Le fait de ne pas valoriser et porter un avantage en nature sur le bulletin de paie, et par suite de ne pas l’inclure dans la déclaration sociale nominative, évitant ainsi les charges socio-fiscales afférentes, constituent un travail dissimulé. L’arrêt ci-dessous reproduit illustre cette solution avec un logement de fonction, mais l’on rencontre plus fréquemement dans l’entreprise la mise à disposition d’un véhicule de fonction.
Ainsi lorsque le salarié est autorisé à conserver l’usage non-professionnel d’un véhicule de service, le soir ou le week-end, ou pendant ses congés, cet avantage constitue un élément de rémunération. Ne pas en opérer la déclaration ouvre un risque contentieux lourd de conséquence : le Juge prud’homal peut en effet condamner l’employeur, au terme d’une action judiciaire faisant suite à la rupture du contrat de travail, à l’indemnité forfaitaire de 6 mois de salaire brut, pour travail dissimulé.
Or la Cour de cassation déduit l’intention de dissimuler, du simple fait de mettre délibérément à disposition du salarié, un tel avantage en nature. Devant le Juge pénal, toutefois, l’intention délictuelle du prévenu devra être incontestablement rapportée.
COUR DE CASSATION, Chambre sociale, 4 décembre 2024 (pourvoi n° 23-14.259, publié au Bulletin)
La société Vivauto PL, société par actions simplifiée unipersonnelle, dont le siège est [Adresse 2], a formé le pourvoi n° Z 23-14.259 contre l’arrêt rendu le 2 février 2023 par la cour d’appel d’Aix-en-Provence (chambre 4-5), dans le litige l’opposant à M. [O] [N], domicilié [Adresse 3], défendeur à la cassation.
(…)
Faits et procédure
1. Selon l’arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 2 février 2023), M. [N] a été engagé en qualité de contrôleur technique des véhicules poids lourds, à compter du 1er février 2016, par la société Vivauto PL.
2. Le 13 avril 2018, le salarié a été licencié.
3. Le 23 novembre 2018, il a saisi la juridiction prud’homale en contestation de son licenciement et en paiement de diverses sommes au titre de l’exécution et de la rupture du contrat de travail.
Examen des moyens
(…)
5. L’employeur fait grief à l’arrêt de le condamner à payer au salarié une somme à titre d’indemnité pour travail dissimulé, alors :
« 1°/ que pour juger que la société Vivauto PL avait mis à la disposition de M. [N] un logement de fonction de manière gratuite, l’arrêt retient qu' »il est établi par les attestations précises et concordantes de [K] [S] et [Z] [X], qui emportent la conviction, que M. [N] était logé par son employeur dans un bâtiment de l’entreprise constitué d’une pièce principale d’environ 45 m2 avec un coin cuisine, douche et wc au premier étage du centre Autovision [Adresse 4], dans lequel il vivait et recevait ses amis. Le salarié produit en outre des factures d’achat d’éléments mobiliers acquis en 2016 qui corroborent le fait invoqué qu’il avait dû meubler ce logement » et que « M. [N] fait exactement valoir que l’indication d’une adresse personnelle distincte de celle du logement de fonction octroyé, dans l’acte de saisine du conseil de prud’hommes et sur ses factures de mobilier n’est pas un élément pertinent conduisant à rejeter sa demande » ; qu’en statuant ainsi, sans répondre aux conclusions de l’exposante qui avait valoir, d’une part, que « durant toute l’exécution de son contrat de travail, M. [N] n’a déclaré qu’une seule adresse pour son domicile : [Adresse 3] [Localité 1]. Cette adresse est également portée sur l’offre de crédit émise à son nom, le 22 juin 2017 », la cour d’appel a violé l’article 455 du code de procédure civile ;
2°/ que le délit de travail dissimulé par dissimulation partielle d’emploi salarié est caractérisé par l’absence volontaire de déclaration préalable à l’embauche, la mention délibérée sur le bulletin de paie d’un nombre d’heures de travail inférieur à celui véritablement exécuté par le salarié ou le défaut intentionnel d’établissement des déclarations relatives aux salaires ou aux cotisations sociales assises sur ceux-ci auprès des organismes de recouvrement des contributions et cotisations sociales ou de l’administration fiscale ; que, pour condamner l’employeur à payer à M. [N] la somme de 15 178,56 euros à titre d’indemnité pour travail dissimulé, l’arrêt – après avoir retenu que le salarié justifiait de la mise à disposition d’un logement à titre gratuit – énonce que « l’intention de dissimuler l’avantage en nature ainsi accordé par l’employeur est caractérisée en l’espèce » ; qu’en statuant ainsi, cependant que le manquement de l’employeur à son obligation de faire figurer sur le bulletin de paie la nature et le montant des avantages en nature et de payer les cotisations sociales en résultant ne suffit pas à caractériser une dissimulation volontaire d’emploi, la cour d’appel a violé l’article L. 8221-5 du code du travail en sa rédaction issue de la loi n° 2016-1088 du 8 août 2016 ;
3°/ plus subsidiairement, que le délit de travail dissimulé par dissimulation partielle d’emploi salarié est caractérisé par l’absence volontaire de déclaration préalable à l’embauche, la mention délibérée sur le bulletin de paie d’un nombre d’heures de travail inférieur à celui véritablement exécuté par le salarié ou le défaut intentionnel d’établissement des déclarations relatives aux salaires ou aux cotisations sociales assises sur ceux-ci auprès des organismes de recouvrement des contributions et cotisations sociales ou de l’administration fiscale ; que, pour condamner l’employeur à payer à M. [N] la somme de 15 178,56 euros à titre d’indemnité pour travail dissimulé, l’arrêt – après avoir retenu que le salarié justifiait de la mise à disposition d’un logement à titre gratuit – énonce que « l’intention de dissimuler l’avantage en nature ainsi accordé par l’employeur est caractérisée en l’espèce » ; qu’en statuant ainsi, par des motifs impropres à caractériser l’élément intentionnel de l’omission de la mention de l’avantage en nature de logement sur les bulletins de paie et de déclaration de celui-ci aux organismes sociaux concernés, la cour d’appel a violé l’article L. 8221-5 du code du travail en sa rédaction issue de la loi n° 2016-1088 du 8 août 2016. »
Réponse de la Cour
6. La fourniture, par l’employeur, d’un logement constitue un avantage en nature qu’il y a lieu d’inclure dans le montant de la rémunération du salarié et qui doit être indiqué sur le bulletin de paie qui lui est remis.
7. Selon l’article L. 8221-5, 3°, du code du travail, est réputé travail dissimulé par dissimulation d’emploi salarié le fait pour tout employeur de se soustraire intentionnellement aux déclarations relatives aux salaires ou aux cotisations sociales assises sur ceux-ci auprès des organismes de recouvrement des contributions et cotisations sociales ou de l’administration fiscale en vertu des dispositions légales.
8. Après avoir jugé, à bon droit, que la mise à disposition d’un logement de fonction de manière gratuite était constitutive d’un avantage en nature qui devait, à ce titre, être évalué pour être soumis à cotisations sociales, la cour d’appel, qui a constaté, sans être tenue de suivre les parties dans le détail de leur argumentation, que le salarié était logé par son employeur dans un bâtiment de l’entreprise, a, dans l’exercice de son pouvoir souverain d’appréciation, retenu que l’intention de l’employeur de dissimuler cet avantage, non indiqué sur les bulletins de paie du salarié, était caractérisée.
9. Le moyen n’est donc pas fondé.
PAR CES MOTIFS (…) : REJETTE (…)
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