Au nom de la mise en conformité du Droit national avec le Droit européen, la Cour de cassation poursuit, à coup de revirements de jurisprudence, la construction de nouvelles règles encadrant la capitalisation comme la prise des congés payés. Cette réforme se fait le cas échéant, comme en l’espèce, au détriment des dispositions règlementaires.
Ainsi désormais il convient de considérer comme principe, que la durée de l’arrêt-maladie pendant les vacances du salarié, se déduit de celle des congés payés pris. Autrement dit, il faudra reporter les congés du salarié ultérieurement, si l’intéressé est malade pendant ses vacances.
Ci-dessous l’arrêt principalement reproduit.
COUR DE CASSATION, Chambre sociale, 10 septembre 2025 (pourvoi n° 23-22.732, publié au Bulletin)
Mme [F] [G], domiciliée [Adresse 1], a formé le pourvoi n° J 23-22.732 contre l’arrêt rendu le 15 mars 2023 par la cour d’appel de Paris (pôle 6, chambre 4), dans le litige l’opposant à l’association Gimac santé au travail, dont le siège est [Adresse 2], défenderesse à la cassation.
L’association Gimac santé au travail a formé un pourvoi incident contre le même arrêt.
(…)
Faits et procédure
1. Selon l’arrêt attaqué (Paris, 15 mars 2023), Mme [G] a été engagée en qualité de médecin du travail à compter du 9 janvier 1990 par l’association Gimac santé au travail.
2. Le 15 janvier 2002, les parties ont conclu un avenant au contrat de travail aux termes duquel il était convenu que la salariée travaillait à temps partiel les mardis, toute la journée, et les jeudis, le matin, et que les vacations complémentaires effectuées au-delà du temps de travail habituel de la salariée devaient s’imputer sur les congés scolaires pris au-delà de ses droits à congés.
3. Après avoir fait valoir ses droits à la retraite, la salariée a quitté ses fonctions le 31 décembre 2016.
4. Elle a saisi, le 9 mai 2017, la juridiction prud’homale de demandes au titre de l’exécution du contrat de travail.
(…)
5. L’employeur fait grief à l’arrêt de condamner la salariée au paiement d’une certaine somme au titre des congés payés rémunérés indûment, alors « que le salarié qui tombe malade au cours de ses congés payés ne peut exiger de prendre ultérieurement le congé dont il n’a pu bénéficier du fait de son arrêt de travail, l’employeur s’étant acquitté de son obligation à son égard ; qu’en jugeant qu’il convenait de déduire du décompte des jours de congés pris par Mme [G] ses jours d’arrêts maladie pendant qu’elle était en congés, la cour d’appel a violé les articles L. 3141-1 et suivants du code du travail. »
Réponse de la Cour
6. Aux termes de l’article L. 3141-3 du code du travail, le salarié a droit à un congé de deux jours et demi ouvrables par mois de travail effectif chez le même employeur.
7. La Cour de cassation a jugé que le salarié qui tombe malade au cours de ses congés payés ne peut exiger de prendre ultérieurement le congé dont il n’a pu bénéficier du fait de son arrêt de travail, l’employeur s’étant acquitté de son obligation à son égard (Soc., 4 décembre 1996, pourvoi n° 93-44.907, Bull. 1996, V, n° 420).
8. Toutefois, le droit au congé annuel payé constitue un principe essentiel du droit social de l’Union (CJUE, 6 novembre 2018, Stadt Wuppertal c/ Bauer, C-569/16 et Willmeroth c/ Broßonn, C-570/16, point 80).
9. La Cour de justice de l’Union européenne juge que la finalité du droit au congé annuel payé, qui est de permettre au travailleur de se reposer et de disposer d’une période de détente et de loisirs, diffère de celle du droit au congé de maladie, qui est accordé au travailleur afin qu’il puisse se rétablir d’une maladie (CJUE, 20 janvier 2009, Schultz-Hoff e.a., C-350/06 et C-520/06, point 25, CJUE, 10 septembre 2009, Perada, C-277/08, point 21).
10. Par arrêt du 21 juin 2012, la Cour de justice a dit pour droit : l’article 7, paragraphe 1, de la directive 2003/88/CE du Parlement européen et du Conseil, du 4 novembre 2003, concernant certains aspects de l’aménagement du temps de travail, doit être interprété en ce sens qu’il s’oppose à des dispositions nationales prévoyant qu’un travailleur, en incapacité de travail survenue durant la période de congé annuel payé, n’a pas le droit de bénéficier ultérieurement dudit congé annuel coïncidant avec la période d’incapacité de travail (CJUE, 21 juin 2012 Asociación Nacional de Grandes Empresas de Distribución (ANGED), C-78/11).
11. Dès lors, il convient de juger désormais qu’il résulte de l’article L. 3141-3 du code du travail, interprété à la lumière de l’article 7, paragraphe 1, de la directive 2003/88/CE du Parlement européen et du Conseil, du 4 novembre 2003, concernant certains aspects de l’aménagement du temps de travail, que le salarié en situation d’arrêt de travail pour cause de maladie survenue durant la période de congé annuel payé a le droit de bénéficier ultérieurement des jours de congé payé coïncidant avec la période d’arrêt de travail pour maladie.
12. Il en résulte que c’est par une exacte application de la loi que la cour d’appel a retenu que la salariée, qui avait fait l’objet, durant ses périodes de congés payés, d’arrêts de travail pour cause de maladie notifiés à l’employeur, pouvait prétendre au report des jours de congé correspondants, qui ne pouvaient pas être imputés sur son solde de congés payés.
13. Le moyen n’est donc pas fondé.
(…)
PAR CES MOTIFS : CASSE ET ANNULE (…)
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