La Cour de cassation confirme, dans l’arrêt ci-dessous reproduit, la simplification opérée par la réforme législative issue de la loi du 2 aout 2021 en matière de santé au travail. Ainsi lorsque le médecin du travail constate une inaptitude physique du salarié sur tout poste de l’entreprise, non seulement l’employeur n’a pas à rechercher de reclassement, mais encore il n’a pas à notifier par écrit à l’intéressé l’impossibilité de le reclasser.
Ce n’est que si le médecin du travail formule des recommandations médicales de reclassement sur l’avis d’inaptitude, que cette obligation de reclassement s’impose à l’employeur. Bien sûr la règlementation sociale prévoit-elle que dans l’hypothèse où aucune recommandation n’est faite, cet avis d’inaptitude mentionne expressément que » tout maintien du salarié dans un emploi serait gravement préjudiciable à sa santé » ou que » l’état de santé du salarié fait obstacle à tout reclassement dans un emploi « .
A défaut, la responsabilité du licenciement incombant à l’employeur et non au médecin du travail, il reviendrait au premier de solliciter des précisions sur ce point au second, pour ne pas voir la rupture qualifiée d’abusive. Mais en pratique, la matrice des avis d’inaptitude diffusée au sein des services de prévention et santé au travail, comporte précisément ces deux cases à cocher, à la rubrique » Inaptitude sans recommandation de reclassement « , ce qui protège ici l’entreprise employeur.
COUR DE CASSATION, Chambre sociale, 11 juin 2025 (n° 24-15.297, publié au Bulletin)
Mme [H] [F], domiciliée [Adresse 1], a formé le pourvoi n° Y 24-15.297 contre l’arrêt rendu le 12 mars 2024 par la cour d’appel de Colmar (chambre sociale, section A), dans le litige l’opposant à l’association [3], dont le siège est [Adresse 2], défenderesse à la cassation.
(…)
Faits et procédure
1. Selon l’arrêt attaqué (Colmar, 12 mars 2024) Mme [F] a été engagée en qualité d’agent de restauration le 3 octobre 2011 par l’association [3].
2. La salariée a été déclarée inapte le 26 octobre 2020, avec mention que tout maintien dans un emploi serait gravement préjudiciable son état de santé et que celui-ci faisait obstacle à tout reclassement.
3. Elle a été licenciée pour inaptitude et impossibilité de reclassement le 16 novembre 2020.
(…)
5. La salariée fait grief à l’arrêt de la débouter de ses demandes d’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, alors :
« 2°/ que lorsqu’il est impossible à l’employeur de proposer un autre emploi au salarié déclaré inapte, il lui fait connaître par écrit les motifs qui s’opposent à son reclassement ; que cette obligation s’impose aussi bien à l’employeur lorsque, comme en l’espèce, le médecin du travail a déclaré le salarié inapte à son poste en précisant que tout maintien du salarié dans un emploi serait gravement préjudiciable à sa santé ou que l’état de santé du salarié fait obstacle à tout reclassement dans un emploi ; qu’en jugeant le contraire, la cour d’appel a violé, par refus d’application, l’article L. 1226-2-1 du code du travail ;
3°/ que la compétence territoriale du médecin du travail est limitée à l’établissement auquel il est rattaché ; qu’il en résulte que la dispense de recherche de reclassement par le médecin du travail ne concerne que l’établissement dans lequel il a été nommé, de sorte que l’avis d’inaptitude dans l’emploi ne peut s’étendre aux autres entreprises ou établissements dont il ignore l’activité et les postes et ne dispense pas, le cas l’échéant, l’employeur de solliciter un complément d’avis auprès du médecin du travail sur la portée de la dispense de recherche de reclassement ; qu’en l’espèce, pour affirmer que la salariée reprochait en vain à l’employeur ne pas avoir recherché de poste de reclassement, la cour d’appel s’est bornée à relever que l’avis du médecin du travail du 26 octobre 2020 indiquait que Mme [F] était inapte au poste d’agent de cuisine qu’elle occupait, tout en cochant les cases selon lesquelles le maintien de la salariée dans un emploi serait gravement préjudiciable à sa santé et que son état de santé faisait obstacle à tout reclassement dans un emploi, de sorte que l’employeur n’était pas tenu de solliciter un complément d’avis du médecin du travail ; qu’en statuant ainsi, sans rechercher, comme elle y était invitée, si la compétence territoriale du médecin du travail n’était pas limitée à l’établissement en cause, si bien qu’en l’état d’une inaptitude au poste d’agent de cuisine qu’il relevait, la dispense de recherche de reclassement ne pouvait pas s’étendre aux autres établissements ou entreprises du groupe invoqués par la salariée, la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 1226-2 et R. 4623-5 à R. 4623-11 du code du travail. »
Réponse de la Cour
6. Selon l’article L. 1226-2-1 du code du travail, lorsqu’il est impossible à l’employeur de proposer un autre emploi au salarié, il lui fait connaître par écrit les motifs qui s’opposent à son reclassement.
L’employeur ne peut rompre le contrat de travail que s’il justifie soit de son impossibilité de proposer un emploi dans les conditions prévues à l’article L. 1226-2, soit du refus par le salarié de l’emploi proposé dans ces conditions, soit de la mention expresse dans l’avis du médecin du travail que tout maintien du salarié dans un emploi serait gravement préjudiciable à sa santé ou que l’état de santé du salarié fait obstacle à tout reclassement dans un emploi.
7. L’arrêt constate que l’avis d’inaptitude mentionne expressément que tout maintien dans un emploi serait gravement préjudiciable à l’état de santé de la salariée.
8. La cour d’appel en a exactement déduit que, d’une part, l’employeur n’était pas tenu de notifier par écrit à la salariée, préalablement à la mise en oeuvre de la procédure de licenciement, les motifs s’opposant au reclassement, d’autre part qu’il ne pouvait lui être reproché de ne pas avoir recherché un poste de reclassement dans les autres établissements de l’entreprise.
Dispositif
PAR CES MOTIFS (…) : REJETTE (…)
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