La procédure de licenciement du salarié déclaré inapte physiquement par le médecin du travail, est strictement encadrée par la règlementation sociale. Ainsi notamment lorsque le médecin du travail recommande un reclassement professionnel, l’employeur doit justifier avoir loyalement réalisé les recherches de reclassement, même si une seule proposition a pu être faite à l’intéressé.
Par ailleurs la procédure impose la consultation des élus du personnel, quand leur désignation s’impose dans l’entreprise et qu’ils sont effectivement présents, sans faute de l’employeur sur ce point. Or toute irrégularité quant à cette consultation équivaut à un manquement à l’obligation de reclassement : le licenciement est donc impérativement dénué de cause réelle et sérieuse, comme le rappelle la Cour de cassation dans l’arrêt ici éclairé.
Cour de cassation, Chambre sociale, 30 septembre 2020 (pourvoi n° 19-11.974, publié au bulletin)
1. Selon l’arrêt attaqué (Bourges, 26
octobre 2018), M. X…, engagé le 18 novembre 1991 en qualité de
conducteur longue distance par la société Galopin transports, aux droits
de laquelle vient la société Transports Murie-Galopin (la société), a
été placé en arrêt de travail pour maladie à compter du 10 mai 2015.
2. Le 14 septembre 2015, le salarié a saisi la juridiction prud’homale en paiement de diverses sommes au titre de l’exécution du contrat de travail. Ayant été déclaré inapte à son poste par le médecin du travail à l’issue d’un examen du 10 mars 2017, M. X… a été licencié pour inaptitude et impossibilité de reclassement et a formé des demandes au titre de la rupture du contrat de travail.
(…)
3. En application de l’article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n’y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen qui n’est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.
Mais sur le moyen du pourvoi principal du salarié, pris en sa première branche
Enoncé du moyen
4. M. X… fait grief à l’arrêt de le
débouter de ses demandes en paiement de dommages-intérêts pour
licenciement sans cause réelle et sérieuse et d’une indemnité de
préavis, outre les congés payés, alors « qu’en cas d’inaptitude
d’origine non professionnelle déclarée par le médecin du travail,
l’employeur doit consulter les délégués du personnel pour recueillir
leur avis avant la proposition d’un poste de reclassement approprié aux
capacités du salarié ; qu’à défaut de recueil de cet avis, l’obligation
de reclassement n’est pas satisfaite et le licenciement qui s’en suit
est sans cause réelle et sérieuse ; qu’en l’espèce, la cour d’appel a
jugé que l’employeur a satisfait à son obligation de reclassement,
nonobstant le défaut de recueil de l’avis préalable des délégués du
personnel, lequel manquement n’ayant pas pour effet de rendre le
licenciement sans cause réelle et sérieuse ; qu’en statuant ainsi, la
cour d’appel, qui n’a pas tiré les conséquences légales qu’imposaient
ses propres constatations, a violé, par fausse application, les articles
L. 1226-2 et L. 1226-2-1 du code du travail dans leurs versions issues
de la loi n° 2016-1088 du 8 août 2016. »
Réponse de la Cour
Vu les articles L. 1226-2 et L. 1226-2-1, alinéas 2 et 3, du code du travail, en leur rédaction issue de la loi n° 2016-1088 du 8 août 2016 :
5. Aux termes du premier de ces textes, lorsque le salarié victime d’une maladie ou d’un accident non professionnel est déclaré inapte par le médecin du travail, en application de l’article L. 4624-4, à reprendre l’emploi qu’il occupait précédemment, l’employeur lui propose un autre emploi approprié à ses capacités. Cette proposition prend en compte, après avis des délégués du personnel lorsqu’ils existent, les conclusions écrites du médecin du travail et les indications qu’il formule sur les capacités du salarié à exercer l’une des tâches existantes dans l’entreprise. Le médecin du travail formule également des indications sur la capacité du salarié à bénéficier d’une formation le préparant à occuper un poste adapté. L’emploi proposé est aussi comparable que possible à l’emploi précédemment occupé, au besoin par la mise en oeuvre de mesures telles que mutations, aménagements, adaptations ou transformations de postes existants ou aménagement du temps de travail.
6. Aux termes du second de ces textes, l’employeur ne peut rompre le contrat de travail que s’il justifie soit de son impossibilité de proposer un emploi dans les conditions prévues à l’article L. 1226-2, soit du refus par le salarié de l’emploi proposé dans ces conditions, soit de la mention expresse dans l’avis du médecin du travail que tout maintien du salarié dans un emploi serait gravement préjudiciable à sa santé ou que l’état de santé du salarié fait obstacle à tout reclassement dans un emploi. L’obligation de reclassement est réputée satisfaite lorsque l’employeur a proposé un emploi, dans les conditions prévues à l’article L. 1226-2, en prenant en compte l’avis et les indications du médecin du travail.
7. Il résulte de ces textes que la méconnaissance des dispositions relatives au reclassement du salarié déclaré inapte consécutivement à un accident non professionnel ou une maladie, dont celle imposant à l’employeur de consulter les délégués du personnel, prive le licenciement de cause réelle et sérieuse.
8. Pour rejeter les demandes du salarié
au titre d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse, l’arrêt, après
avoir relevé que l’obligation de consultation des délégués n’avait pas
été respectée, retient que ce manquement n’a pas pour effet de rendre le
licenciement sans cause réelle et sérieuse et qu’au surplus, le salarié
n’a pas formé de demande distincte de celle présentée au titre du
licenciement sans cause réelle et sérieuse, étant observé que l’article
L. 1226-15 du code du travail issu de la loi du 8 août 2016 ne
sanctionne le défaut d’avis des délégués du personnel que lorsqu’il
intervient dans le cadre d’une inaptitude professionnelle.
9. En statuant ainsi, la cour d’appel a violé les textes susvisés.
PAR CES MOTIFS (…) : (…) CASSE ET ANNULE
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