Le salarié, comme l’employeur, peuvent contester la rupture conventionnelle devant le Conseil de prud’hommes. Si la procédure formelle prévue aux articles L.1237-11 et suivants du Code du travail n’a pas été régulièrement suivie, ou bien si le consentement de l’une des parties a été viciée, le Juge prononce la nullité de la convention, et fait produire en principe à la rupture les effets soit d’une démission, soit d’un licenciement abusif.
Toutefois si l’irrégularité de la procédure tient à l’insuffisance de l’indemnité de rupture, le Juge ne prononce pas la nullité de la rupture : il condamne simplement l’employeur à verser un rappel d’indemnité. Par conséquent, la question se pose de savoir si le salarié peut agir en Justice, seulement pour réclamer ce rappel.
Rien ne s’oppose en effet à ce que le contentieux ne porte que sur les conséquences de la rupture conventionnelle, sans que l’intégrité de celle-ci ne soit mise en cause : le salarié peut donc agir pour réclamer le versement des sommes conséquences de la rupture conventionnelle, sans réclamer la nullité de la rupture. C’est la solution affirmée par la Cour de cassation dans l’arrêt ci-dessous principalement reproduit.
COUR DE CASSATION, Chambre sociale, 5 novembre 2025 (pourvoi n° 23-14.633, publié au Bulletin)
M. [B] [C], domicilié [Adresse 2], a formé le pourvoi n° F 23-14.633 contre l’arrêt rendu le 9 mars 2023 par la cour d’appel de Paris (pôle 6, chambre 8), dans le litige l’opposant à la société Compagnie IBM France, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 1], défenderesse à la cassation.
(…)
Faits et procédure
1. Selon l’arrêt attaqué (Paris, 9 mars 2023), M. [C] a été engagé en qualité de cadre conseiller, le 10 juillet 2000, par la société Compagnie IBM France. En dernier lieu, il exerçait les fonctions de « senior sales specialist » et sa rémunération fixe était complétée par une partie variable.
2. S’étant porté candidat, le 13 mars 2018, au dispositif de ruptures conventionnelles collectives prévu par l’accord d’entreprise du 21 février 2018, validé le 8 mars 2018 par la Direccte, il a conclu avec son employeur, le 22 mars 2018, une convention de rupture d’un commun accord de son contrat de travail et la relation contractuelle a pris fin le 2 octobre 2018, le salarié ayant retrouvé un emploi avant le terme de son congé de mobilité de huit mois fixé au 31 décembre 2018.
3. Il a saisi la juridiction prud’homale de demandes en paiement d’un solde de rémunération variable pour le premier semestre de l’année 2017 et de sommes complémentaires au titre de l’indemnité spécifique incitative, du complément de l’allocation de congé de mobilité et de l’indemnité pour concrétisation rapide de projet prévues par l’accord d’entreprise portant ruptures conventionnelles collectives.
(…)
4. Le salarié fait grief à l’arrêt de le débouter de sa demande au titre de l’indemnité spécifique incitative, alors « que l’absence de demande d’annulation de la rupture d’un commun accord signée dans le cadre d’un accord collectif portant rupture conventionnelle collective n’interdit pas au salarié d’exiger le respect par l’employeur des dispositions légales et conventionnelles relatives au montant minimal de l’indemnité spécifique de rupture conventionnelle collective ; qu’en jugeant le contraire, la cour d’appel a violé les articles L. 1237-19-1 et L. 1234-9 du code du travail, ensemble l’article 29 de la convention collective nationale des ingénieurs et cadres de la métallurgie et le paragraphe D du volet VI, titre II, partie II, de l’accord d’entreprise portant rupture conventionnelle collective au sein de la Compagnie IBM France. »
Réponse de la Cour
Vu les articles L. 1237-19-1 et L. 1234-9 du code du travail, 29 de la convention collective nationale des ingénieurs et cadres de la métallurgie et le paragraphe D du volet VI, titre II, partie II de l’accord d’entreprise portant ruptures conventionnelles collectives au sein de la Compagnie IBM France :
5. Selon le premier de ces textes, l’accord portant rupture conventionnelle collective détermine les modalités de calcul des indemnités de rupture garanties au salarié, qui ne peuvent être inférieures aux indemnités légales dues en cas de licenciement.
6. Il résulte du dernier, relatif à l’indemnité spécifique incitative, que celle-ci ne peut être inférieure aux indemnités légales ou conventionnelles dues en cas de licenciement et que l’assiette de référence de calcul pour le salaire moyen mensuel pour cette indemnité correspond au douzième de la rémunération des douze derniers mois bruts complets précédant la signature de la convention de rupture, avec cette précision que « pour les populations sur Plan de Motivation, les commissions/bonus seront pris en compte dans la limite d’un salaire de référence maximal à hauteur de l’OTE du salarié concerné (On Target Earning ou Rémunération Objectif atteint) ».
7. Pour débouter le salarié de sa demande au titre de l’indemnité spécifique incitative, l’arrêt retient, d’abord, que la convention de rupture d’un commun accord du 22 mars 2018 prévoit expressément le montant brut du salaire sur la base duquel ont été calculées les indemnités de rupture allouées à l’intéressé et, plus précisément, l’indemnité spécifique incitative et, ensuite, que le salarié qui ne demande pas la nullité de cette convention de rupture qu’il a signée n’a pas la faculté d’en demander la modification pour que soit intégrée dans la base de calcul de ses indemnités la part variable de la rémunération qui lui a judiciairement été allouée.
8. En statuant ainsi, alors que l’absence de demande en annulation de la rupture conventionnelle et partant d’invocation de moyens au soutien d’une telle demande, n’interdit pas à un salarié d’exiger le respect par l’employeur des dispositions de l’article L. 1237-19-1 du code du travail et de l’accord d’entreprise portant ruptures conventionnelles collectives, relatives au montant minimal de l’indemnité spécifique incitative, la cour d’appel a violé les textes susvisés.
(…)
PAR CES MOTIFS (…) : CASSE ET ANNULE (…)
Commentaires récents