La lettre de licenciement, quel qu’en soit le motif, doit être précisément motivée ; à défaut, cette irrégularité est assimilée irréfragablement à une absence de motif réel et sérieux, et entraîne de lourdes conséquences en terme d’indemnisation de la rupture abusive du contrat de travail. Cette exigence de la notification formelle du motif de licenciement ne peut être atténuée (hormis le délai de quinzaine accordé par la Loi pour développer le motif imprécis), même en raison de certaines spécificité de la procédure légale.
Ainsi s’agissant du licenciement économique, le salarié se voit proposer, au plus tard au moment de l’entretien préalable, un Contrat de sécurisation professionnelle (CSP) lui permettant d’accéder à certains avantages fournis par le service public de l’emploi : indemnisation plus généreuse, suivi spécifique, formations etc. S’il l’accepte, le contrat est immédiatement rompu et il est réputé résilié d’un commun accord.
Mais cela ne neutralise pas l’obligation pour l’employeur de notifier par écrit à l’intéressé, le motif économique complet sur lequel repose la procédure de licenciement. Or par nature, la rupture du contrat par l’acceptation du CSP peut intervenir avant même que la lettre de licenciement ne soit adressée au salarié.
Par ailleurs aucun texte n’impose à l’employeur de mentionner le motif de licenciement antérieurement, et notamment dans la convocation à entretien préalable. Rien ne le lui interdit non plus, toutefois.
En tout état de cause si l’employeur n’a pas précisé le motif économique complet dans cette convocation, ni dans la notice d’explication remise au salarié au plus tard lors de l’entretien préalable, et relative au CSP, alors il doit notifier cette information par tout moyen écrit, si la lettre de licenciement ne peut pas encore être envoyée, aux fins de respecter le délai de réflexion légal. A défaut la rupture sera judiciairement qualifiée de licenciement sans cause réelle et sérieuse.
C’est ce que rappelle l’arrêt ici éclairé. En l’espèce, l’entreprise employeur ayant été placée en redressement judiciaire, le mandataire devait expressément mentionner l’ordonnance du Juge commissaire l’autorisant à procéder en urgence au licenciement économique.
Cour de cassation, Chambre sociale, 27 mai 2020 (pourvoi n° 18-20.153, publié au bulletin)
Attendu, selon les arrêts attaqués, que Mme O… et M. I… ont été respectivement engagés par la société Go Plast le 15 janvier 2007 et le 28 juin 1999 ; que la société a été placée en redressement judiciaire le 3 mars 2014, M. Q… étant désigné en qualité d’administrateur judiciaire ; que, le 5 mai 2014, l’administrateur a remis aux salariés le document de contrat de sécurisation professionnelle accompagné d’une note ; que le 7 mai 2014, le juge-commissaire a autorisé l’administrateur à procéder au licenciement économique de quinze salariés ; que M. I… , le même jour, et Mme O… , le 13 mai 2014, ont adhéré au contrat de sécurisation professionnelle puis ont reçu le 15 mai 2014 une lettre de licenciement ;
(…)
Attendu que la société fait grief aux
arrêts de juger les licenciements sans cause réelle et sérieuse, de
fixer la créance de chaque salarié à la procédure collective de la
société à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle
et sérieuse, de dire que la société et M. Q… sont redevables envers
chaque salarié de diverses sommes à titre d’indemnité de préavis et des
congés payés afférents, de fixer la moyenne des trois derniers mois de
salaire à une certaine somme, d’ordonner le remboursement par la société
des indemnités de chômage payées et d’ordonner la remise des documents
de fin de contrat rectifiés alors, selon le moyen, que la note qui est
communiquée au salarié au moment de la proposition du contrat de
sécurisation professionnelle et qui mentionne, après avoir précisé que
l’entreprise a été placée en redressement judiciaire, qu’elle connaît
des difficultés économiques dues à une baisse des commandes et une
baisse des prix moyens de vente nécessitant une restructuration de
l’entreprise et la suppression de postes répond aux exigences de
motivation requise par les articles L.1233-3 et L.1233-16 du code du
travail ; qu’en l’espèce, la note contrat de sécurisation
professionnelle adressée à la salariée indiquait que : « la société Go
Plast est placée en procédure de redressement judiciaire par décision du
tribunal de commerce de Niort du 3 mars 2014 ; qu’elle connaît une
conjoncture économique difficile puisqu’elle fait face à une baisse des
commandes et une baisse des prix moyens de vente ; que cette baisse a
engendré un sureffectif de personnel obligeant l’entreprise à se
restructurer et à envisager la suppression de quinze postes sur un
effectif de quatre-vingt-cinq salariés » ; que cette note qui énonçait à
la fois les raisons économiques du licenciement (les difficultés
économiques et la nécessité d’une restructuration) et leur incidence sur
l’emploi du salarié (la suppression de quinze postes) répondait aux
exigences légales de motivation et informait suffisamment la salariée ;
qu’en décidant néanmoins que la salariée n’avait pas reçu une
information suffisante sur le motifs de la rupture, la cour d’appel a
violé les articles L.1233-3, L.1233-16, L. 1233-67 et L.1235-1 du code
du travail ;
Mais attendu d’abord que, lorsque la
rupture du contrat de travail résulte de l’acceptation par le salarié
d’un contrat de sécurisation professionnelle, l’employeur doit en
énoncer le motif économique soit dans le document écrit d’information
sur ce dispositif remis obligatoirement au salarié concerné par le
projet de licenciement, soit dans la lettre qu’il est tenu d’adresser au
salarié lorsque le délai de réponse expire après le délai d’envoi de la
lettre de licenciement imposé par les articles L. 1233-15 et L. 1233-39
du code du travail, soit encore, lorsqu’il n’est pas possible à
l’employeur d’envoyer cette lettre avant l’acceptation par le salarié du
contrat de sécurisation professionnelle, dans tout autre document
écrit, porté à sa connaissance au plus tard au moment de son
acceptation ;
Attendu ensuite, que lorsque l’administrateur procède au licenciement d’un salarié d’une entreprise en redressement judiciaire, en application de l’ordonnance du juge-commissaire autorisant des licenciements économiques présentant un caractère urgent, inévitable et indispensable et fixant le nombre des licenciements ainsi que les activités et les catégories professionnelles concernées, la lettre de licenciement que l’administrateur est tenu d’adresser au salarié doit comporter le visa de cette ordonnance ; qu’à défaut, le licenciement est réputé sans cause réelle et sérieuse ;
Et attendu qu’il résulte des constatations de la cour d’appel que la « note contrat de sécurisation professionnelle », seul document écrit remis aux salariés antérieurement à leur acceptation du contrat de sécurisation professionnelle, ne visait pas l’ordonnance du juge-commissaire ; que le moyen, qui critique des motifs surabondants, ne saurait dès lors être accueilli ;
PAR CES MOTIFSr (…) : REJETTE (…)
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