Les dommages-intérêts alloués par le Conseil de prud’hommes au salarié victime d’un licenciement dénué de cause réelle et sérieuse, sont précisément encadrés par la règlementation sociale ; depuis la réforme du 22 septembre 2017, un tunnel d’indemnisation en fixe ainsi notamment le montant entre deux limites légales, minimale et maximale, le Juge étant souverain sur cet écart. Depuis 2011 en outre, ces dommages-intérêts entrent dans l’assiette des contributions sociales (CSG et CRDS), sous conditions de montant.

L’article L.136-2-II-5° du Code de la sécurité sociale (devenu l’article L.136-1-1-III-5°-a à la suite de l’ordonnance n° 2018-748 du 12 juin 2018) obligeait l’employeur à précompter ces contributions sur les dommages-intérêts fixés au-delà du minimum légal visé à l’article L.1235-3 du Code du travail, soit une somme équivalente à 6 mois de salaire brut. Au-delà de 10 plafonds annuels de sécurité sociale (2 plafonds à la date des faits jugés en l’espèce), la somme était soumise à charges sociales et impôt sur le revenu dès le premier euro.

Ce mécanisme est ici repris par la Cour de cassation, dans l’arrêt signalé. Il convient en effet de ne pas confondre le montant minimum légal d’indemnisation du licenciement abusif, avec les simples indemnités de rupture qui sont soumises à un régime différent : inclusion progressive dans l’assiette socio-fiscale pour les montant supérieurs aux minima légal ou conventionnel.

Si le raisonnement ne peut qu’être maintenu après la réforme de 2017, une question se pose nécessairement depuis l’instauration d’une limite maximale à l’indemnisation du salarié : l’exonération de contribution restera-t-elle restreinte au montant minimum, ou bien s’étendra-t-elle au montant maximum ? L’on peut déduire des textes susvisés que la limite la plus élevée sera la référence, comme pour les indemnités légale ou conventionnelle de licenciement.

Mais l’article L.136-1-1-III-5°-a vise expressément les dommages-intérêts « … dans la limite du plus petit des montants suivants … » etc. Si effectivement l’employeur doit précompter les CSG et CRDS à partir de la tranche au-delà du minimum de dommages-intérêts, alors l’assiette de ces contributions a été élargie au double : de 6 mois antérieurement, l’on est passé à au plus 3 mois dans les entreprises de plus de 50 salariés.

 

 

Cour de cassation, chambre sociale, 13 février 2019 (pourvoi n° 17-11.487, publié au bulletin)

(…)
Vu l’article L. 136-2-II, 5° du code de la sécurité sociale, dans sa rédaction alors applicable ;

Attendu qu’il résulte du texte susvisé que, s’agissant des dommages-intérêts alloués pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, l’exonération de la contribution sociale généralisée (CSG) et de la contribution pour le remboursement de la dette sociale (CRDS) porte sur le minimum légal des salaires des six derniers mois fixé par l’article L. 1235-3 du code du travail, peu important que l’indemnisation ait été allouée par le juge sur le fondement de cet article ou sur celui de l’article L. 1235-5 du même code, dans leur rédaction alors applicable ;

Attendu, selon l’arrêt attaqué, que M. T…, employé en qualité de pharmacien par la société Pharmacie Feuillard-Nourrit depuis le 11 mai 2003, a été licencié pour motif économique le 16 mai 2011 ; que, par arrêt du 19 septembre 2014, la chambre sociale d’une cour d’appel a condamné la société à payer au salarié la somme de 49 000 euros de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, sur le fondement de l’article L. 1235-5 du code du travail, applicable en raison de ce que la société employait moins de onze salariés ; que l’employeur a réglé au salarié, en deux versements des 8 et 15 octobre 2014, cette somme, minorée du montant de la CSG et de la CRDS ; que le salarié a fait délivrer le 28 avril 2015 à la société un commandement de saisie-vente pour un montant de 4 525,78 euros, dont 3 920 euros correspondant aux contributions sociales précitées ; que la société a saisi le juge de l’exécution pour obtenir l’annulation de ce commandement ;

Attendu que, pour ordonner la mainlevée du commandement aux fins de saisie-vente du 28 avril 2015, l’arrêt retient qu’en application de l’article L. 136-2-II, 5° du code de la sécurité sociale, la contribution sociale généralisée doit s’appliquer sur la fraction de l’indemnité allouée qui excède, en l’absence de montant prévu par une convention collective ou un accord professionnel, l’indemnité légale de licenciement, dont les parties s’accordent pour indiquer qu’elle doit être chiffrée à 9 578,12 euros ; que la fraction de l’indemnité de 49 000 euros allouée au salarié en application des articles L. 1235-5 et L. 1235-1 du code du travail pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, soumise à contribution en application de l’article L. 136-2-II, 5° du code de la sécurité sociale, n’est pas inférieure au montant assujetti aux cotisations de sécurité sociale en application de l’article L. 242-1, alinéa 12, du code de la sécurité sociale et 80 duodecies du code général des impôts ; qu’il convient donc d’en déduire que la société a, à juste titre, prélevé la CSG et la CRDS sur la fraction d’indemnité mise à sa charge excédant l’indemnité légale de licenciement et ainsi déduit la somme de 3 920 € du montant à régler à son ancien salarié ;

Qu’en statuant ainsi, la cour d’appel a violé le texte susvisé ;

PAR CES MOTIFS : CASSE ET ANNULE (…)