La Cour de cassation n’intervient que rarement sur les mécanismes encadrant la rupture conventionnelle du contrat de travail à durée indéterminée ; c’est ce qui rend remarquables ses décisions en la matière. On se souvient par exemple de la confirmation de la possibilité offerte à l’employeur de solliciter la nullité de cette résiliation amiable, et les effets d’une démission, lorsque le salarié a commis un dol entraînant la nullité de la rupture.

L’arrêt ci-dessous principalement reproduit énonce une nouvelle solution, qui participe de la même dynamique. Ainsi dans l’hypothèse où l’employeur est informé d’une faute grave du salarié avec lequel il a conclu une convention de rupture, même après le délai de rétractation, il lui est possible de réagir et de procéder au licenciement disciplinaire dudit salarié, dès lors que le terme du contrat n’est pas encore atteint.

Bien entendu l’indemnité de rupture conventionnelle reste due, car le contrat de travail est résilié conformément à la convention, laquelle n’est pas nulle du fait d’un vice du consentement de l’employeur. Mais le salarié peut être immédiatement suspendu, et contraint de quitter son poste de travail, sans pouvoir solliciter le maintien de sa rémunération et de son ancienneté.

COUR DE CASSATION, Chambre sociale, 25 juin 2025 (pourvoi n°24-12.096, publié au Bulletin)

M. [K] [H], domicilié [Adresse 1], a formé le pourvoi n° U 24-12.096 contre l’arrêt rendu le 20 décembre 2023 par la cour d’appel de Versailles (19e chambre), dans le litige l’opposant à la société Atlas Copco applications industrielles, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 2], défenderesse à la cassation.
(…)

Faits et procédure

1. Selon l’arrêt attaqué (Versailles, 20 décembre 2023), M. [H] a été engagé en qualité de directeur commercial par la société Atlas Copco applications industrielles le 2 novembre 2011.

2. Le 15 janvier 2018, les parties ont signé une rupture conventionnelle devant prendre effet le 30 juin 2018 et prévoyant le versement d’une indemnité spécifique de rupture.

3. A l’issue du délai de rétractation, la convention a été adressée à la Direccte et a fait l’objet d’une homologation.

4. Le 11 avril 2018, le salarié a été convoqué à un entretien préalable à un éventuel licenciement, puis il a été licencié pour faute grave le 23 avril 2018.

5. Il a saisi la juridiction prud’homale afin d’obtenir le paiement de sommes au titre de la rupture de son contrat de travail.

(…)

Enoncé du moyen

7. Le salarié fait grief à l’arrêt de dire que la convention de rupture de son contrat de travail signée le 15 janvier 2018 est non avenue et de le débouter de sa demande d’indemnité de rupture, alors « qu’en l’absence de rétractation de la convention de rupture conventionnelle, l’employeur ne peut prononcer le licenciement du salarié, entre la date d’expiration du délai de rétractation et la date d’effet prévue de la rupture conventionnelle, que pour des manquements survenus ou dont il a eu connaissance au cours de cette période ; qu’il en résulte qu’une faute commise par le salarié ou révélée à l’employeur postérieurement à l’expiration du délai de rétractation n’est pas susceptible de remettre en cause la convention de rupture, cette faute pouvant tout au plus faire obstacle à la poursuite du contrat de travail jusqu’à la date d’effet prévue de la rupture ; qu’en décidant néanmoins que la convention de rupture conventionnelle était non avenue, motif pris que les faits ayant fondé la mesure de licenciement avaient été révélés à l’employeur entre la date d’expiration du délai de rétractation et la date à laquelle la rupture devait produire ses effets, bien que ces faits, à les supposer établis, aient pu tout au plus faire obstacle à l’exécution du contrat de travail pour la période postérieure à leur révélation et non priver le salarié de son droit à son l’indemnité de rupture, définitivement acquise, la cour d’appel a violé les articles L. 1237-11, L. 1237-13 et L. 1237-14 du code du travail. »

Réponse de la Cour

Vu les articles L. 1237-11, L. 1237-13 et L. 1237-14 du code du travail :

8. Selon le premier de ces textes, l’employeur et le salarié peuvent convenir en commun des conditions de la rupture du contrat de travail qui les lie. La rupture conventionnelle, exclusive du licenciement ou de la démission, ne peut être imposée par l’une ou l’autre des parties.

9. Aux termes du deuxième, la convention de rupture définit les conditions de celle-ci, notamment le montant de l’indemnité spécifique de rupture conventionnelle qui ne peut pas être inférieur à celui de l’indemnité prévue à l’article L. 1234-9. Elle fixe la date de rupture du contrat de travail, qui ne peut intervenir avant le lendemain du jour de l’homologation.

10. Selon le troisième, la validité de la convention est subordonnée à son homologation.

11. Il résulte de l’ensemble de ces dispositions qu’en l’absence de rétractation de la convention de rupture, l’employeur peut licencier le salarié pour faute grave, entre la date d’expiration du délai de rétractation et la date d’effet prévue de la rupture conventionnelle, pour des manquements survenus ou dont il a eu connaissance au cours de cette période. Toutefois, la créance d’indemnité de rupture conventionnelle, si elle n’est exigible qu’à la date fixée par la rupture, naît dès l’homologation de la convention, le licenciement n’affectant pas la validité de la rupture conventionnelle, mais ayant seulement pour effet, s’il est justifié, de mettre un terme au contrat de travail avant la date d’effet prévue par les parties dans la convention.

12. Pour juger non avenue la rupture conventionnelle et débouter le salarié de sa demande au titre de l’indemnité spécifique de rupture conventionnelle, l’arrêt retient que les faits de harcèlement sexuel reprochés à ce dernier sont établis et rendent impossible son maintien dans l’entreprise, impliquant son éviction immédiate, le licenciement pour faute grave étant bien fondé et ayant rompu le contrat de travail avant la date d’effet de la convention de rupture.

13. En statuant ainsi, la cour d’appel a violé les textes susvisés.

PAR CES MOTIFS (…) : CASSE ET ANNULE (…)