La protection exceptionnelle prévue aux articles L.2411-1 et suivants du Code du travail, au profit des salariés investis d’un mandat de représentation, s’applique aussi bien aux salariés sous contrat de travail à durée déterminée (CDD). Ainsi l’arrivée du terme du CDD ne met pas fin automatiquement à la relation de travail : il est nécessaire que l’employeur saisisse préalablement l’inspecteur du travail, aux fins d’autorisation administrative de constater ce terme.
La protection des représentants du personnel est à ce titre plus efficace que celle des salariés accidentés du travail. C’est ce que rappelle la Cour de cassation dans l’arrêt principalement reproduit ci-dessous.
S’agissant d’un mandat externe à l’entreprise (en l’espèce il s’agissait d’un conseiller syndical du salarié), il convient toutefois que le salarié démontre que l’employeur avait connaissance dudit mandat avant la fin du contrat. Or puisqu’il est en l’occurence question d’un CDD, cela revient en pratique la plupart du temps à imposer au salarié d’informer expressément son employeur : la plupart du temps une fois le contrat formalisé, évidemment…
Cour de cassation, Chambre sociale, 7 juillet 2021 (pourvoi n° 19-23.989, publié au Bulletin)
1. Selon l’arrêt attaqué (Paris, 12 septembre 2019), M. [W] a été engagé du 10 juin 2013 au 14 février 2014 par la société Laboratoires Juva santé (la société) par un contrat à durée déterminée.
2. Le salarié détenait un mandat de conseiller du salarié qui expirait le 31 août 2015.
3. Soutenant l’existence d’une violation de son statut protecteur, le salarié a saisi la juridiction prud’homale le 22 janvier 2016 pour obtenir paiement de diverses sommes.
(…)
5. La société fait grief à l’arrêt de déclarer abusif le licenciement et de la condamner à payer diverses sommes à titre de dommages-intérêts pour violation du statut protecteur, de dommages-intérêts pour rupture abusive du contrat de travail et d’indemnité compensatrice de préavis outre les congés payés afférents, alors :
« 1°/ que l’article L. 2412-1 du code du travail, auquel renvoie l’article L. 2421-8 relatif à la ’’procédure applicable au salarié titulaire d’un contrat à durée déterminée’’, ne mentionne pas, parmi les mandats ouvrant droit à la protection, celui de conseiller du salarié ; que, pour considérer que M. [W], titulaire d’un contrat à durée déterminée pour la période du 10 juin 2013 au 14 février 2014, aurait dû, eu égard à son mandat de conseiller du salarié, bénéficier d’un statut protecteur, dire que la cessation des relations contractuelles intervenue par l’échéance du terme sans saisine préalable de l’administration du travail était nulle, et condamner l’exposante au paiement de sommes à titre de dommages et intérêts pour méconnaissance du statut protecteur, rupture abusive, indemnité compensatrice de préavis et congés payés afférents, la cour d’appel a successivement retenu que le conseiller du salarié bénéficiait d’une protection contre le licenciement, ce tant en application de l’actuel code du travail que des dispositions antérieures à sa recodification, l’ancien article L. 122-14-16 du code du travail renvoyant à cet égard à la protection, prévue par l’article L. 412-18 dont bénéficiaient les délégués syndicaux, que l’article L. 412-18 soumettait à autorisation de l’inspecteur du travail, non seulement le licenciement, mais aussi l’interruption du contrat de mission par l’entrepreneur de travail temporaire et la notification du non-renouvellement de la mission, que si les dispositions relatives au conseiller du salarié ne faisaient plus référence à la protection dont bénéficiaient les délégués syndicaux, la recodification étant intervenue à droit constant, le conseiller du salarié bénéficiait toujours de la même protection, et enfin qu’aux termes de l’article L. 2421-8 du code du travail, l’arrivée du terme du contrat à durée déterminée n’entraînait la rupture de ce dernier qu’après saisine de l’inspection du travail en application de l’article L. 2412-1, peu important que cet article, énumérant la liste des mandats permettant de bénéficier d’une telle protection, ne cite pas celui de conseiller du salarié ; qu’en statuant ainsi, par référence à des dispositions portant sur le licenciement ou la rupture de contrats de mission, les seules dispositions relatives au contrat à durée déterminée renvoyant à une liste qui, ainsi qu’elle l’a relevé, ne mentionnaient pas le mandat de conseiller du salarié, la cour d’appel a violé les articles L. 2421-8, L. 2412-1, L. 2411-1, et L. 1232-14 du code du travail, dans leur rédaction applicable au litige ;
2°/ qu’en admettant même que l’on puisse se référer, ainsi que l’a retenu la cour d’appel, aux dispositions applicables aux délégués syndicaux pour déterminer la protection dont bénéficient les conseillers des salariés, l’article L. 2412-2 du code du travail n’impose d’autorisation de l’administration du travail qu’en cas de rupture du contrat à durée déterminée avant l’échéance de son terme ou de non renouvellement du contrat à durée déterminée comportant une clause de renouvellement ; qu’en l’espèce, il était constant que le contrat de M. [W] n’avait pas été rompu avant l’échéance du terme et la cour d’appel a constaté qu’il ne comportait pas de clause de renouvellement ; qu’en statuant néanmoins comme elle l’a fait, elle a violé les articles L. 2421-8 et L. 2412-1, L. 2412-2, L. 2411-1, et L. 1232-14 du code du travail, dans leur rédaction applicable au litige.
Réponse de la Cour
6. Aux termes de l’ancien article L. 122-14-16 du code du travail, le licenciement par l’employeur du salarié inscrit sur une liste dressée par le représentant de l’Etat dans le département, chargé d’assister les salariés convoqués par leur employeur en vue d’un licenciement, est soumis à la procédure prévue par l’article L. 412-8 du présent code.
7. Aux termes de l’ancien article L. 412-8, le délégué syndical lié à l’employeur par un contrat de travail à durée déterminée bénéficie des mêmes garanties et protections que celles accordées aux délégués du personnel et aux membres du comité d’entreprise, conformément aux articles L. 425-2 et L. 436-2.
8. Il en résulte que, la recodification étant intervenue à droit constant, le conseiller du salarié bénéficie de la protection prévue à l’article L. 2421-8 du code du travail imposant que, lorsque le contrat à durée déterminée arrive à son terme, l’inspecteur du travail autorise préalablement la cessation du lien contractuel.
9. Ayant constaté que l’inspecteur du travail n’avait pas été saisi préalablement à l’arrivée du terme du contrat à durée déterminée, la cour d’appel en a exactement déduit que la rupture des relations contractuelles, intervenue en violation de l’article L. 2421-8 du code du travail, était nulle et que l’intéressé pouvait de ce fait prétendre à une indemnité au titre de la violation du statut protecteur dont le montant est égal aux salaires qu’il aurait dû percevoir entre le jour suivant le terme de son contrat et la fin de la période de protection.
10. Le moyen n’est donc pas fondé.
PAR CES MOTIFS (…) : REJETTE (…)
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