Le recours au contrat de travail à durée déterminée (CDD) est strictement limité. Notamment, cette forme atypique d’emploi ne peut pas servir à pourvoir durablement un poste lié à l’activité normale et permanente de l’entreprise.
C’est la raison pour laquelle l’utilisation qu’en fait en pratique parfois l’employeur, qui entend s’en servir comme d’un test d’une durée supérieure à la période d’essai légale ou conventionnelle, est immanquablement sanctionnée par le Juge. Toutefois le Code du travail prévoit que même dans le cadre d’un recours licite, le CDD permet d’apprécier les compétences et aptitudes d’un salarié sur son poste de travail : par conséquent la durée des CDD accomplis avant un recrutement en contrat à durée indéterminée (CDI), doit s’imputer sur celle de la période d’essai le cas échéant alors convenue.
Or il s’agit bien de l’ensemble des CDD ayant affecté le salarié sur le poste de travail sur lequel il est recruté en CDI, qui doivent alors être pris en compte, et ce même s’ils ne sont pas continus, et que la période globale d’emploi a été interrompue. C’est effectivement cette interprétation qui est retenue par la Cour de cassation, ainsi que l’illustre l’arrêt ci-dessous reproduit.
COUR DE CASSATION, Chambre sociale, 19 juin 2024 (pourvoi n° 23-10.783, publié au Bulletin)
Mme [I] [S], domiciliée [Adresse 2], a formé le pourvoi n° W 23-10.783 contre l’arrêt rendu le 18 juin 2021 par la cour d’appel d’Aix-en-Provence (chambre 4-3), dans le litige l’opposant à la société Euromed cardio, dont le siège est [Adresse 1], défenderesse à la cassation.
(…)
Faits et procédure
1. Selon l’arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 18 juin 2021), Mme [S] a été engagée en qualité d’infirmière par la société Euromed cardio suivant trois contrats à durée déterminée du 18 au 31 mai 2017, du 1er juin au 30 juin 2017 et du 1er août au 30 août 2017, puis par contrat à durée indéterminée du 4 septembre 2017, ce dernier contrat prévoyant une période d’essai de deux mois.
2. L’employeur a notifié à la salariée la rupture de la période d’essai le 15 septembre 2017.
Examen des moyens
Sur le premier moyen, pris en sa cinquième branche
Enoncé du moyen
3. La salariée fait grief à l’arrêt de la débouter de sa demande au titre de l’inopposabilité de la période d’essai et de ses demandes pour non-respect de la procédure de licenciement, au titre du préavis, au titre des congés payés sur préavis, au titre d’un licenciement nul ou dépourvu de cause réelle et sérieuse et au titre d’un licenciement brutal et vexatoire, alors « qu’en retenant que les deux premiers contrats ne se trouvaient pas dans la continuité du troisième contrat de travail à durée déterminée et du contrat de travail à durée indéterminée conclu à sa suite, tout en constatant cependant que l’interruption d’un mois entre le deuxième et le troisième contrat de travail à durée déterminée était intervenue au mois de juillet 2017, soit pendant la période légale de prise du congé principal, ce dont il résultait, nonobstant la brève interruption du mois de juillet 2017, l’existence d’une relation de travail continue depuis le premier contrat de travail à durée déterminée, qu’il lui appartenait de prendre en considération dans son ensemble, la cour d’appel a violé l’article L. 1243-11 du code du travail. »
Réponse de la Cour
Vu l’article L. 1243-11 du code du travail :
4. Selon ces dispositions, lorsque la relation contractuelle de travail se poursuit après l’échéance du terme du contrat à durée déterminée, celui-ci devient un contrat à durée indéterminée.
La durée du contrat de travail à durée déterminée est déduite de la période d’essai éventuellement prévue dans le nouveau contrat de travail.
5. Il en résulte que lorsque la relation contractuelle de travail se poursuit par un contrat à durée indéterminée à la suite d’un ou de plusieurs contrats de travail à durée déterminée, la durée du ou de ces contrats est déduite de la période d’essai éventuellement prévue dans le contrat de travail à durée indéterminée.
6. Pour débouter la salariée de ses demandes au titre d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse, l’arrêt retient que les deuxième et troisième contrats sont espacés d’une période intercalaire d’un mois, que les troisième et quatrième contrats sont espacés d’une période intercalaire de trois jours calendaires, et que cette discontinuité ne caractérise pas une chaîne de contrats pour leur totalité mais seulement pour le contrat du 1er au 30 août 2017 suivi dès le 4 septembre 2017 du contrat à durée indéterminée.
7. L’arrêt conclut que seule la durée du contrat à durée déterminée du 1er au 30 août doit être déduite de la période d’essai qui expirait le 4 octobre 2017 et que l’employeur, qui a rompu celle-ci par lettre du 17 septembre 2017, se trouvait encore dans le délai pour le faire.
8. En statuant ainsi, alors qu’elle constatait que la salariée avait été engagée par contrats à durée déterminée, d’abord du 18 au 31 mai 2017, ensuite du 1er juin au 30 juin 2017 et enfin du 1er août au 30 août 2017, puis avait conclu un contrat à durée indéterminée le 4 septembre 2017, qu’elle avait exercé à cette occasion en qualité d’infirmière dans différents services de soins sans aucune discontinuité fonctionnelle, ce dont il résultait que la même relation de travail s’était poursuivie avec l’employeur depuis le 18 mai 2017 et qu’ainsi la durée des trois contrats de travail à durée déterminée devait être déduite de la période d’essai, la cour d’appel a violé le texte susvisé.
PAR CES MOTIFS (…) : CASSE ET ANNULE (…)
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