Le légisateur impose à l’employeur rédigeant la lettre de licenciement, la mention précise du motif de rupture. S’il s’agit d’un motif économique, les deux éléments visés à l’article L.1233-3 du Code du travail doivent être expressément indiqués : suppression ou transformation du poste de travail, ou refus de la modification du contrat, d’une part ; les difficultés économiques, la restructuration ou la cessation de l’entreprise, ou encore les mutations technologiques etc., entraînant cette destruction d’emploi, d’autre part.
En revanche l’employeur n’a pas à rappeler la justification de l’impossibilité de reclassement du salarié concerné, même si les recherches préalables de reclassement sont appréciées le cas échéant par le Juge, en cas de contestation de la légitimité du licenciement économique. En effet, l’employeur a déjà l’obligation de notifier cette justification par écrit, antérieurement à l’envoi de la convocation à entretien préalable ou de la lettre de licenciement.
Toutefois quand l’employeur propose des offres de reclassement au salarié, celles-ci doivent être précises pour satisfaire sur ce point à l’appréciation d’un motif économique réel et sérieux. A défaut, et même si le salarié les a refusées, le licenciement sera considéré comme abusif, et l’employeur condamné.
Or l’article D.1233-2-1du Code du travail dicte les mentions obligatoires de cette offre de reclassement personnalisée : l’irrégularité de l’une d’entre elle disqualifie totalement le licenciement économique. C’est ce que rappelle la Cour de cassation dans l’arrêt ci-dessous principalement reproduit.
COUR DE CASSATION, Chambre sociale, 23 octobre 2024 (pourvoi n° 23-19.629, publié au Bulletin)
La société Orthograu technologies, société par actions simplifiée unipersonnelle, dont le siège est [Adresse 2], a formé le pourvoi n° M 23-19.629 contre l’arrêt rendu le 8 juin 2023 par la cour d’appel de Pau (chambre sociale), dans le litige l’opposant à Mme [Y] [D], domiciliée [Adresse 1], défenderesse à la cassation.
(…)
Faits et procédure
1. Selon l’arrêt attaqué (Pau, 8 juin 2023), Mme [D] a été engagée en qualité de vendeuse spécialisée, le 15 juillet 1986, par la société Espace santé Grau, aux droits de laquelle vient la société Orthograu technologie.
2. L’employeur lui a proposé une offre de reclassement, le 12 juillet 2019, dans le cadre d’une réorganisation de l’entreprise en vue de sauvegarder sa compétitivité, qu’elle a refusée le 19 juillet suivant.
3. Son contrat de travail a été rompu le 24 septembre 2019, après qu’elle a accepté le contrat de sécurisation professionnelle (CSP) qui lui avait été proposé.
4. Elle a saisi la juridiction prud’homale en contestation de cette rupture.
(…)
Enoncé du moyen
6. L’employeur fait grief à l’arrêt de dire que le licenciement de la salariée est dépourvu de cause réelle et sérieuse et de le condamner à lui payer des dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, alors :
« 3°/ qu’en vertu de l’article D. 1233-2-1 du code du travail en sa rédaction issue du décret n° 2017-1725 du 21 décembre 2017, pour l’application de l’article L. 1233-4, l’employeur adresse des offres de reclassement de manière personnalisée ou communique la liste des offres disponibles aux salariés, et le cas échéant l’actualisation de celle-ci, par tout moyen permettant de conférer date certaine ; que ces offres écrites précisent l’intitulé du poste et son descriptif, le nom de l’employeur, la nature du contrat de travail, la localisation du poste, le niveau de rémunération et la classification du poste ; qu’en revanche, le texte n’exige pas que soit précisées au salarié l’activité et l’adresse de l’entreprise au sein de laquelle le poste de reclassement est proposé ; qu’en jugeant dès lors le licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse, motif pris notamment que l’offre de reclassement ne précisait ni l’activité ni l’adresse de l’entreprise au sein de laquelle le poste de reclassement était proposé, la cour d’appel a ajouté au texte susvisé une condition qu’il ne prévoit pas et a violé l’article D. 1233-2-1 du code du travail ;
4°/ que l’absence de mention dans l’offre de reclassement du nom de l’employeur et de la classification du poste ne constitue, dès lors que la localisation du poste et le niveau de rémunération proposé sont précisés, qu’une irrégularité de procédure ne suffisant pas, en soi, à priver le licenciement de cause réelle et sérieuse ; qu’en jugeant encore qu’en l’absence de précision du nom de l’entreprise et de la classification du poste proposé, Mme [D] n’était pas en mesure de répondre valablement à l’offre de reclassement, cependant qu’elle constatait que l’offre de reclassement proposait à la salariée »un poste de magasinière à [Localité 3] (12) avec reprise de votre ancienneté et au même niveau de rémunération », ce dont il résultait qu’elle était suffisamment précise quant à la localisation et au niveau de rémunération de l’emploi proposé pour que l’intéressée puisse valablement prendre position et, en conséquence, que l’absence de précision du nom de l’employeur et de la classification du poste ne constituait qu’une irrégularité formelle ne privant pas le licenciement de cause réelle et sérieuse, la cour d’appel a violé l’article D. 1233-2-1 du code du travail en sa rédaction issue du décret n° 2017-1725 du 21 décembre 2017 ;
5°/ qu’en affirmant que »la seule mention « au même niveau de rémunération » éta[i]t très insuffisante pour permettre à la salariée de répondre valablement à cette offre », cependant qu’il en résultait qu’il était proposé à la salariée de conserver la rémunération qui était la sienne au sein de la société Orthograu technologies, ce qui revêtait un caractère de précision suffisant, la cour d’appel a violé l’article D. 1233-2-1 du code du travail en sa rédaction issue du décret n° 2017-1725 du 21 décembre 2017 ;
6°/ que la société Orthograu technologies versait aux débats le courrier de la salariée refusant l’offre de reclassement qui lui avait été faite par courrier du 12 juillet 2019 ; que ce courrier ne comportait aucune réserve ni demande de précision des caractéristiques du poste proposé ; qu’en s’abstenant dès lors de rechercher s’il ne résultait pas de cette circonstance que l’intéressée s’estimait suffisamment informée pour pouvoir décliner l’offre qui lui était faite, la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard de l’article L. 1233-4 du code du travail en sa rédaction issue de l’ordonnance n° 2017-1718 du 20 décembre 2017 et de l’article D. 1233-2-1 du code du travail en sa rédaction issue du décret n° 2017-1725 du 21 décembre 2017. »
Réponse de la Cour
7. Selon l’article L. 1233-4 du code du travail, dans sa rédaction issue de l’ordonnance n° 2017-1718 du 20 décembre 2017, le licenciement pour motif économique d’un salarié ne peut intervenir que lorsque tous les efforts de formation et d’adaptation ont été réalisés et que le reclassement de l’intéressé ne peut être opéré sur les emplois disponibles, situés sur le territoire national dans l’entreprise ou les autres entreprises du groupe dont l’entreprise fait partie et dont l’organisation, les activités ou le lieu d’exploitation assurent la permutation de tout ou partie du personnel. Le reclassement du salarié s’effectue sur un emploi relevant de la même catégorie que celui qu’il occupe ou sur un emploi équivalent assorti d’une rémunération équivalente.
A défaut, et sous réserve de l’accord exprès du salarié, le reclassement s’effectue sur un emploi d’une catégorie inférieure.
L’employeur adresse de manière personnalisée les offres de reclassement à chaque salarié ou diffuse par tout moyen une liste des postes disponibles à l’ensemble des salariés, dans des conditions précisées par décret.
Les offres de reclassement proposées au salarié sont écrites et précises.
8. Aux termes de l’article D. 1233-2-1, alinéa II, du même code, dans sa rédaction modifiée par le décret n° 2017-1725 du 21 décembre 2017, ces offres écrites précisent :
a) L’intitulé du poste et son descriptif ;
b) Le nom de l’employeur ;
c) La nature du contrat de travail ;
d) La localisation du poste ;
e) Le niveau de rémunération ;
f) La classification du poste.
9. A défaut de l’une de ces mentions, l’offre est imprécise, ce qui caractérise un manquement de l’employeur à son obligation de reclassement et prive le licenciement de cause réelle et sérieuse.
10. La cour d’appel, après avoir constaté que la salariée avait reçu le 12 juillet 2019 une offre de reclassement libellée comme suit « un poste de magasinière à [Localité 3] (12) avec reprise de votre ancienneté et au même niveau de rémunération », a relevé que cette offre était taisante sur l’adresse de l’entreprise, son activité, la classification du poste, la seule mention » au même niveau de rémunération » étant très insuffisante pour permettre à la salariée de répondre valablement à cette offre.
11. De ces constatations et énonciations, dont il ressortait que l’offre de reclassement adressée à la salariée ne comportait ni le nom de l’employeur ni la classification du poste ni la nature du contrat de travail, elle a pu déduire, abstraction faite du motif justement critiqué par la troisième branche mais qui est surabondant, et sans être tenue de procéder à une recherche que ses constatations rendaient inopérante, que l’employeur n’avait pas accompli avec la loyauté nécessaire son obligation de reclassement, se contentant d’une offre de reclassement imprécise et formelle, ce dont il résultait que le licenciement était dépourvu de cause réelle et sérieuse.
12. Le moyen n’est donc pas fondé.
(…)
PAR CES MOTIFS (…) : REJETTE (…)
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