On peut encore entendre, dans la sphère sociale, que le principe de faveur a été définitivement remis en cause par les réformes du Droit du travail intervenues au cours de la décade écoulée. Si effectivement l’articulation des accords et conventions collectifs entre eux, et avec la Loi, a connu des évolutions sensibles, il n’en reste pas moins d’une part que la règlementation sociale est d’ordre public, et d’autre part que cet ordre public « social » met en oeuvre le principe de faveur.
Ainsi entre deux normes conventionnelles de même niveau, en concours au sein d’une entreprise, il convient de faire application des dispositions de l’une ou l’autre, qui sont plus favorables au salarié. Un tel concours d’accords collectif survient si par exemple, l’accord précédent n’a pas été dénoncé, alors que le nouvel accord conclu porte sur le même objet.
Le Juge chargé de trancher le litige va devoir se livrer à une comparaison globale des catégories d’avantages salariaux ; à cette occasion, il va devoir considérer la faveur salariale non pas en fonction d’intérêts particuliers, mais en fonction de l’intérêt collectif en cause. Illustration de ce raisonnement nous est donnée par l’arrêt ici éclairé de la Cour de cassation.
Cour de cassation, Chambre sociale, 08 janvier 2020 (pourvoi n° 18-17.708, publié au Bulletin)
Attendu, selon l’arrêt attaqué (Douai, 30 mars 2018), que la société Maubeuge construction automobile (la société), société de la filière industrielle du groupe […], a conclu un accord d’entreprise le 9 mai 1994 puis un accord « compétitivité, emploi et aménagement réduction du temps de travail » le 30 juin 1999, lequel a donné lieu à deux avenants des 9 mars et 19 décembre 2001 ; que, le 13 mars 2013, la société […] , agissant tant en son nom propre qu’au nom de celui de ses filiales industrielles, a conclu un accord de groupe intitulé « Contrat pour une nouvelle dynamique de croissance et de développement social de […] en France », signé par les organisations syndicales CFDT, CFE-CGC et FO ; que, le 18 avril 2014, le syndicat […] a fait assigner la société, l’Union syndicale CFDT, le syndicat FO, le syndicat CFE-CGC, le syndicat CFTC, le syndicat SL et le syndicat CGT pour voir ordonner à la société le rétablissement des dispositions de l’accord d’entreprise du 9 mai 1994 avec ses avenants des 9 mars et 19 décembre 2001, avec effet au 13 mars 2013, et subsidiairement, voir dire l’accord de groupe du 13 mars 2013 inopposable aux syndicats et personnel de la société ; que la société a appelé dans la cause en intervention forcée et aux fins de déclaration de jugement commun la fédération générale des mines et de la métallurgie CFDT, la fédération FO de la métallurgie et la fédération de la métallurgie CFE-CGC ; que le syndicat CGT Maubeuge construction automobile et la société […] sont intervenus volontairement dans la procédure ;
(…)
Mais attendu qu’ayant, par motifs propres et adoptés, procédant à une comparaison des dispositions de l’accord de groupe du 13 mars 2013 avec celles des accords d’entreprise de la société MCA par ensemble d’avantages ayant le même objet ou la même cause, retenu que la renonciation des salariés à certains avantages, dont le retour à une durée de travail hebdomadaire de 35 heures sans augmentation de salaire, la perte de la possibilité d’utiliser les jours de congé de formation capitalisés pour bénéficier d’un congé de fin de carrière et la perte du choix d’utiliser librement les heures supplémentaires capitalisées au lieu de les faire rémunérer, avait eu une contrepartie réelle et effective de la part de […] par ses engagements en ce qui concerne le niveau d’activité global de production en France et le maintien d’un certain niveau d’emploi, engagements qui avaient été respectés, et ainsi caractérisé que les dispositions de l’accord de groupe étaient globalement plus favorables à l’ensemble des salariés du groupe que celles de l’accord d’entreprise du 9 mai 1994 et de l’accord d’entreprise du 30 juin 1999 modifié par avenants des 9 mars 2001 et 19 décembre 2001, la renonciation à certains avantages étant compensée par les engagements de maintien de l’emploi, la cour d’appel, sans être tenue de suivre les parties dans le détail de leur argumentation, a pu en déduire qu’en vertu du principe de faveur il convenait d’appliquer l’accord de groupe du 13 mars 2013 ; que le moyen n’est fondé en aucune de ses branches ;
PAR CES MOTIFS : REJETTE (…)
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