L’action prud’homale en résiliation judiciaire du contrat de travail, dès lors que le salarié peut se maintenir dans l’emploi, lui offre plusieurs garanties : autant de risques graves pour l’entreprise employeur. En effet si ce salarié est débouté de ses demandes, le contrat de travail se poursuit, et l’employeur ne peut tirer aucune conséquence (notamment disciplinaire) de cette action judiciaire infondée.

Par ailleurs si le Juge prononce la rupture du contrat, en raison des manquements graves de l’employeur, cette rupture produit les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse. Le salarié percevra donc des dommages-intérêts, outre les indemnités de rupture : indemnité compensatrice de préavis (et accessoires), et indemnité légale ou conventionnelle de licenciement.

L’arrêt ici signalé illustre une hypothèse originale : la salariée ayant initié le contentieux a été parallèlement placée en arrêt-maladie, dans le cadre d’un accident du travail reconnu à la suite des manquements de l’employeur. Ce sont ces manquements graves qui ont motivé son action en résiliation judiciaire ; on suppose que l’entreprise employeur les conteste, tant devant le Juge prud’homal que devant la juridiction sociale.

A l’issue de l’arrêt-maladie, la salariée est déclarée inapte par le médecin du travail et licenciée ; le Juge prononçant ensuite la résiliation judiciaire, la rupture du contrat de travail aux torts de l’employeur est fixée à la date du licenciement, lequel est donc disqualifié. Mais cette requalification de la rupture laisse pourtant au salarié le bénéfice des dispositions propres au licenciement pour inaptitude d’un salarié victime d’un accident du travail.

L’on pourrait penser, comme l’entreprise employeur dans le cas d’espèce, que la résiliation judiciaire entraîne des conséquences autonomes. Au contraire, décide la Cour de cassation : le droit à une double indemnité de licenciement, prévu par la Loi dans le cadre de l’inaptitude susvisée, est par exemple maintenu dans ce contexte au salarié.

 

Cour de cassation, chambre sociale, 20 février 2019 (pourvoi n° 17-17.744, publié au bulletin)
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Attendu, selon l’arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 9 mars 2017), que Mme I… a été engagée le 1er février 2001 par la société Relais des mousquetaires, aux droits de laquelle se trouve la société NSADL, en qualité de secrétaire comptable ; que se plaignant de manquements de l’employeur à ses obligations, elle a saisi la juridiction prud’homale en résiliation de son contrat de travail le 23 mars 2012 ; qu’après avoir été déclarée inapte à son poste par le médecin du travail à l’issue de deux examens des 7 et 21 décembre 2012, Mme I… a été licenciée pour inaptitude et impossibilité de reclassement le 23 janvier 2013 ;
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Attendu que la société fait grief à l’arrêt de la condamner au paiement de la somme de 6 265,09 euros au titre de l’indemnité spécifique de licenciement prévue par l’article L. 1226-14 du code du travail alors, selon le moyen, que l’indemnité spéciale de licenciement n’est due que dans le cas du licenciement prononcé en raison de l’impossibilité de reclassement du salarié déclaré inapte par le médecin du travail ; qu’en allouant cette indemnité à la salariée, dont le contrat n’a pas été rompu en raison d’un licenciement prononcé par l’employeur pour inaptitude mais à la suite de la demande de résiliation judiciaire présentée par celle-ci, la cour d’appel a violé l’article L. 1226-14 du code du travail ;

Mais attendu qu’ayant constaté que l’inaptitude de la salariée était consécutive à un accident du travail, la cour d’appel qui a prononcé la résiliation judiciaire du contrat de travail et dit que celle-ci produisait les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse, a décidé à bon droit que l’employeur était redevable de l’indemnité spéciale de licenciement prévue par l’article L. 1226-14 du code du travail ; que le moyen n’est pas fondé ;

PAR CES MOTIFS : REJETTE (…)