Les sanctions pénales ou administratives infligées à l’employeur condamné pour certaines des infractions les plus graves à la règlementation sociale (santé et sécurité au travail, travail illégal), peuvent être accompagnées de mesures de publicité donnée à leur condamnation. L’Administration du travail organise par exemple des listes d’entreprises ayant fait l’objet de telles mesures, qui sont accessibles sur son site : ces entreprises y figurent pour une durée déterminée de cinq ans maximum.

Le Juge peut aussi condamner l’entreprise à afficher ou diffuser la condamnation pénale prononcée contre elle. Ce pilori moderne est particulièrement sévère, dès lors que la Cour de cassation précise que le « ou » est inclusif : cela permet au Juge, comme le rappelle la Chambre criminelle dans l’arrêt ci-dessous reproduit, de cumuler les deux mesures.

COUR DE CASSATION, Chambre criminelle, 28 octobre 2025 (pourvoi n° 24-86.438, publié au Bulletin)

La société [1] a formé un pourvoi contre l’arrêt de la cour d’appel de Paris, chambre 2-13, en date du 6 septembre 2024, qui, pour blessures involontaires, l’a condamnée à 50 000 euros d’amende et a ordonné l’affichage et la diffusion de la décision.

(…)

Faits et procédure

  1. Il résulte de l’arrêt attaqué et des pièces soumises à l’examen de la Cour de cassation ce qui suit.
  2. La société [1] (la société) a été déclarée coupable de blessures involontaires par violation manifestement délibérée d’une obligation particulière de prudence ou de sécurité imposée par la loi ou le règlement ayant occasionné une incapacité totale de travail d’une durée inférieure ou égale à trois mois, faits commis le 2 mai 2017, et condamnée, notamment, à l’affichage de la décision pendant une durée de deux mois à son siège social et sur son site internet.
  3. La société et le ministère public ont relevé appel de cette décision.

(…)

  1. Le moyen critique l’arrêt attaqué en ce qu’il a ordonné l’affichage de la décision au siège de la société [1] et sur son site internet pour une durée de deux mois, alors « que nul ne peut être puni d’une peine qui n’est pas prévue par la loi ; que l’article 131-39, 9°, du code pénal, auquel renvoie l’article 222-21 applicable aux personnes morales, ne prévoit que l’affichage « ou » la diffusion de la décision ; qu’en condamnant la société [1] à afficher sa décision au siège social, et à l’afficher sur son site internet, ce qui revient à la diffuser, la Cour d’appel a violé les articles 111-3, 131-9 et 222-21 du code pénal. »

Réponse de la Cour

  1. Selon l’article 131-38 du code pénal, qui s’applique aux personnes morales, la peine d’affichage de la décision ou de diffusion de celle-ci est prononcée dans les conditions prévues à l’article 131-35 du même code.
  2. Selon ce dernier texte, dans sa rédaction issue de la loi n° 2011-525 du 17 mai 2011, l’affichage et la diffusion peuvent être ordonnés cumulativement.
  3. Dès lors, c’est sans encourir les griefs du moyen que l’arrêt attaqué a décidé de l’affichage de la décision au siège de la société et sur son site internet pour une durée de deux mois.
  4. Ainsi, le moyen doit être écarté.
  5. Par ailleurs, l’arrêt est régulier en la forme.

PAR CES MOTIFS (…) : REJETTE (…)