Le contrat de travail ne peut être modifié sans l’accord exprès des deux parties ; l’article L.1224-1 du Code du travail apporte une exception notable à ce principe d’immutabilité du contrat, applicable en Droit du travail conformément au Droit commun. Ainsi en cas de transfert d’entreprise, les contrats de travail en cours sont automatiquement transférés au nouvel employeur, lequel est considéré comme étant depuis l’origine le cocontractant du salarié.

Il s’agit de dispositions d’ordre public « absolu », et nul ne peut y déroger : pas même le Juge. En revanche le salarié peut se voir proposer, et accepter, la modification de l’identité de son employeur, et ainsi être « muté » au sein d’une autre entreprise ; la négociation peut alors d’ailleurs porter sur d’autres modalités du contrat ou des conditions de travail.

De même un accord collectif peut organiser les modalités d’un tel transfert qui serait ainsi expressément accepté par le salarié, alors que l’article L.1224-1 du Code du travail ne serait pas applicable. Certains accords collectifs de branche, notamment dans le secteur des entreprises de nettoyage, encadrent justement ces mutations, lorsqu’un marché est transféré d’une entreprise à une autre.

Or la Cour de cassation vient de préciser, à l’occasion d’une question prioritaire de constitutionnalité, que le régime applicable à ces deux transferts est différent. Les salariés transférés, l’un par l’application impérative de l’article L.1224-1 du Code du travail, l’autre par application de l’accord collectif, ne peuvent donc pas être appréhendés sur ce point, s’agissant du principe d’égalité de traitement.

 

Cour de cassation, Chambre sociale, 20 mars 2019 (pourvoi n° 18-40.048 QPC)
(…)
Attendu que la question transmise est ainsi rédigée :
«  L’article L. 1226-6 du code du travail tel qu’interprété par la Cour de cassation engendre une inégalité de traitement entre les salariés dont le contrat de travail est transféré par l’effet de la loi (transfert légal) et ceux dont le contrat est transféré par l’effet de l’accord collectif (transfert conventionnel), porte-t-il atteinte aux droits et libertés garantis par les articles 1 et 6 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789 pour violation du principe d’égalité des hommes en droit ? »
Attendu que cette disposition législative telle qu’interprétée par la jurisprudence constante de la Cour de cassation, qui sert de fondement à la décision contestée, est applicable au litige ;
Qu’elle n’a pas déjà été déclarée conforme à la Constitution dans les motifs et le dispositif d’une décision du Conseil constitutionnel ;
Mais attendu, d’une part, que la question, ne portant pas sur l’interprétation d’une disposition constitutionnelle dont le Conseil constitutionnel n’aurait pas encore eu l’occasion de faire application, n’est pas nouvelle ;
Et attendu, d’autre part, que la question posée ne présente pas un caractère sérieux en ce que le principe de l’égalité de traitement ne s’oppose pas à ce que l’interprétation jurisprudentielle d’une disposition législative règle de façon différente des situations différentes ; qu’en cas de transfert légal, c’est le même contrat de travail qui se poursuit auprès du nouvel employeur par le transfert d’une entité économique autonome qui subsiste à laquelle est attachée la protection reconnue aux salariés victimes d’un accident du travail ou d’une maladie professionnelle alors que l’accord collectif qui, pour le cas de la perte d’un marché de services, prévoit et organise le transfert de tout ou partie des contrats de travail des salariés affectés à l’exécution du marché, lesquels peuvent s’y opposer, ne peut à lui seul et sauf clause contraire le prévoyant, faire échec aux dispositions de l’article L. 1226-6 du code du travail ; qu’il en résulte que les salariés dont le contrat de travail est transféré dans le cadre d’un accord collectif ne sont pas placés dans une situation identique à celle des salariés dont le contrat de travail est transféré dans le cadre des dispositions de l’article L. 1224-1 du code du travail ;
D’où il suit qu’il n’y a pas lieu de la renvoyer au Conseil constitutionnel ; (…)