Le recours au travail intérimaire apparaît souvent pour l’entreprise utilisatrice, comme une garantie contre le risque social : le salarié intérimaire n’est en effet pas celui de l’utilisateur, et la règlementation semble s’appliquer essentiellement à l’agence d’intérim, seul employeur juridique. Or l’entreprise utilisatrice est tenue responsable des conditions dans lesquelles le contrat de travail temporaire est exécuté, et elle subit donc sur ce point l’ensemble des responsabilités réservées normalement à l’employeur.

Ainsi en est-il notamment en matière de risque professionnel. L’entreprise utilisatrice est susceptible de supporter, voire de supporter seule à l’exclusion de l’entreprise de travail temporaire, les conséquences d’une faute inexcusable ayant causé l’accident du travail de l’intérimaire en cours de mission.

Or les dispositions des articles L.4154-2 et suivants du Code du travail aggrave la sévérité de ce régime au détriment de l’utilisateur, en créant une présomption de faute inexcusable en l’absence de formation spécifique à la sécurité, sur certains postes de travail qu’il doit préalablement identifier. L’arrêt ici signalé illustre cette hypothèse, qui doit être prise en compte lors du recours à l’intérim.

Cour de cassation, chambre civile 2ème, 11 octobre 2018 (pourvoi n° 17-23.694, publié au bulletin)
(…)

Attendu, selon l’arrêt attaqué (Rennes, 21 juin 2017), qu’ayant été victime, le 21 octobre 2005, d’un accident du travail, alors qu’elle effectuait une mission au sein de la société Presta Breizh, Mme X…, salariée de la société Breizh interim, entreprise de travail temporaire, a saisi une juridiction de sécurité sociale en reconnaissance de la faute inexcusable de son employeur ;

Sur le premier moyen :

Attendu que la société Presta Breizh fait grief à l’arrêt d’accueillir la demande de Mme X…, alors, selon le moyen :

1°/ que la présomption de faute inexcusable de l’employeur instituée par l’article L. 4154-3 du code de la sécurité sociale au bénéfice des salariés intérimaires est une présomption simple qui peut être renversée lorsque l’employeur établit avoir pris les mesures nécessaires pour préserver le salarié des risques auxquels il était exposé ; qu’en jugeant que la présomption de faute inexcusable n’était pas renversée et que la survenance de l’accident était entièrement imputable à la faute inexcusable de l’entreprise utilisatrice, tout en constatant que la société Presta Breizh avait institutionnalisé un système de remplacement automatique sur simple demande du salarié et des couteaux usés, remplacé les couteaux à neuf quatre jours avant l’accident, ce qui était conforté par deux attestations, et qu’elle mettait à disposition de chaque employé des gants de protection anti-coupure et anti-piqûre dont l’usage leur avait été expliqué, ce dont il résultait que les mesures nécessaires avaient été mises en place pour prévenir les risques liés au poste de pareur et que l’employeur ne paraît pas avoir conscience du danger, la cour d’appel n’a pas tiré les conséquences de ses allégations en violation des articles L. 452-1 du code de la sécurité sociale et L. 4154-3 du code travail ;

2°/ que la présomption de faute inexcusable de l’employeur instituée par l’article L. 4154-3 du code de la sécurité sociale au bénéfice des salariés temporaires est une présomption simple qui peut être renversée par l’employeur qui établit avoir pris les mesures nécessaires pour préserver le salarié des risques auxquels il était exposé ; qu’il est constant et constaté par la cour d’appel que les couteaux avaient été changés à neuf quatre jours avant l’accident, ce que Mme X… ne contestait pas et ce dont il se déduisait que la société Presta Breizh avait mis à disposition des salariés des outils aux normes, de sorte qu’il appartenait à Mme X…, qui indiquait que son couteau était usé et qu’il n’avait pas été changé, de rapporter la preuve de ses allégations ; en tenant pour acquises les allégations de Mme X… selon lesquelles elle avait utilisé le jour de l’accident un couteau usé dont le remplacement lui aurait été refusé, quand elle ne rapportait pas le moindre élément de preuve de nature à appuyer de telles allégations, et exigeant parallèlement de la société Presta Breizh – qui démontrent qu’il existait une procédure de remplacement automatique des couteaux usés sur simple demande du salarié et que les couteaux avaient été changés par des couteaux neufs seulement quatre jours avant l’accident – qu’elle justifie que « le couteau utilisé lors des faits, 04 jours plus tard, était toujours « aux normes », la cour d’appel a inversé la charge de la preuve en violation des articles L. 452-1 du code de la sécurité sociale et L. 4154-3 du code du travail ;

3°/ que la cassation qui ne manquera pas d’intervenir sur les branches précédentes en ce qu’elles critiquent les chefs du dispositifs par lesquels la cour d’appel a jugé que l’accident du travail dont Mme X… a été victime le 21 octobre 2005 est imputable entièrement à la faute inexcusable de la société utilisatrice, emportera par voie de conséquence et en application de l’article 624 du code de procédure civile, la cassation des chefs du dispositif de l’arrêt attaqué relatifs aux conséquences de la faute inexcusable et en particulier à la fixation au maximum prévu par la loi de la majoration de la rente sur la base d’une incapacité permanente partielle de 70 %, à l’ordre de procéder à une expertise médicale, à l’allocation à Mme X… d’une indemnité provisionnelle d’un montant de 5 000 euros et à la condamnation de la société Presta Breizh à garantir la société Breizh Interim des conséquences financières de la faute inexcusable mises à sa charge ;

Mais attendu que la présomption de faute inexcusable instituée par l’article L. 4154-3 du code du travail ne peut être renversée que par la preuve que l’employeur a dispensé au salarié la formation renforcée à la sécurité prévue par l’article L. 4154-2 du même code ;

Et attendu que l’arrêt constate, d’une part, que Mme X…, salariée d’une entreprise de travail temporaire, mise à disposition de la société Presta Breizh était affectée, en qualité d’ouvrière pareuse, à un poste de travail présentant des risques particuliers pour la santé et la sécurité des salariés, d’autre part, que cette société ne justifie pas lui avoir dispensé une formation renforcée à la sécurité au sens de l’article L. 4153 du code du travail ;

D’où il suit que le moyen est inopérant ;

Et attendu qu’il n’y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur le second moyen annexé qui n’est manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;

PAR CES MOTIFS : REJETTE (…)