L’identité des parties au contrat de travail salarié constitue un élément essentiel du contrat, qui ne peut être modifié unilatéralement par l’employeur. Ainsi le salarié ne peut être muté d’autorité, même au sein du même groupe, ou au sein d’une entreprise appartenant au même dirigeant.

Sauf lorsqu’exceptionnellement la Loi impose un tel transfert (par exemple en cas de transfert de l’entreprise), l’accord exprès du salarié est donc nécessaire à sa mobilité. C’est ce que rappelle la Cour de cassation dans l’arrêt ci-dessous reproduit.

COUR DE CASSATION, Chambre sociale, 11 septembre 2024 (pourvoi n° 22-10.204, publié au Bulletin)

1°/ Mme [I] [K], veuve [M],

2°/ M. [V] [M],

3°/ M. [Y] [M],

tous trois domiciliés [Adresse 4],

ont formé le pourvoi n° W 22-10.204 contre l’arrêt rendu le 21 septembre 2021 par la cour d’appel de Fort-de-France (chambre civile), dans le litige les opposant :

1°/ à M. [P] [Z], domicilié [Adresse 3],

2°/ à la société [Z] [P] holding, société à responsabilité limitée,

3°/ à la société [Z] racing, société à responsabilité limitée,

toutes deux ayant leur siège [Adresse 3],

4°/ à la société AG2R La Mondiale, dont le siège est [Adresse 1],

5°/ à la société AG2R Prévoyance, dont le siège est [Adresse 2],

défendeurs à la cassation.

(…)

Faits et procédure

1. Selon l’arrêt attaqué (Fort-de-France, 21 septembre 2021), M. [S] [M] a été engagé le 1er janvier 1994 par la société [Z] racing en qualité de commercial.

2. Le 22 juin 1998, la société [Z] racing a adhéré auprès de la société AG2R La Mondiale à un régime de prévoyance des non cadres assurant le versement d’un capital en cas de décès ou d’invalidité dus à une maladie ou un accident.

3. [S] [M] est décédé le 26 novembre 2010 des suites d’un accident de la circulation.

4. Sollicitée par Mme [M], la société AG2R La Mondiale a refusé de lui verser le capital décès au motif qu’au jour du décès de son mari, il n’existait pas de couverture de prévoyance en vigueur au sein de la société [Z] [P] holding, au sein de laquelle son contrat de travail aurait été transféré.

5. Le 20 décembre 2011, Mme [M], agissant pour elle-même et en qualité de représentante légale de ses deux enfants, à l’époque mineurs, [V] et [Y] [M] (les consorts [M]), a assigné M. [Z] et les sociétés [Z] [P] holding et [Z] racing devant le tribunal de grande instance afin d’obtenir le versement d’une somme égale à celle qu’ils auraient dû percevoir au titre du contrat de prévoyance.

6. Le 31 mars 2014, les sociétés [Z] [P] holding, [Z] racing et M. [Z] ont assigné les sociétés AG2R La Mondiale et AG2R Prévoyance en intervention forcée aux fins d’obtenir leur condamnation à fournir aux consorts [M] la garantie accordée et subsidiairement à les garantir si l’action en responsabilité des consorts [M] devait aboutir.
(…)

7. Les consorts [M] font grief à l’arrêt de les débouter de leurs demandes tendant à ce que les défendeurs soient condamnés in solidum à leur payer une somme au titre du capital décès, augmentée des intérêts légaux à compter du 29 août 2011 outre capitalisation, à ce qu’il leur soit alloué en application du régime de prévoyance une rente éducation, pour MM. [V] et [Y] [M], alors « que sauf application des dispositions de l’article L. 1224-1 du code du travail, le transfert du contrat de travail d’un salarié d’une société à une autre constitue une modification de ce contrat qui ne peut intervenir sans l’accord de ce salarié ; qu’en considérant que [S] [M] aurait changé d’employeur, qu’au jour de son décès, il n’aurait plus été salarié de la société [Z] racing, mais salarié de la société [Z] [P] holding et que son contrat de travail n’avait pas été transféré en application de l’article L. 1224-1 du code du travail, sans constater qu’il aurait expressément consenti à la modification de son contrat de travail, la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard de l’article 1134 du code civil, dans sa version antérieure à celle issue de l’ordonnance du 10 février 2016. »

Réponse de la Cour

Vu les articles L. 1224-1 du code du travail et 1134 du code civil, ce dernier dans sa rédaction antérieure à l’ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 :

8. Lorsque les conditions de l’article L. 1224-1 du code du travail ne sont pas réunies, le transfert du contrat de travail d’un salarié d’une entreprise à une autre constitue une modification de ce contrat qui ne peut intervenir sans son accord exprès, lequel ne peut résulter de la seule poursuite du travail sous une autre direction.

9. Il en résulte qu’en l’absence d’accord exprès, le contrat de travail avec l’employeur initial n’ayant pas été rompu, le salarié est fondé à solliciter le bénéfice des avantages qui y étaient attachés.

10. Pour rejeter la demande des consorts [M], l’arrêt retient qu’au regard des bulletins de salaire produits, à la date de la survenance du décès de [S] [M], celui-ci n’était plus salarié de la société [Z] racing, seule souscriptrice du contrat de prévoyance AG2R, mais salarié de la société [Z] holding, dont il n’est pas démontré qu’elle ait souscrit un contrat de prévoyance.

11. En se déterminant ainsi, sans rechercher si le salarié avait donné son accord exprès au changement d’employeur, la cour d’appel a privé sa décision de base légale.

PAR CES MOTIFS (…) : CASSE ET ANNULE (…)