourvoi n° 20-14.876, inédit)

La société Amphenol FCI Besançon, société anonyme, dont le siège est [Adresse 1], anciennement dénommée FCI Besançon, a formé le pourvoi n° G 20-14.876 contre l’arrêt rendu le 21 janvier 2020 par la cour d’appel de Besançon (chambre sociale), dans le litige l’opposant à Mme [L] [M], domiciliée [Adresse 2], défenderesse à la cassation.
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Faits et procédure

1. Selon l’arrêt attaqué (Besançon, 21 janvier 2020), Mme [M] a été engagée le 1er septembre 2014 par la société Amphenol FCI Besançon, anciennement dénommée FCI Besançon, en qualité d’ingénieur produit, statut cadre. Le contrat de travail contenait une convention de forfait en jours telle que prévue à l’accord sur l’organisation du travail du 28 juillet 1998 conclu dans la branche de la métallurgie.

2. Les parties ont conclu une rupture conventionnelle du contrat de travail à effet au 30 juin 2017.

3. Estimant ne pas avoir été remplie de ses droits à rappels de salaires, la salariée a saisi la juridiction prud’homale de diverses demandes.
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Enoncé du moyen

5. L’employeur fait grief à l’arrêt de dire que la clause de forfait en jours insérée au contrat de travail de la salariée est nulle, de le condamner à lui payer diverses sommes au titre des heures supplémentaires, outre les congés payés afférents, et au titre de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi que de le condamner aux dépens de la procédure de première instance et d’appel, alors « que sous l’empire des dispositions de la loi du 20 août 2008 applicables en l’espèce, la validité des conventions individuelles de forfait en jours sur l’année était subordonnée, d’une part, à la conclusion d’un écrit constatant l’accord du salarié, d’autre part, à l’existence d’un accord collectif préalable déterminant les catégories de salariés concernés, la durée annuelle du travail à partir de laquelle le forfait est établi et les caractéristiques principales de ces conventions, dont les stipulations doivent garantir le respect des durées maximales de travail ainsi que des repos, journaliers et hebdomadaires ; qu’en l’espèce, le contrat de travail de Mme [M] précisait que :  » La durée du travail de la contractante est la suivante : 218 jours par an. Cette durée sera répartie conformément aux dispositions conventionnelles applicables au sein de la société « , contenant ainsi une convention individuelle de forfait écrite acceptée par la salariée, dont les garanties étaient fixées par l’accord national du 28 juillet 1998 étendu sur l’organisation du travail dans la métallurgie applicable, auquel il était par ailleurs renvoyé ; qu’en jugeant que la convention de forfait était nulle faute de prévoir elle-même les modalités de décompte des jours travaillés et des absences, ainsi que les conditions de prise des repos et les modalités de surveillance de la charge de travail du salarié concerné, la cour d’appel a violé les articles L. 3121-39 et L. 3121-40 du code du travail dans leur rédaction applicable en la cause. »

Réponse de la Cour

Vu les articles L. 3121-39 et L. 3121-40 du code du travail, dans leur rédaction issue de la loi n° 2008-789 du 20 août 2008 :

6. Aux termes du premier de ces textes, la conclusion de conventions individuelles de forfait, en heures ou en jours, sur l’année est prévue par un accord collectif d’entreprise ou d’établissement ou, à défaut, par une convention ou un accord de branche. Cet accord collectif préalable détermine les catégories de salariés susceptibles de conclure une convention individuelle de forfait, ainsi que la durée annuelle du travail à partir de laquelle le forfait est établi, et fixe les caractéristiques principales de ces conventions.

7. Aux termes du second texte, la conclusion d’une convention individuelle de forfait requiert l’accord du salarié. La convention est établie par écrit.

8. Il en résulte qu’une convention individuelle de forfait en jours doit être prévue par un accord collectif préalable dont les stipulations assurent la garantie du respect des durées maximales de travail ainsi que des repos, journaliers et hebdomadaires, et doit être passée par écrit et fixer le nombre de jours travaillés.

9. Pour dire que la clause de forfait en jours insérée au contrat de travail de la salariée était nulle, l’arrêt retient que la convention doit être établie par écrit et le simple renvoi par la convention individuelle à l’accord collectif instituant le forfait en jours n’est pas suffisant, qu’en l’espèce, la clause est rédigée ainsi qu’il suit : «La durée du travail de la contractante est la suivante : 218 jours par an. Cette durée sera répartie conformément aux dispositions conventionnelles applicables au sein de la société». Il ajoute que la convention individuelle de forfait doit prévoir le nombre exact de jours travaillés, les modalités de décompte de ces jours et des absences, ainsi que les conditions de prise des repos et les modalités de surveillance de la charge de travail du salarié concerné.

10. En statuant ainsi, la cour d’appel, qui a ajouté des conditions que la loi ne prévoit pas, a violé les textes susvisés.

PAR CES MOTIFS (…) : CASSE ET ANNULE (…)