Le tunnel d’indemnisation créé à l’article L. 1235-3 du Code du travail par l’ordonnance n° 2017-1387 du 22 septembre 2017, est attaqué par certaines organisations syndicales à l’occasion des premiers contentieux éligibles : ceux relatifs aux licenciements notifiés après la publication de l’ordonnance. Les normes internationales sont convoquées, qui imposent notamment une indemnisation raisonnable du salarié ayant illégitimement perdu son emploi du fait de l’employeur.
L’on fait remarquer que le Conseil Constitutionnel s’est déjà prononcé en amont de la « Loi », et que comme le Conseil d’Etat il valide cette forfaitisation d’un minimum et d’un maximum des dommages-intérêts que le Juge peut accorder lorsqu’il disqualifie un licenciement dénué de cause réelle et sérieuse. L’on ajoute que le salarié victime d’un préjudice distinct de la perte injustifiée de son emploi, peut toujours solliciter une indemnisation complémentaire.
L’arrêt ici signalé, rendu sur question prioritaire de constitutionnalité, peut sans doute permettre d’anticiper l’accueil que la Cour de cassation fera à la première contestation de « conventionnalité » concernant les nouvelles modalités d’indemnisation judiciaire du licenciement sans cause. Il faut rappeler que lorsque le salarié licencié a plus de deux ans d’ancienneté, et l’entreprise employeur un effectif supérieur à 11 salariés, cette dernière est impérativement condamnée (en sus des dommages-intérêts dûs au salarié) à rembourser le cas échéant à Pole Emploi les indemnités d’assurance chômage versées dans la limite de 6 mois.
Cet effectif, dont le calcul est décisif, s’entend des salariés équivalent-temps-plein présents au jour de la notification de la lettre de licenciement. La jurisprudence sociale ne décompte de plus que les salariés employés en France, lorsque le siège social de l’entreprise est situé à l’étranger.
Or ces modalités de calcul échappent à la censure de la Cour de cassation, qui rejette la QPC. Le Juge peut donc librement interpréter de façon restrictive les dispositions coercitives applicables au licenciement abusif.
Cour de cassation, chambre sociale, 7 juin 2018 (pourvoi n° 17-28.056 QPC, publié au bulletin)
(…)
Attendu que la question posée est ainsi rédigée :
« L’article L. 1235-5 du code du travail, tel qu’interprété par la Cour de cassation, méconnaît-il le principe d’égalité, garanti par l’article 6 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789, en ce qu’il exclut la prise en compte des salariés effectuant leur travail hors du territoire français, pour apprécier la taille de l’entreprise qui a son siège social à l’étranger et déterminer l’indemnité due au salarié en cas de licenciement sans cause réelle et sérieuse ? »
Attendu d’une part, que tout justiciable a le droit de contester la constitutionnalité de la portée effective qu’une interprétation jurisprudentielle constante confère à une disposition législative ; que celle-ci est applicable au litige ;
Attendu d’autre part, que la question, ne portant pas sur l’interprétation d’une disposition constitutionnelle dont le Conseil constitutionnel n’aurait pas encore eu l’occasion de faire application, n’est pas nouvelle ;
Et attendu enfin, que la question posée ne présente pas un caractère sérieux en ce que le principe d’égalité de traitement ne s’oppose pas à ce que l’interprétation jurisprudentielle d’une disposition législative règle de façon différente des situations différentes ; que le principe de la territorialité de la loi française en droit du travail interdit de tenir compte, pour le calcul des seuils légaux d’effectifs, du nombre de salariés employés à l’étranger par une entreprise dont le siège social est situé à l’étranger, ce dont il résulte que la situation des salariés, travaillant sur le territoire national, engagés par un employeur dont le siège social est situé hors du territoire national, est différente de celle d’un salarié engagé par une entreprise dont le siège social est situé sur le territoire national ;
D’où il suit qu’il n’y a pas lieu de la renvoyer au Conseil constitutionnel ;
PAR CES MOTIFS : DIT N’Y AVOIR LIEU A RENVOYER (…)
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