Le licenciement abusif, quel que soit l’abus (irrégularité de la procédure, illégitimité du motif, non-respect de l’ordre des licenciements économiques etc.), est sanctionné par les articles L.1235-1 et suivants du Code du travail. Il s’agit principalement en pratique d’une indemnisation à la charge de l’employeur, décomptée par la Loi en mois de salaire brut ; le « tunnel d’indemnisation » du licenciement sans cause réelle et sérieuse a d’ailleurs récemment fait l’objet de débats agités…
La nullité du licenciement quant à elle, permet au salarié d’imposer sa réintégration sur le poste de travail (avec rappel de salaire depuis l’éviction !), la rupture du contrat de travail étant rétroactivement détruite. Plusieurs cas de nullité sont restrictivement prévus par la règlementation sociale : on y trouve notamment le licenciement résultant d’une discrimination abusive, ou d’un harcèlement, ou encore par exemple celui marquant la violation d’une liberté fondamentale.
La procédure légale du licenciement économique, lorsqu’il s’agit d’un grand licenciement dans une grande entreprise (dix ruptures envisagées dans une entreprise de 50 salariés au moins), impose l’élaboration d’un plan de sauvegarde de l’emploi (PSE). Qu’il s’agisse d’un acte unilatéral de l’employeur, ou d’un accord collectif d’entreprise, le PSE doit être contrôlé par l’Administration du travail : il sera homologué ou validé (accord collectif), et ce n’est qu’ensuite que les mesures individuelles de licenciement pourront être formalisées par l’employeur.
Si le PSE n’est pas élaboré par l’entreprise employeur, ou si cette dernière licencie sans attendre la décision définitive de l’Administration, l’article L.1235-10 du Code du travail sanctionne la rupture par la nullité. De même si la décision administrative validant ou homologuant le PSE est par la suite annulée par le Juge, la nullité des licenciements prononcés peut être décidée, si cette annulation est due à l’insuffisance des mesures de reclassement et d’accompagnement prévues par l’employeur dans le cadre de ce PSE.
En revanche tout autre motif d’annulation du PSE empêche le Juge prud’homal de prononcer la nullité du licenciement : seule une indemnisation d’au minimum 6 mois de salaire brut peut être accordée au salarié, son licenciement étant abusif. C’est ce que prévoit l’article L.1235-16 du Code du travail, comme le rappelle la Cour de cassation dans l’arrêt ici éclairé.
Cour de cassation, Chambre sociale, 13 janvier 2021 (pourvoi n° 19-12.522, publié au bulletin)
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2. Selon les arrêts attaqués (Versailles, 8 novembre 2018), MM. X… et Y…, salariés de la société Pages jaunes, devenue la société Solocal, ont été licenciés pour motif économique dans le cadre d’un plan de sauvegarde de l’emploi contenu dans un accord collectif majoritaire signé le 20 novembre 2013 et validé par le directeur régional des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l’emploi d’Ile-de-France le 2 janvier 2014. Par arrêt du 22 octobre 2014, statuant sur le recours d’un autre salarié, une cour administrative d’appel a annulé cette décision de validation, au motif que l’accord du 20 novembre 2013 ne revêtait pas le caractère majoritaire requis par les dispositions de l’article L. 1233-24-1 du code du travail et le Conseil d’Etat a, le 22 juillet 2015, rejeté les pourvois formés contre cet arrêt.
3. Les salariés avaient saisi la juridiction prud’homale pour contester la validité et le caractère réel et sérieux de leur licenciement et obtenir, en outre, le paiement de sommes à titre de complément d’indemnité conventionnelle de licenciement et de rappel de salaire sur congé de reclassement.
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5. L’employeur fait grief aux arrêts de juger que le licenciement des salariés est nul et de le condamner à leur verser une indemnité au visa de l’article L. 1235-11 du code du travail, alors « qu’il résulte de la combinaison des articles L. 1235-10, L. 1235-11 et L. 1235-16 du code du travail que l’annulation de la décision de validation ou d’homologation produit des conséquences différentes selon le motif de cette annulation ; qu’en vertu des articles L. 1235-10 et L. 1235-11 du code du travail, l’annulation de la décision de validation ou d’homologation donne au salarié licencié un droit à réintégration ou au paiement d’une indemnité minimale de 12 mois de salaire uniquement lorsque cette annulation est motivée par l’absence ou l’insuffisance du plan de sauvegarde de l’emploi ; qu’en conséquence, lorsque l’annulation de la décision de validation est motivée par l’absence de caractère majoritaire de l’accord contenant le plan de sauvegarde de l’emploi, sans que le juge administratif ne mette en cause l’existence ou le contenu du plan de sauvegarde de l’emploi, elle donne au salarié le droit au paiement d’une indemnité minimale de six mois de salaire, en application de l’article L. 1235-16 du code du travail ; qu’en jugeant, en l’espèce, que l’annulation de la décision de validation en raison de l’absence de caractère majoritaire de l’accord ne constitue pas une irrégularité de forme, mais remet en cause l’existence même du plan, aux motifs tout aussi inopérants qu’erronés que la conclusion d’un accord majoritaire constitue une condition légale de formation du plan, qu’un accord minoritaire ne peut légalement organiser la rupture collective de contrats et que le plan ne peut être considéré comme un document unilatéral pour n’avoir pas été soumis au contrôle renforcé de l’administration, la cour d’appel a violé les articles L. 1235-10, L. 1235-11 et L. 1235-16 du code du travail. »
Réponse de la Cour
Vu les articles L. 1235-10, L. 1235-11 et L. 1235-16 du code du travail, dans leur version issue de la loi n° 2013-504 du 14 juin 2013 :
6. Selon les deux premiers de ces articles, est nul le licenciement intervenu en l’absence de toute décision relative à la validation de l’accord mentionné à l’article L. 1233-24-1 du code du travail ou à l’homologation du document élaboré par l’employeur mentionné à l’article L. 1233-24-4 ou alors qu’une décision négative a été rendue ainsi que le licenciement intervenu alors que la procédure de licenciement est nulle en cas d’annulation d’une décision ayant procédé à la validation ou à l’homologation en raison d’une absence ou d’une insuffisance de plan de sauvegarde de l’emploi. Selon le troisième de ces textes, l’annulation de la décision de validation ou d’homologation pour un motif autre que l’absence ou l’insuffisance du plan de sauvegarde de l’emploi donne lieu, sous réserve de l’accord des parties, à la réintégration du salarié dans l’entreprise, avec maintien de ses avantages acquis. A défaut, le salarié a droit à une indemnité à la charge de l’employeur, qui ne peut être inférieure aux salaires des six derniers mois.
7. Il en résulte que l’annulation par la juridiction administrative d’une décision ayant procédé à la validation de l’accord collectif déterminant le contenu du plan de sauvegarde de l’emploi au motif de l’erreur de droit commise par l’administration en validant un accord qui ne revêtait pas le caractère majoritaire requis par l’article L. 1233-24-1 du code du travail n’est pas de nature à entraîner la nullité de la procédure de licenciement collectif pour motif économique mais donne lieu à l’application des dispositions de l’article L. 1235-16 du même code.
8. Pour juger les licenciements nuls et octroyer aux salariés une indemnité au visa de l’article L. 1235-11 du code du travail, les arrêts retiennent que l’annulation de l’accord collectif en raison de son absence de caractère majoritaire équivaut à une absence d’accord et que dès lors le plan de sauvegarde de l’emploi qu’il instituait ne peut plus être juridiquement regardé comme existant au sens des dispositions de l’article L. 1233-24-1 du code du travail et ne peut plus recevoir application. Les arrêts ajoutent qu’il ne peut pas être regardé comme un document unilatéral de l’employeur puisqu’il n’a pas été soumis au contrôle renforcé de l’administration. Ils en concluent que l’accord collectif ayant été annulé pour un motif relevant des dispositions de l’article L. 1235-10, alinéa 2, du code du travail, ce sont donc exclusivement les dispositions de l’article L. 1235-11 qu’il convient d’appliquer.
9. En statuant ainsi, alors que le juge administratif avait annulé la décision de validation pour un motif ne reposant pas sur l’absence de plan de sauvegarde de l’emploi, la cour d’appel a violé les textes susvisés.
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PAR CES MOTIFS, (…) : CASSE ET ANNULE
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