La période d’essai est strictement encadrée par les articles L.1221-19 et suivants du Code du travail, et le statut conventionnel lui fixe souvent au niveau de la branche, des règles supplémentaires. Ces dernières sont elles aussi d’application stricte, comme le rappelle la Cour de cassation dans l’arrêt reproduit ci-dessous.
La période probatoire, qui différencie l’embauche d’une évolution ultérieure du poste de travail, est soumise à la même rigueur. En cas d’échec toutefois, le salarié est en principe réintégré sur son poste de travail antérieur, alors que le contrat est rompu si la période d’essai est insatisfaisante.
En l’espèce la convention collective nationale prévoyait une durée initiale de 6 mois, renouvelable une fois si le contrat de travail mentionnait expressément cette possibilité. Or sans doute par une erreur matérielle dans le contrat individuel, la période probatoire a été fixée à 7 mois ; un avenant rétroactif de renouvellement a pourtant été formalisé plus de 2 mois après, pour une nouvelle période de 6 mois : la période probatoire a été rompue au terme de 11 mois, soit avant l’expiration d’un délai total de 12 mois.
Pour ces raisons le Juge du fond, au prétexte que la salariée avait en toute connaissance de cause conclu l’avenant de renouvellement, valide l’échec de la promotion et le retour de l’intéressée sur son poste initial. Or la Chambre sociale sanctionne la décision : dès le 7ème mois de la période probatoire, puisqu’elle était maintenue sans avenant de renouvellement (et pour cause !) sur le nouveau poste, la salarié était définitivement promue.
Cour de cassation, Chambre sociale, 20 janvier 2021 (pourvoi n° 19-10.962, publié au bulletin)
1.Selon l’arrêt attaqué (Paris, 27 novembre 2018), Mme R… a été engagée le 9 juillet 2008 par l’Unité mutualiste, aux droits de laquelle vient la Mutuelle générale de la police, puis a été promue cadre, le 1er juillet 2009, dans des fonctions de responsable du service de contrôle interne.
2. Suivant avenant du 1er juin 2010, elle a été nommée responsable du contrôle interne et de la gestion des risques. Cet avenant précisait que, conformément à l’accord collectif d’avril 2004, une période probatoire de six mois, allant du 1er juin au 31 décembre 2010, était fixée d’un commun accord et qu’il deviendrait définitif à l’issue de cette période probatoire.
3. Par avenant du 7 février 2011 à effet du 1er janvier 2011, les parties ont convenu d’un renouvellement de la période probatoire jusqu’au 30 juin 2011.
4. Le 5 mai 2011, l’employeur a mis fin à la période probatoire et la salariée a été réintégrée dans ses fonctions antérieures.
5. La salariée a été licenciée le 22 novembre 2012.
Examen du moyen
Sur le moyen, pris en ses deuxième et troisième branches
Enoncé du moyen
6. La salariée fait grief à l’arrêt de rejeter ses demandes de rappels de salaire, outre les congés payés afférents, d’indemnité en contrepartie de la clause de non-concurrence, d’indemnité contractuelle de sortie, de rappel de primes 2011 et 2012 et de solde d’indemnité conventionnelle de licenciement, alors :
« 2°/ que l’article 4.6 de l’accord d’entreprise du 26 avril 2004 de la Mutuelle générale de la police prévoit que « les candidats retenus sur une fonction relevant d’une catégorie d’emploi différente de celle initialement occupée se voient appliquer une période probatoire dont la durée est définie à l’article 4.2 ; l’affectation à un poste de responsabilité supérieure est assortie d’une période probatoire ; sa durée ne peut excéder celle de la période d’essai du nouveau poste occupé » ; que l’article 4.2 prévoit que la période d’essai pour les cadres est de six mois, renouvelable une fois pour une durée qui ne peut excéder celle de la période initiale si la possibilité du renouvellement a été prévue dans le contrat de travail initial ; que la cour d’appel a constaté que les dispositions conventionnelles ont été méconnues en ce que l’avenant du 1er juin 2010 a fixé une période probatoire de sept mois et que le renouvellement n’est pas prévu par ledit avenant, en sorte que le renouvellement intervenu après l’expiration du délai initial est irrégulier et l’avenant du 1er juin 2010 est devenu définitif au 30 novembre 2010 ; qu’en écartant néanmoins l’application de l’avenant du 1er juin 2010 quant aux salaires et avantages contractuels qu’il stipule, la cour d’appel a violé l’article 1134 du code civil dans sa rédaction antérieure à l’ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 devenu l’article 1103 du code civil et les articles 4.6 et 4.2 de l’accord d’entreprise du 26 avril 2004 ensemble l’article L. 2254-1 du code du travail ;
3°/ qu’en retenant, pour écarter tout effet juridique à l’avenant du 1er juin 2010 devenu définitif au 30 novembre 2010 s’agissant des salaires et avantages contractuels qu’il stipule, des motifs inopérants tenant à la légèreté de l’inobservation des délais et formes conventionnels, à l’absence de stipulation par l’accord de sanctions encourues, à l’absence d’allégation par la salariée de grief tiré de cette inobservation et de comportement abusif de l’employeur, à l’accord de la salariée pour le renouvellement avec une réserve inopérante, ainsi qu’au retour aux fonctions antérieures, la cour d’appel a violé l’article 1134 du code civil dans sa rédaction antérieure à l’ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 devenu l’article 1103 du code civil et les articles 4.6 et 4.2 de l’accord d’entreprise du 26 avril 2004 ensemble l’article L. 2254-1 du code du travail. »
Réponse de la Cour
Vu les articles 4.6 et 4.2 de l’accord d’entreprise du 26 avril 2004 de la Mutuelle générale de la police et L 2254-1 du code du travail :
7. Il résulte de l’article 4.6 dudit accord que l’affectation à un poste de responsabilité supérieure est assortie d’une période probatoire dont la durée ne peut excéder celle de la période d’essai du nouveau poste occupé et que durant ou à l’issue de la période probatoire, le salarié qui ne donnerait pas satisfaction sera réintégré dans le même emploi ou à un emploi similaire à celui antérieurement occupé.
8. L’article 4.2 fixe la durée de cette période à six mois pour les cadres, renouvelable une fois pour une durée qui ne peut excéder celle de la période initiale si la possibilité du renouvellement a été prévue dans le contrat de travail initial.
9. Aux termes de l’article L. 2254-1 du code du travail, lorsqu’un employeur est lié par les clauses d’une convention ou d’un accord, ces clauses s’appliquent aux contrats de travail conclus avec lui, sauf stipulations plus favorables.
10. Il résulte de ces dispositions qu’à l’expiration de la période probatoire, le salarié qui n’a pas été réintégré dans son ancien emploi ou un emploi similaire à celui antérieurement occupé est promu définitivement dans son nouveau poste.
11. Pour rejeter les demandes de la salariée, l’arrêt, après avoir relevé que l’avenant instituait une période probatoire de sept mois et que son renouvellement était intervenu sans que l’avenant le prévoie et alors que le délai initial de six mois était expiré, retient que cette méconnaissance des dispositions conventionnelles ne peut toutefois conduire au maintien de la salariée dans les fonctions qui étaient les siennes durant la période probatoire, que l’inobservation incontestable mais légère des délais et formes conventionnels dans l’avenant, ne porte pas à grave conséquence, puisque l’accord d’entreprise ne stipulait pas précisément les sanctions encourues, que la salariée n’articule aucun grief tiré de cette inobservation et que le renouvellement rétroactif à compter du 1er janvier 2011 est intervenu avec son accord.
12. En statuant ainsi, alors qu’elle avait constaté que le délai de la période probatoire avait expiré le 30 novembre 2010, et qu’à cette date la salariée était maintenue dans ses nouvelles fonctions, ce dont il résultait que l’avenant la nommant dans ces fonctions était devenu définitif, la cour d’appel a violé les textes susvisés.
PAR CES MOTIFS, (…) : CASSE ET ANNULE
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