L’employeur qui décide de licencier un salarié, est tenu légalement de mettre en oeuvre une procédure formelle garantissant les droits de la défense de l’intéressé, et le conduisant à notifier par écrit sa décision. Le non-respect de cette procédure légale constitue une irrégularité, sanctionnée par une indemnité que la Loi plafonne à une somme équivalente à un mois de salaire brut.

Le non-respect de l’éventuelle procédure conventionnelle, quant à lui, peut constituer une telle irrégularité, ou bien un manquement à une garantie de fond disqualifiant la rupture : la sanction de ce licenciement sans cause réelle et sérieuse, est alors bien plus sévère. En effet l’indemnisation légale est certes plafonnée en fonction de l’ancienneté du salarié, mais elle est surtout seuillée à hauteur d’un mois de salaire au minimum (un demi-mois de salaire pour les petites entreprises).

En tout état de cause l’absence de lettre de licenciement adressée au salarié, autrement dit le licenciement verbal, constitue toujours un licenciement illégitime : le Juge ne pouvant contrôler le motif de la rupture que l’employeur a l’obligation de mentionner précisément lors de cette notification écrite, le licenciement est irréfragablement réputé sans cause réelle et sérieuse. Il est toutefois nécessaire que même verbal, le licenciement ait bien été décidé par l’employeur.

Ainsi la décision de licencier doit avoir été directement indiquée au salarié, devant témoins ou de manière à être objectivement établie (enregistrement par exemple) ; elle peut aussi résulter de la diffusion publique de la décision de l’employeur, le salarié visé l’apprenant par cette publication. Bien entendu si la rupture ainsi annoncée est accompagnée des démarches accessoires, comme par exemple la remise des documents sociaux de fin de contrat, la résiliation du contrat de travail n’est plus discutable.

Mais le licenciement ne peut résulter simplement de l’ordre donné à un délégataire ou un subordonné, de remplacer un salarié ou de procéder aux opérations de licenciement ; de même il ne pourrait résulter de la décision prise par un conseil d’administration, de licencier un collaborateur. C’est la solution que rappelle la Cour de cassation dans l’arrêt reproduit ci-dessous par extraits.

COUR DE CASSATION, Chambre sociale, 26 mars 2025 (pourvoi n° 23-23.625, publié au Bulletin)

1°/ La société Automobiles JM, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 2],

2°/ M. [E] [P], domicilié [Adresse 3], agissant en qualité d’administrateur judiciaire de la société Automobiles JM,

3°/ M. [X] [H], domicilié [Adresse 5], agissant en qualité de mandataire judiciaire de la société Automobiles JM,

ont formé le pourvoi n° E 23-23.625 contre l’arrêt rendu le 26 septembre 2023 par la cour d’appel de Besançon (chambre sociale), dans le litige les opposant :

1°/ à M. [D] [J], domicilié [Adresse 4],

2°/ à Pôle emploi, dont le siège est [Adresse 1],

défendeurs à la cassation.
(…)

Faits et procédure

2. Selon l’arrêt attaqué (Besançon, 26 septembre 2023), M. [J] a été engagé, en qualité de directeur général, le 13 novembre 2017 par la société Holding JVM puis son contrat de travail a été transféré à la société Automobiles JM.

3. Licencié pour faute grave le 28 février 2019, le salarié a saisi la juridiction prud’homale.

4. Par jugement du 2 juillet 2024, une procédure de redressement judiciaire a été ouverte au bénéfice de la société Automobiles JM. M. [P], désigné en qualité d’administrateur judiciaire, avec mission d’assister le débiteur, et M. [H], désigné en qualité de mandataire judiciaire, sont intervenus volontairement à l’instance.

(…)

9. L’employeur fait grief à l’arrêt de juger dépourvu de cause réelle et sérieuse le licenciement et de le condamner à régler au salarié diverses sommes à titre d’indemnité de licenciement, d’indemnité compensatrice de préavis, outre les congés payés afférents, de dommages-intérêts pour licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse, de rappel des rémunérations de la période de mise à pied et de rappel de rémunération variable, outre les congés payés afférents, ainsi qu’au titre de l’article 700 du code de procédure civile, alors « que la rupture du contrat de travail, en l’absence de lettre de licenciement, ne peut résulter que d’un acte de l’employeur par lequel il manifeste au salarié sa volonté de mettre fin au contrat de travail ; que dès lors ne constituent pas un licenciement de fait les échanges entre l’employeur et une salariée de l’entreprise destinés à préparer le recrutement du remplaçant du salarié menacé de licenciement ; qu’en l’espèce, pour juger que M. [J] avait fait l’objet d’un licenciement verbal, la cour d’appel a déduit d’un échange de courriels entre le président de la SAS Automobiles JM et la responsable comptable, Mme [I], antérieur à l’introduction de la procédure de licenciement,  »la manifestation à ce moment précis d’une décision irrévocable de rompre la relation de travail avec l’appelant », ajoutant qu’au  »surplus, contrairement à ce qu’allègue l’employeur il n’est pas nécessaire que la décision de rompre de façon irrévocable un contrat de travail soit notifiée au principal intéressé et il suffit que son existence soit démontrée, ce qui est assurément le cas en l’espèce, puisqu’au moins un des salariés de la société a été mis dans la confidence en sus du candidat recruté » ; qu’elle en a déduit  »une volonté non équivoque de l’employeur, manifestée auprès d’une autre salariée de l’entreprise, de rompre le contrat à durée indéterminée de M. [J] dès le 24 janvier 2019, laquelle doit s’analyser en un licenciement verbal » ; qu’en se déterminant aux termes de tels motifs, dont il ne résulte pas que la volonté de licencier de l’employeur avait été manifestée au salarié concerné, la cour d’appel a violé les articles L. 1233-6 du code du travail, 1103 et 1104 du code civil. »

Réponse de la Cour

Vu l’article L. 1232-6 du code du travail :

10. Il résulte de ce texte que la rupture du contrat de travail, en l’absence de lettre de licenciement, ne peut résulter que d’un acte de l’employeur par lequel il manifeste au salarié ou publiquement sa volonté de mettre fin au contrat de travail.

11. Pour juger le licenciement dénué de cause réelle et sérieuse, l’arrêt retient qu’il est établi que le président de la société a formalisé une promesse d’embauche sur un poste de directeur général, poste unique au sein de la société occupé par le salarié, dès le 24 janvier 2019, soit avant même la convocation le 7 février 2019 de ce dernier à un entretien préalable et que ceci ne peut s’analyser autrement que par la manifestation, à ce moment précis, d’une décision irrévocable de rompre la relation de travail avec l’appelant.

12. Il ajoute qu’il n’est pas nécessaire que la décision de rompre de façon irrévocable un contrat de travail soit notifiée au principal intéressé et qu’il suffit que son existence soit démontrée, ce qui est assurément le cas en l’espèce, puisqu’au moins un des salariés de la société a été mis dans la confidence en sus du candidat recruté.

13. Il en déduit que l’employeur a ainsi manifesté, auprès d’une autre salariée de l’entreprise, sa volonté non équivoque de rompre le contrat de travail du salarié dès le 24 janvier 2019, laquelle doit s’analyser en un licenciement verbal.

14. En statuant ainsi, alors qu’elle avait constaté que l’intention de l’employeur de recruter un nouveau directeur général, manifestée uniquement par un échange entre le président de la société et la responsable des ressources humaines afin d’établir une promesse d’embauche, n’avait pas été exprimée publiquement ni auprès du salarié, ce dont il résultait que l’employeur qui conservait la faculté de ne pas mettre en oeuvre la procédure de licenciement, n’avait pas manifesté de manière irrévocable la volonté de mettre fin au contrat de travail, la cour d’appel a violé le texte susvisé.
(…)

PAR CES MOTIFS (…) : CASSE ET ANNULE (…)